Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 18.05.2020 - thierry-allard - 6 min  - vu 10886 fois

FAIT DU JOUR Les campings espèrent sauver leur saison

Photo d'illustration du camping La Croix Clémentine à Cendras. DR

Le camping est le premier mode d’hébergement touristique en France et dans le Gard. Autant dire qu’il s’agit d’un acteur essentiel du secteur du tourisme, or cet acteur est aujourd’hui encore dans le flou.

« C’est une spécialité nationale » : le président de la Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air (FNHPA) Nicolas Dayot ne résiste pas à un petit cocorico, la France étant, avec les États-Unis, LE pays du camping. Et, à l’image d’une autre spécialité nationale comme les restaurants, les campings sont fermés depuis le 15 mars et le confinement lié à la pandémie de coronavirus covid-19. Si la date de fermeture est connue, celle de la réouverture est encore floue.

Car la prise de parole du Premier ministre, Édouard Philippe, ce jeudi, a soufflé le chaud et le froid. Le chaud, c’est la confirmation que les Français pourront partir en vacances en juillet et en août. « C’est un signe très important, un souffle que tout le monde attendait », estime Nicolas Dayot. Le froid : les acteurs du secteur attendaient l’adoption par le Gouvernement de la charte sanitaire proposée par la filière et une date d’ouverture. En vain pour l’instant. Pour l’aspect sanitaire : « Nous avons bon espoir que ce soit finalisé la semaine prochaine (cette semaine, ndlr) », affirme Nicolas Dayot.

En attendant, un halo d’incertitude entoure la saison estivale à venir. Alors les campings se préparent à appliquer un protocole ad hoc, « avec un référent en charge du suivi, explique le vice-président de la fédération, Gé Kusters. Nous adaptons les locaux d’accueil et de services et nous allons organiser des formations. » « Nous voulons rassurer les vacanciers », souligne Christophe Lelièvre, lui aussi vice-président de la fédération. Les clients seront incités à venir avec leur propre linge, la fréquentation des sanitaires et de l’accueil sera limitée, le nettoyage et la désinfection renforcés, le mobilier autour des piscines retiré. Pour les activités, des nouveaux programmes adaptés seront proposés. « Nous allons insister sur la responsabilisation des clients », ajoute Christophe Lelièvre.

Une chose est sûre, le printemps est foutu, mais « ça ne représente que 10 % de chiffre d’affaires, juin inclus, et juin n’est pas encore perdu car les campings des départements en vert pourraient ouvrir au 2 juin », affirme le président de la FNHPA. Pourraient, car pour l’heure rien d’officiel sur ce plan, la décision est attendue pour la toute fin mai, le 28 ou le 29.

Pour la fédération, le plus important reste la haute saison. « Nous avons encore espoir de sauver juillet et août où nous faisons plus de 80 % du chiffre d’affaires », note le président de la fédération, avant d’affirmer que les campings sont « prêts à ouvrir. »

« Cette saison est fichue »

Prêts, mais sans visibilité. « C’est problématique, on ne sait pas quoi dire aux clients », regrette Nelly Baucher, gérante du camping du Dolium, à Laudun-l’Ardoise, et co-présidente de l’association des campings des vallées et collines gardoises, qui regroupe 11 entreprises. « Le 14 mai, on s’attendait à recevoir la charte et le calendrier d’ouverture, rappelle Florence Ruiz, gérante du camping des Amarines, à Cornillon, et co-présidente de l’association des campings des vallées et collines gardoises. Alors il y a un peu de résignation. »

D’autant que les deux co-présidentes ne comprennent pas pourquoi les campings n’ont pas rouvert, à la différence des hôtels. « Qu’est-ce qui fait qu’un camping est plus dangereux qu’un hôtel ? Nous sommes en plein air ! », s’étrangle Florence Ruiz, qui évoque « un sentiment d’arbitraire. » Et pour elle, les annonces du Premier ministre ce jeudi n’ont pas changé la donne au niveau des réservations.

La gérante du camping le Dolium, à Laudun, Nelly Baucher, a vu le dossier des annulations de réservations s'épaissir (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Il faut dire que le camping de Florence Ruiz, qui compte 120 emplacements, a une clientèle composée aux deux tiers d’étrangers, venus d’Europe du nord pour la plupart. « J’ai quelques habitués qui m’ont appelée pour me dire qu’ils voulaient venir, mais ils ont beaucoup de questions et nous n’avons pas les réponses », affirme-t-elle. Du côté de Nelly Baucher et de son camping de 90 emplacements, une seule réservation a suivi depuis jeudi. Le dossier des annulations est quant à lui bien épais.

