FAIT DU JOUR Commerces encore ouverts : comment s'en sortent-ils face à la crise du coronavirus ?
Depuis le 15 mars, suite aux annonces du Premier ministre, Édouard Philippe, tous les commerces non-essentiels à la vie des Français sont fermés. Alors même que le personnel des métiers de la santé tourne à plein à régime pour faire face à la crise sanitaire du covid-19. Néanmoins, certains commerces sans rapport avec le domaine de la santé restent ouverts, mais non sans mal... Tous enregistrent des pertes de chiffre d'affaires importantes.
Au bout du pont du Royaume, à Villeneuve-lez-Avignon, le café-bar du Pont a renoncé à la moitié de son activité. L'ouverture du bar n'étant pas autorisée par le Gouvernement. Mais les gérants relativisent : "On n'a pas trop à se plaindre par rapport à ceux qui sont complètement fermés. Nos épouses (avec celle de son associé) ont ouvert un resto le 10 mars. Elles ont dû fermer cinq jours plus tard", raconte Anthony Dutartre.
"On n'a pas trop à se plaindre"
C'est sûr le manque à gagner est là, mais le confinement a créé un autre phénomène : "Nos ventes de tabac ont augmenté de 30%. On ressent jusqu'ici l'effet de la fermeture des frontières. On peut l'expliquer que comme ça. Les gens achètent beaucoup en volume", atteste son associé, Alexandre Sarfati.
Leurs clients achètent plus les journaux également. "Avec ça, on absorbe toutes les charges mais niveau rémunération, va falloir chercher ailleurs", poursuit Alexandre Sarfati. Malgré tout, entre 350 et 450 clients se rendent dans leur bureau de tabac chaque jour. Les deux gérants n'ont pas senti un relâchement du confinement ces derniers jours à Villeneuve. La fréquentation est assez stable.
Dans le commerce, les clients gardent une distance d'un mètre entre eux, matérialisée au sol avec des adhésifs. Mais les buralistes ressentent l'angoisse de certains. Ils en ont vu taper leur code de carte bleue avec leur phalange au lieu du doigt, d'autres leur ont demandé de prendre eux-mêmes leurs paquets de cigarettes en rayon ou encore refuser d'acheter une cigarette électronique car la mise en service nécessite une manipulation.
La crainte d'être contaminé n'épargne pas les deux gérants non plus, qui peuvent être au contact du virus : "C'est compliqué vis-à-vis de nos familles, même si on applique les gestes barrières. Quand je rentre le soir, tant que je n'ai pas pris ma douche, personne ne me touche", avoue Anthony Dutartre.
Natif de Nîmes, Mehdi Poulain cumule les réussites. Après avoir ouvert ses deux premières boulangeries-pâtisseries éponymes à Laudun et à Nîmes, le jeune chef d'entreprise s'est implanté à Bagnols-sur-Cèze en août 2018. Mais depuis les annonces du Gouvernement à propos de la crise du coronavirus, il a dû revoir son organisation.
Un service de livraison à la pâtisserie-boulangerie Poulain
Faute de monde, il a fermé la boulangerie de Bagnols : "La première semaine de confinement, on a eu une grosse chute de fréquentation. Du coup, on a fermé et on a mis en place un système de livraison à domicile qui marche plutôt bien. C'est la personne qui s'occupe habituellement de la vente qui conduit le camion réfrigéré. On leur apporte à domicile ou dans le lotissement avec un coup de klaxon quand on est arrivé. Un peu comme avant quand les camions livraient le pain dans les hameaux isolés."
Mehdi Poulain a dû arrêté sa spécialité, la pâtisserie, durant le confinement, pour se concentrer sur la pain, produit très demandé : "Je n'ai que mon apprenti boulanger avec moi. En tout, on est 10 dans l'équipe, un est en arrêt, quatre en chômage partiel." Il a aussi gardé de l'énergie pour confectionner ses chocolats de Pâques "même s'ils seront un peu moins bien fignolés cette année". Il réalise aussi des gâteaux de saison (fraisiers et framboisiers) sur demande.
