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Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 15.03.2018 - anthony-maurin - 5 min  - vu 919 fois

FAIT DU JOUR Bernard Angelras, meilleur millésime du syndicat des Costières?

(Photo Anthony Maurin).

Bernard Angelras (Photo Anthony Maurin).

Il est dans le top 20 des personnalités les plus influentes de la viticulture française. Bernard Angelras a d’ailleurs rencontré le Président Emmanuel Macron le week-end dernier. Après cinq mandats de trois ans à la tête de l’AOC Costières de Nîmes, il passe la main.

Objectif Gard : Il paraît que vous avez quelque chose à nous dire...

Bernard AngelrasJ’arrête la présidence des Costières après 15 ans de bons et loyaux services. Je ne pense pas avoir fait les choses à moitié. Ce fut un bonheur, un rêve, un mode de vie, des responsabilités mais j’ai aussi une famille et parfois ma femme m’engueule un peu alors je me suis dit qu’il fallait passer le relais. Mes enfants sont avec moi, ils se sont installés en mars 2017 et, là aussi, il me fallait aussi passer le flambeau de l’entreprise.

Pour rappeler la petite histoire, comment avez-vous été élu en 2003?

Il y a 15 ans, j’étais ce qu’on appelle un dissident. Je n’étais vraiment pas le candidat officiel mais j’avais un projet intéressant alors j’ai été élu. Mon équipe a été formidable. J’ai eu la chance d’avoir des producteurs qui sont devenus des amis et qui ont des compétences exceptionnelles. C’est aussi ce qui a fait que nous en sommes arrivés là. On a partagé des choses, vécu ensemble, consommé… Un homme seul ne peut rien faire.

Vous êtes quelqu'un au profil peu commun. Vous multipliez les casquettes mais restez discret. Qui est Bernard Angelras?

Pour ma fonction, c’est la seule crédibilité. Je suis quelqu’un de direct. Je ne carabistouille pas. En marge, on est toujours un peu plus reconnu mais je suis un paysan avant tout. Je ne suis jamais parti une semaine entière en vacances avec ma femme.

Quel était votre cap, votre projet ?

Rajeunir l’équipe. Chaque génération doit bâtir sa propre viticulture alors j’ai pris mon bâton de pèlerin et je suis allé à la rencontre des producteurs. En Costières il y a de nombreux jeunes producteurs. C’est une appellation géniale, d’avenir et avec un terroir d’exception grâce à un savoir-faire qui peut faire rivaliser notre AOC avec les plus grands noms. Je veux aussi tourner la page parce qu’on avait établi en 2003, 2004 et 2005, une feuille de route. Mon credo était le suivant : dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit. Ce fut dit, ça a été fait.

Mais comment êtes-vous arrivé à là tête des Costières ?

J’ai passé quelques moments très intéressants avec Philippe Lamour, qui était ami de mon père et qui venait parfois à la maison. Nous parlions d’écologie. Il était le premier président de l’appellation qui n’était pas encore celle que l’on connaît actuellement mais sans lui, nous serions en Côtes du Rhône. L’histoire est faite par les hommes et Philippe Lamour avait fait une plaidoirie extraordinaire à l’INAO (Institut National de l’origine et de la qualité).

Et donc, pour vous ?

Moi, je voulais donner sa vraie personnalité aux Costières. On ne fait pas n’importe quoi. Il y a des règles et des devoirs mais chez nous les devoirs passent parfois à l'as. Alors pour pousser le bouchon, j’ai essayé d’entrer moi aussi à l’INAO afin d'apporter ma pierre à l’édifice. Quand je me suis retrouvé dans l’assemblée, j’ai envoyé un message à ma femme pour lui dire que j’étais dans le sénat agricole. Aujourd’hui, je fais partie des plus anciens et de ceux qui portent les dossiers les plus lourds comme l’environnement ou la qualité. J’y reste !

Qu'avez-vous apporté à l'AOC Costières de Nîmes ?

