Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 16.10.2018 - veronique-palomar - 5 min  - vu 750 fois

FAIT DU JOUR Riz et Camargue : histoire en équilibre…

En amont de la définition de la nouvelle politique agricole commune, syndicat national des riziculteurs de France et élus se sont réunis.
Bertrand Mazel président du syndicat national des riziculteurs

Riz de Camargue. Photo DR.

La nouvelle politique agricole commune (PAC) prendra effet en 2020 et sera appliquée jusqu'en 2026. Cette réunion est l'occasion de revenir sur les enjeux commerciaux de la filière et au-delà, sur le poids écologique de la riziculture sur la Camargue.

Écosystème en symbiose cherche harmonisation des mesures …

Pour mieux comprendre  les enjeux de la filière, nous avons rencontré Bertrand Mazel, président du syndicat national des riziculteurs. La semaine dernière, la filière a provoqué une rencontre avec les instances départementales, nationales et européennes, cette dernière instance étant représentée par le député Franck Proust. Les riziculteurs ayant constaté que les spécificités locales avaient été un peu oubliées lors de la dernière PAC, comptaient bien cette fois attirer l'attention des politiques avant qu'il ne soit trop tard.

"Le but était d'aller sur cette dernière PAC en veillant à ne pas négliger, agriculture et élevage méditerranéens", explique Bertrand Mazel, qui développe : "huile d'olive, plantes à parfum, élevage extensif bovin (taureaux de Camargue et de combat, NDLR), ovin et, bien-sûr, le riz. Il s'agissait aussi d'arriver à une harmonisation entre Occitanie et région Sud qui ont encore tout un tas de règlements, actions différentes, aides environnementales, normes sanitaires… Différences d'engagements politiques environnementales suivant les régions… Et de faire prendre conscience des enjeux pour les cultures spécialisées, le pastoralisme", pointait aussi le président du syndicat.

La Camargue, un territoire fragile qui doit tout…au riz !

En Camargue, l'équilibre garantit par la rizière est fragile et doit être protégé

Mais pour mieux comprendre l'importance des enjeux. Il faut savoir que cette Camargue, si belle et si unique qui renferme faune et une flore sauvage, mais aussi, de l'élevage et une agriculture très particulière, le doit entièrement à la riziculture.  Pour reprendre à Bertrand Mazel, un image forte, "sans le riz, la Camargue serait un désert salé."

Et force est de se résoudre à admettre que c'est la stricte vérité. Fermée par des digues sous Napoléon III, la Camargue est une grosse baignoire dont les riziculteurs maîtrisent l'irrigation à travers un dédale de panneaux contrôlés par des portes martellières. Cet important apport en eau douce, permet au riz de prospérer mais pas seulement. Toute la nature ainsi que l'agriculture et l'élevage sont dépendants de cet apport d'eau douce. Sans la riziculture, la terre se dessécherait et le sel la rendrait stérile. L'enjeu est donc bien supérieur à celui de la filière.

Le riz dans tous ses états

Il existe 120 000 sortes de riz à l'état naturel dans le monde

Il existe 120 000 variétés de riz dans le monde. La Camargue en recèle 80 et en exploite 60 dont 10 sont les plus vendues et ce, sur un territoire de 13 000 hectares compris entre Grande Camargue et Camargue gardoise.

Le Gard quant à lui abrite 300 hectares de rizières. La Camargue est la seule région de riziculture en France, ce qui nous place au 5e rang européen, derrière, dans l'ordre, L'Italie, l'Espagne, le Portugal et la Grèce. L'Europe consomme 4 millions de tonnes de riz par an et en produit 3 millions. Le reste est importé. Le phénomène est le même en France qui consomme 360 000 tonnes pour une production de 80 000 tonnes. La France produit 20% de ses riz en bio, ce qui la place en avance sur les objectifs gouvernementaux. La moyenne mondiale de consommation par an et par habitant est de 54 kg, alors que la consommation moyenne française annuelle est d'environ 4 kg.