Vu que l'équipe a été réduite, il assure aussi exceptionnellement la vente dans sa boulangerie à Laudun et réceptionne les coups de fil pour les commandes et les livraisons. Pas le temps de se reposer et pourtant la fréquentation baisse : "Le chiffre d'affaires d'avril va baisser de 50 voire 60 % facile", atteste l'artisan. Heureusement la vente de pain ne se porte pas trop mal à Laudun, sûrement le côté village qui ressort "où les gens ont l'habitude d'aller à la boulangerie."
Lundi dernier, le magasin Bricomarché de Bagnols-sur-Cèze a finalement rouvert en vente en comptoir après trois semaines de fermeture. La PDG depuis 2015, Gaëlle Gentil, explique : "Le client vient avec la liste de choses dont il a besoin ou nous l'envoie par mail, et nous, on va les chercher en magasin."
La demande se faisait pressante : problème de chauffe-eau, raccord de plomberie... Certains clients avaient urgemment besoin de pièces ou d'outils. Vendredi dernier, le magasin a même pu rouvrir sa surface de vente : "Les clients devront suivre un circuit dans le magasin, pas de demi-tour possible. Pas plus de 15 personnes pourront entrer en même temps."
"On n'est pas là pour faire du chiffre, mais pour rendre service aux clients"
Le magasin de proximité a dû renoncer à sa plus-value : le conseil en rayon. Gestes barrières obligent. D'ailleurs une bonne partie de l'équipe de salariés est au chômage technique. Ils ne sont que quatre ou cinq sur 15. Mars, avril, mai sont habituellement d'excellents mois en termes de ventes avec l'envie de bricoler pendant le printemps.
"Aujourd'hui, on est à -50% de perte de chiffre sur ce mois-là", déplore la PDG. Elle compte une bonne centaine de clients chaque matinée depuis la réouverture contre 300-400 dans la journée à cette même période en temps normal. Mais elle l'assure : "On n'est pas là pour faire du chiffre, mais pour rendre service aux clients."
"Un jour, j'ai regardé la route reliant Avignon à Bagnols-sur-Cèze (sur la RN 580, NDLR). Pas une voiture n'est passée pendant une heure", assure Martin Gakalla, dirigeant la station-service Total Access "Le Relais d'Orsan". Depuis l'établissement du confinement, sa station normalement fréquentée par 3 000 personnes au quotidien est loin des grandes affluences : "Même si le prix de l'essence est très bas, les gens n'en profitent pas. Ils ne peuvent pas circuler, pas consommer et donc ils n'ont pas besoin d'essence." Entre les pompes à essence, la boutique, le gaz et le lavage, "c'est 4/5e du chiffre d'affaires perdu."
La station-essence "Le Relais d'Orsan" dépouillée de ses poids lourds
Les habituels convois de poids lourds et les files d'automobilistes impatients derrière eux semblent être un lointain souvenir. Habituellement, jusqu'à 40 poids lourds s'arrêtaient chaque jour pour faire le plein contre cinq environ aujourd'hui, voire moins. Une baisse de fréquentation telle que Martin Gakalla a freiné la fréquence des approvisionnement en essence. Une livraison tous les trois jours lui suffit quand il en fallait une à deux quotidiennes, il y a un mois de ça.
Aucune crainte à avoir sur une possible pénurie de carburant en tout cas. Ni sur un relâchement sur l'application du confinement. L'explication tient aussi aux clients qui ont peur de l'amende : "Certains me demandent absolument leur ticket de caisse comme justificatif au cas où ils se font contrôler", poursuit le patron. Pour lui et son employé en caisse, Martin Gakalla applique les gestes barrières : gel hydroalcoolique et lavages de mains fréquents. Il va bientôt recevoir une plaque en plexiglas à fixer au comptoir de la part de Total. Mais au fond, le virus ne l'inquiète pas plus que ça : "Je suis quelqu'un qui croit au karma. (...) On prend des précautions et on applique les distanciations sociales."
Marie Meunier
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