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Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 22.12.2017 - philippe-gavillet-de-peney - 4 min  - vu 6087 fois

FAIT DU JOUR Cartes grises : noir c'est noir !

Annoncée à grand renfort de communication par l'État comme la panacée, la dématérialisation des cartes grises via un site Internet dédié s'avère très problématique et fait surtout le bonheur de certains garagistes et, plus encore, d'entreprises spécialisées pas toujours scrupuleuses. Mais pour le particulier, c'est un cauchemar...

carte grise (illustration)

De quoi nous faire sérieusement regretter le contact direct et les guichets auxquels, avec un interlocuteur en chair et en os, on pouvait avoir des réponses à ses questions... Objectif Gard a recueillis quelques témoignages de lecteurs et tente de vous expliquer le pourquoi du comment de ce pataquès informatique... 

Décidément l'État n'en a pas fini avec sa révolution numérique ! Depuis le 6 novembre dernier et la mise en place de la dématérialisation des procédures d'immatriculation, concomitante à la fermeture des guichets afférents à la préfecture, les usagers lambda et les professionnels de l'automobile sont confrontés à des problèmes insolubles. Après le facétieux système AMELI mis en place par la Sécurité Sociale, qui est loin de donner satisfaction, c'est maintenant celui des cartes grises (SIV, Service immatriculation véhicule) qui donne d'évidents signes de saturation quelques semaines seulement après sa mise en route. Et on ne vous parle pas de la délivrance des permis de conduire ou des pièces d'identité pour lesquels les difficultés sont les mêmes...

Les dossiers s'accumulent

On en veut pour preuve la panne généralisée qui affecte le SIV au plan national depuis 15 jours et paralyse, rien que pour le centre de Nîmes (qui traite les demandes de 23 départements), pas moins de 25 000 dossiers de demande d'immatriculation. Une liste qui ne cesse de s'allonger au fil des jours... Pour les particuliers, la démarche est devenue un parcours du combattant et ils finissent le plus souvent par rendre les armes et à se retourner vers les professionnels... "J’ai récemment acheté un véhicule d’occasion qu’il a fallu immatriculer", nous raconte Jérôme Lefebvre. "J’ai rencontré plusieurs problèmes avec le nouveau système. Après avoir tenté à plusieurs reprises d'essayer de prouver mon identité, avoir connu des soucis liés à la documentation et des problèmes de navigation sur smartphone, je me suis finalement résolu à faire appel à une société afin de résoudre mes problèmes. Ça a été très efficace mais cela m’a engendré un surcoût de 25 euros."

Le 18 décembre, voilà le message qui était affiché sur un site spécialisé lorsqu'on cliquait sur l'onglet ''Contact''... (Photo : capture d'écran Philippe Gavillet de Peney/Objectif Gard)

Un cas loin d'être isolé si l'on en croit un autre de nos lecteurs, Jean-Charles Roux, confronté par ailleurs à un cas particulier apparemment insoluble par un automate ou un ordinateur. "J’ai acheté un véhicule de collection (une 4 chevaux de 1952). J’essaie de me connecter pour immatriculer le véhicule. Opération impossible sur le site de la préfecture. Comme ce genre d’immatriculation "véhicule de collection" impose un rendez-vous en préfecture, je ne vous cache pas que c’est compliqué", témoigne cet habitant de Poulx qui a finalement pris sa plus belle plume pour s'adresser à l'administration. "J’ai écris à la préfecture mais mon courrier reste sans réponse. J’ai interrogé des garages habilités à délivrer les cartes grises, mais visiblement ils ne sont pas au courant des procédures pour immatriculer un véhicule de ce type. Aujourd’hui je reste dans l’attente et je roule avec la carte grise de l’ancien propriétaire (ce qui est interdit par la loi, NDR). Au-delà du fait du blocage du système, c’est à se demander si l’État n’a pas "privatisé" ce service. Les services administratifs sont incapables de répondre à nos questions et les privés nous proposent, moyennant un coût de 30 euros environ, de nous faire nos cartes grises. Par ailleurs en préfecture, les cartes grises, comme les permis de conduire, sont délivrés les mardis et jeudis de 14 à 16 heures. Il n’y a pas de guichet dédié. Les documents s'échangent dans le hall d’entrée au bureau d’accueil. Compte tenu de l’affluence et de la mise à disposition de fonctionnaires (2 personnes), je vous laisse imaginer la file d’attente et le bazar pour récupérer les précieux sésames."

Les sites spécialisés tirent les marrons du feu

Quoi qu'il en soit, comme d'habitude il faut bien que le crime profite à quelqu'un. Et en l’occurrence, et bien qu'ils ne soient absolument pour rien dans ces dysfonctionnements informatiques, les gérants des sociétés et des sites internet spécialisés dans ce type de démarches se frottent les mains. À 30 euros en moyenne la carte grise, ils sont nombreux à justifier que le malheur des uns fait le bonheur des autres et l'annuaire des professionnels habilités de l'immatriculation prend régulièrement de l'épaisseur. Et versant tarif, c'est la bouteille à l'encre ! Pour un même véhicule et la même prestation (changement de propriétaire et établissement d'une nouveau certificat d'immatriculation, NDR), nous avons procédé à trois simulations de devis et les écarts tarifaires sont abyssaux puisqu'ils s'étalent de 160,76 euros à 314,76 euros en passant par 190,66 euros ! À n'y rien comprendre...

La préfecture promet un retour rapide à la normale

Du côté de la préfecture on fait profil bas et on reconnaît le problème. "Dans les CERT (*) 80% des demandes (événements) fonctionnent par télé-procédures. Seuls 20% transitent par les CERT. L'effort est actuellement porté à la résorption du stock dont le retard sera rattrapé en début de semaine prochaine", nous indique le service communication. Un bug informatique qui n'a pas manqué de faire réagir les autorités de tutelle puisque le secrétaire général du ministère de l'Intérieur a reçu les professionnels de l'automobile afin de faire un point de situation.

Au niveau local, le secrétaire général de la préfecture a reçu vendredi 15 décembre des représentants de la profession automobiles et notamment un représentant du CNPA (Conseil national des professions de l'automobile), Michel Anduze, son responsable territorial. Joint au téléphone, celui-ci nous explique que "le problème vient de la fiabilité du système, qui n'est pas stable. À ce jour, on commence à y voir plus clair. Nous échangeons très régulièrement avec le ministère de l'Intérieur pour faire des points sur la situation de chaque CERT. Pour autant, 80% des dossiers passent sans problème et sont traités en moins de 78 heures. En particulier les immatriculations de véhicules neufs sortant des garages. Aujourd'hui nos priorités portent sur le WW (immatriculation provisoire des garages) car de nombreux professionnels sont dans des situations critiques et il y a beaucoup de demandes en fin d'année. Le ministère a incité les préfectures qui le pouvaient à proroger leurs délais de fermeture des guichets ou à les rouvrir temporairement. Ce ne sera pas le cas du Gard car Nîmes a déjà réaffecté le personnel au CERT."

Toujours est-il qu'en préfecture on assure "qu'il est attendu pour ce 21 décembre 2017 une version améliorée du  Système d'Immatriculation des Véhicules (SIV) qui devrait rétablir toutes les fonctionnalités dont ont besoin les professionnels." Acceptons-en l'augure, mais à ce jour rien n'est réglé. Loin s'en faut...

Philippe GAVILLET de PENEY

philippe@objectifgard.com

Centre d'expertise et de ressources titres.

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