Un produit de qualité protégé par l'IGP

Un paysage façonné par l'homme

Notre riz camarguais est protégé par un IGP, label qui garanti sa provenance, sous l'appellation "riz de Camargue". Certains riz dits de niche (sushi, coloré, risotto…) sont même exportés en Angleterre, en Suisse et peut-être bientôt… au Japon !  À noter que le riz est sans conteste un aliment qui a le vent en poupe, ses qualités gustatives et nutritives, l'absence de gluten en font un produit de plus en plus prisé par les consommateurs.

Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, sauf que, l'importation massive de riz en provenance d'Inde, d'Asie et de Chine tire à la fois la qualité et les prix vers le bas. Ce qui fragilise considérablement la filière européenne, qui s'exprime d'une même voix pour que soient rétablies des taxes à l'importation, ou que l'on exige des pays importateurs des normes phytosanitaires égales aux nôtres.

"L'harmonisation entre nos régions est lancée, lance le président du syndicat, qui ponctue d'un dubitatif : "c'est pas gagné. La dernière fois que nous l'avons tenté, ça a échoué". Mais Bertrand Mazel reste confiant : "Franck Proust trace des perspectives et nous affirme être vigilant sur les spécificités locales et les instances locales ont promis de considérer la question". 

"le riz en Camargue est un enjeu environnemental"

Franck Proust, présent à la concertation, a pu rassurer les riziculteurs sur certains points et s'engager sur d'autres. Pour le député, la riziculture est une culture que l'on pourrait qualifier de niche et qui ne représente pas un véritable enjeu économique, vu le petit nombre de riziculteurs dans l'Hexagone. "Cela va bien au-delà et c'est beaucoup plus important que cela", pointe Franck Proust. C'est tout une région que l'on met en danger si on ne protège pas la filière", fait-il remarquer avant de reprendre à son compte les propos de Bertrand Mazel : "sans la riziculture, la Camargue serait un désert salé et sans vie". 

Conscients de l'inquiétude de la profession face à l'importation de plus en plus importante de riz en provenance de gros pays producteurs (riz basmati entre autres), les riziculteurs français sont peu compétitifs. Jusqu'alors ces pays, Inde, Thaïlande… étaient bénéficiaires d'une taxation allégée appliquée aux états en voie de développement. Avec les directives contre le travail des enfants, par exemple, ces taxes vont changer et s'alourdir pour la plupart des pays importateurs.

"Le problème est en France"

Selon le député européen, le problème est aussi ailleurs… En France pour être plus précis. L'argent de la PAC est versée à l'État qui met beaucoup trop de temps à le redistribuer, ce qui a entraîné par exemple, la colère des agriculteurs. Et puis, il y a les normes phytosanitaires. L'Europe en impose un certain nombre mais la France surenchérit sur les directives européennes, avec de plus drastiques imposées à ses agriculteurs. Résultat, si l'on superpose les coûts engendrés à la lourdeur des charges sociales, l'agriculture française subit une "double peine". "Les riziculteurs sont victimes des problèmes qui affectent la filière agricole française dans son ensemble", affirme Franck Proust.

-30% sur la PAC

"La matrice financière de la PAC se décide en ce moment. Sans les Anglais, il faudra compter sur 17 milliards d'euros en moins, tandis que l'Europe réclame 10 milliards d'euros en plus aux États membres pour financer les défis migratoires, la sécurité, innovation et la recherche, avec pour conséquence une diminution de 30% de l'enveloppe de la PAC" , énonce le député.

Au final, Franck Proust estime que cette diminution ne sera pas aussi sévère mais qu'en tout état de cause des décisions politiques s'imposent en France. "L'agriculture française, n'est pas adaptée, ni sur un plan européen, ni à plus forte raison sur le marché mondial," affirme-t-il. Et de poursuivre : "si l'on veut que ça fonctionne, il faut que tout le monde joue avec les mêmes règles, sinon c'est de la distorsion de concurrence". La conclusion est pourtant plus positive que le développement : "ça va mieux que ce que ça allait, constate le député, l'époque de la naïveté européenne est terminée." À suivre donc…

Véronique Palomar-Camplan

Véronique Palomar

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