Il y a quatre ans j’ai annoncé la mise en place d’un dossier de hiérarchisation car nous avons deux secteurs distincts dans les Costières : le Sud avec Franquevaux et l’Est avec Saint-Roman (Beaucaire). Cela nous tenait à cœur car nous appartenons à la Vallée du Rhône depuis 1989. Nous connaissons parfaitement nos zones car un géologue est venu et a tout étudié depuis le quaternaire, date de création de la Costière. Je suis persuadé que nous serons bientôt dans le top 20 des meilleures appellations. Les gens ont compris l’intérêt de se fédérer et quasi tout le monde a joué le jeu. Le dossier est recevable. L’INAO va l’étudier mais je suis serein pour le futur. Il nous fallait expliquer notre savoir-faire et recentrer la qualité. On a osé partir d’un organisme d’inspection vers un organisme certificateur. Nous avons été les premiers à le faire et c’est aujourd’hui une chose courante.

L'AOC a bougé, bouge et doit continuer le mouvement mais dans quel sens ?

On a enclenché un virage très important pour l’appellation. Par exemple, quand je suis arrivé nous étions à 5% de culture bio. Aujourd’hui nous dépassons les 25% avec de nouveaux producteurs qui sont en train de basculer. Mais il ne faut pas s’arrêter là. Utiliser moins d’intrants, renforcer le lien avec la société, faire du bon vin, stocker le carbone pour diminuer les gaz à effet de serre, explorer les variétés résistantes... Beaucoup de sujets sont encore à poursuivre pour que notre activité soit bénéfique et devienne un acte de production.

(Photo Anthony Maurin).

Si les Gardois veulent côtoyer un peu plus l'AOC Costières, quels rendez-vous doivent-ils cocher sur leur calendrier ?

Nous organisons quatre grands rendez-vous que sont Vignes Toquées, Nîmes Toquées, les JeudiVins et la bodega des Costières qui ouvre ses portes pendant les ferias nîmoises. Passer le flambeau est ma plus belle récompense et j’ai demandé une réorganisation de l’équipe et du syndicat. Ils y travaillent actuellement. L’élection a lieu le 22 mars prochain. Tout reste ouvert mais je ne veux pas être le père qui dit « c’est bien » ou « c’est mal ».

Pour en revenir à vous et à votre histoire, comment avez-vous débuté dans le métier ?

Je me suis installé en 1980 et marié depuis 1986. Ma femme me disait que le sol de mes vignes ressemblait à la lune. Mes enfants m’ont fait une réflexion sur un bidon qui traînait sur le domaine et sur lequel il y avait une tête de mort… Tout cela a germé dans ma tête et en 2007, nous avons fait une charte, pas obligatoire, en collaboration avec Nîmes métropole. Par exemple, on sème des plantes entre les vignes… Honnêtement je m’étais blindé parce que je pensais en prendre plein la gueule mais les producteurs ont joué le jeu en adoptant des réactions très positives.

Des anecdotes sur vos cultures ?

En 1980 j’ai commencé avec 15 hectares. La veille de mon installation, je devais prendre un appartement à Clermont pour poursuivre mes études. Ma mère en a pleuré mais mon père n’était pas mécontent de me savoir proche de l'exploitation. Cependant, je n’allais pas faire du vin mais des légumes.  Alors là… On n’avait jamais fait ça dans la famille. J’ai fait des oignons, des pommes de terre, des carottes, des asperges, des pois-chiches (encore 60 tonnes par an). À mes heures perdues je louais des terres à cultiver pour me faire un peu d’argent. J’ai même cultivé du blé dur sur l’emplacement de l’actuel Carré Sud ! Un jour, j’ai planté des cacahuètes. Elles étaient magnifiques mais je n’avais pas de quoi les ramasser et un beau matin, tout avait disparu. Corbeaux et pies s’en étaient chargés pour moi !

Niveau chiffres, aujourd'hui, où en êtes-vous ?

Aujourd’hui, j'ai 90 hectares de vignes mais en tout, environ 160 hectares. Et oui, je suis avec mes deux enfants. Nous sommes trois familles sur l’exploitation. D’ailleurs, je vais bientôt être grand-père !

Anthony Maurin

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