Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 07.05.2020 - anthony-maurin - 4 min  - vu 1687 fois

GARD Un Baroncelli peut en cacher un autre

Jean de Baroncelli, fils de Jacques, au travail.

Jacques De Baroncelli. • francescosaverio50

C'est à Bouillargues qu'est née le 25 juin 1881 une personnalité gardoise méconnue aujourd'hui, oubliée par les affres du temps. Un producteur de cinéma, réalisateur, scénariste et forcément un peu acteur.

Si vous êtes du grand sud, gageons que ce patronyme ne vous est pas inconnu. Si vous êtes de la région, vous connaissez sans nul doute le plus célèbre de la fratrie, un certain Folco, personnage qui a réellement " inventé " la Camargue en la codifiant et en l'offrant au cinéma, à la littérature et au monde moderne telle qu'il la voyait.

Mais aujourd'hui et même si la vie de Folco est d'une incroyable richesse, nous allons nous intéresser à son petit frère, Jacques de Baroncelli. Ce-dernier appelait avec amour son aîné, " mon petit toto chéri " preuve d'une tendresse incommensurable entre les deux hommes qui avaient une sœur nommée Marguerite.

Journaliste puis réalisateur

Jacques débute comme journaliste et devient, en 1913, rédacteur en chef à l'hebdomadaire L'Éclair mais c'est en 1915 qu'il fera ses premiers pas au cinéma. En 1925, avec Le Réveil, Jacques de Baroncelli peut enfin réaliser son rêve qui est de tourner dans la propriété de son frère, aux Saintes-Maries-de-la-Mer. " Mon film n'est pas, hélas, un film provençal ! " avoue-t-il à Folco. En 1929, les films plus sérieux arrivent.

Cette année-là, le producteur Bernard Natan lui confie l'adaptation de L’Arlésienne, une oeuvre signée Alphonse Daudet. Ce n'est pas la première fois que le script est adapté à l'écran (1909 puis 1922) mais dans le contexte de début du cinéma parlant, la France a pour unique ambition la mise en boite de tout le répertoire théâtral.

Bref, notre bon Alphonse n’échappe pas à la chose et le choix de son compatriote Baroncelli, passé maître dans l’art de l’adaptation littéraire, s’impose presque comme une évidence. L'histoire prend forme quand le futur réalisateur annonce que " Ce film m’inquiète... Il est plein de difficultés techniques et j’ai peur qu’il déçoive un public habitué aux drames de l'Odéon. La pièce de Daudet est vingt fois périmée ! Le texte est trop littéraire. "

La nature comme premier décor

Des dialogues, surannés, des personnages poussiéreux, Baroncelli veut changer la donne et localiser la chose. " Il faudrait le garnir avec des chants provençaux " écrit-il à son frangin, promu conseiller ès culture provençale. " Veux-tu m’envoyer une liste de morceaux de musique joués pendant les courses de taureaux et, si tu le peux, les morceaux eux-mêmes. Je voudrais aussi les morceaux joués pendant les jeux gardians ". L’Arlésienne sort en salle le 19 septembre 1930 et reçoit, dans l’ensemble, un bon accueil critique. Plus tard il dira, " Je ne sens que la nature et je ne réussis que ce que je sens. "

Quelques scènes furent tournées en extérieur mais le reste des décors du film et de notre si sauvage Camargue fut réalisé en carton-pâte. Cependant, aussi brèves furent-elles, les scènes d’extérieures impressionnèrent les spectateurs. " Quand, tout à coup, l'écran fut envahi par le ciel de Camargue, avec une route à flanc de coteau et, descendant de leurs pâturages, des centaines et des centaines de moutons, ce fut du délire ! " raconte Charles Vanel. " C’est eux qui eurent les applaudissements " poursuit l'acteur.

Souvent baptisé " le poète de la mer " en raison de ses nombreuses adaptations de romans maritimes, Jacques de Baroncelli a laissé le souvenir d’un artisan élégant et cultivé, désireux de faire partager aux spectateurs son goût des belles lettres.

Jacques de Baroncelli n'est pas oublié

Oui, n'oublions pas qu'il a adapté du Balzac, Zola et Loti ! Bien longtemps son oeuvre a été remisé au rayon des gloires passées mais il bénéficie, depuis quelques années, d'une légitime redécouverte et réévaluation. L’importante rétrospective que lui a consacrée le Musée d’Orsay à Paris au printemps 2005 a ainsi permis de redécouvrit près d’une trentaine de ses films venant de diverses cinémathèques européennes.

En 1948, Pierre Brasseur dans Rocambole de Jacques de Baroncelli.

Non seulement réalisateur, mais aussi critique, scénariste, adaptateur, producteur... Jacques de Baroncelli est un incontournable du cinéma français. Il savait passer du drame mondain à l'épopée coloniale, du mélodrame historique à la fresque sur fond de nature en passant par le drame mystique.

Son talent sert toutefois admirablement les drames de la mer mais c'est bien en Camargue qu'il exploite les nouvelles perspectives du cinéma parlant car, contrairement à certains de ses contemporains, il ne souffre pas du passage du cinéma muet au cinéma parlant.

Une trace indélébile

Sa carrière s'achève en 1948 avec deux aventures de Rocambole interprétées par Pierre Brasseur et Sophie Desmarets. Il est mort le 12 janvier 1951 à Paris. Jacques de Baroncelli n'est pas un des réalisateurs les plus connus du cinéma français mais il en est pourtant l'un des plus prolifiques avec à son compteur plus de 80 films entre 1915 et 1947

En réalité, la place de Jacques de Baroncelli dans l'histoire du cinéma est admirablement décrite par ce mot cinglant de Louis Delluc, un des premiers théoriciens et critiques indépendants en France, qui dira de lui qu'il n'avait " qu'un défaut, celui de ne pas en avoir.  Doué remarquablement, il n'a pas encore contrarié ou compliqué ses dons pour les intensifier. Ainsi son Roi de la mer fut un excellent film au lieu d'être un grand film. "

Jacques de Baroncelli aura un fils, Jean, qui se mariera le  avec l'actrice Sophie Desmarets, qui a tourné Rocambole avec Jacques.

La filmographie de Jacques de Baroncelli complète et détaillée avec les affiches des films, ici. Là, le livre " Jacques de Baroncelli " de Bernard Bastide et François de la Bretèque. Ici pour acheter quelques DVD !

Anthony Maurin

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