Pour Florence Riuz, « cette saison est fichue. » Les campings espèrent se rattraper en septembre, mais sans trop y croire. « Je ne pense pas qu’on va sauver la saison. La question est de savoir si on va sauver nos entreprises », résume-t-elle, tout en affirmant qu’elle ne se versera « pas de salaire cette année. » 

« Les réservations Internet ont bondi »

Autre son de cloche à Mialet dans les Cévennes où Clément Fernandez et ses parents tiennent le camping Les Plans, un lieu convivial et familial qui existe depuis cinquante ans. Sans la crise du coronavirus, le site de 60 hectares aux 300 emplacements aurait dû ouvrir ses portes le 26 avril dernier et déjà accueillir de nombreux touristes. « On a perdu deux mois qui sont, certes, moins importants que juillet et août, mais qui permettent de se mettre en place petit à petit », explique Clément Fernandez.

Le camping Les Plans à Mialet • Herve Leclair / Aspheries.com

Pendant le confinement, le camping est évidemment resté fermé au grand public, mais il a tout de même fallu entretenir les espaces et anticiper les mesures d’hygiène qui seront mises en place. « Pour l’instant on attend les directives de la fédération des campings. Notre volonté est de garantir la sécurité de nos clients et du personnel. On a déjà réfléchi à espacer nos transats, décontaminer encore plus nos locatifs et les espaces communs ou n’accueillir qu’une personne à la fois à la réception ou à l’épicerie », détaille-t-il. Quid de la piscine ? « La nôtre fait 2 000 m2, donc on a de quoi espacer les gens », rassure Clément.

Les annonces du Premier ministre, jeudi après-midi, autorisant les Français à partir en vacances ont eu un effet immédiat sur les réservations. « Sur Sequoiasoft, le logiciel de réservation à destination des campings, les réservations Internet ont bondi de +321% en quelques heures. Moi, j’ai eu une dizaine de réservations. J’ai fait quasiment autant en une journée que sur les deux derniers mois ». Des chiffres qui redonnent un peu d’espoir : « Je suis confiant. Et puis au camping, on a la chance d’être en plein air, de ne pas être entassés les uns sur les autres ». Un argument aussi avancé par le président de la FNHPA qui espère, comme toute la profession, être entendu.

"Appliquer de manière festive et ludique les mesures sanitaires nécessaires"

Du côté du camping de l'Espiguette au Grau-du-Roi - plus de 2 000 emplacements - l'heure est à la réflexion. En attendant l'annonce officielle du Gouvernement pour la réouverture des campings, Maud Hubidos et ses équipes se préparent. D'ores et déjà, la directrice de la société d’économie mixte Le Grau-du-Roi Développement (qui comprend l’office de tourisme et le camping de l’Espiguette, NDLR) sait que l'ouverture de son site se fera "en mode dégradé". "Un tiers ou la moitié des emplacements seront disponibles, précise-t-elle. Quant aux animations, certaines et notamment celles qui sont emblématiques des campings, je pense aux soirées particulièrement, ne pourront avoir lieu."

Mais plutôt que d'abandonner, Maud Hubidos préfère s'adapter et devrait offrir à ses clients des animations achetées à des prestataires de la commune. Une fanfare devrait également déambuler dans les allées du camping avant l'heure du dîner. "On va essayer d’appliquer de manière festive et ludique les mesures sanitaires nécessaires", assure la directrice de la société d’économie mixte Le Grau-du-Roi Développement.

Au camping de l'Espiguette au Grau-du-Roi. (Photo DR/)

"On se prépare aussi sur les protocoles sanitaires élaborés par notre fédération. Se préparer, ça veut dire former nos équipes pour qu’elles sachent les appliquer. Il y aura bien entendu un protocole de nettoyage qui sera plus conséquent avec des produits virucides." L'établissement travaille aussi sur une nouvelle organisation en termes d'accueil pour réduire au maximum les croisements entre le personnel et les clients. Tous ces protocoles seront validés, avant l'ouverture du camping, par un organisme de formation qui s'est par ailleurs doté d'une épidémiologiste.

Tout sera prêt donc d'ici le mois de juin si le Gouvernement donne aux campings l'autorisation de rouvrir leurs portes. Une annonce très attendue. Au camping de l'Espiguette, les presque deux mois de confinement ont engendré une perte estimée à 25% sur le chiffre d'affaires de l'année. Une perte qui ne sera pas compensée et risque même de s'accentuer "étant donné que nous prévoyons de réduire le nombre de nos emplacements au mois de juillet et août", insiste Maud Hubidos.

Éternelle optimiste, la directrice du camping de l'Espiguette se satisfait des quelques réservations quotidiennes et veut croire en une belle arrière-saison. Elle devrait demander à la préfecture du Gard l'autorisation de prolonger l'ouverture de son établissement jusqu'au 15 novembre.

Thierry Allard, Tony Duret et Stéphanie Marin

Et aussi : La FNHPA a commandé un sondage à l’IFOP qui fait ressortir que 47 % des Français ont l’intention de partir en vacances cet été, un chiffre en recul de 24 points par rapport à celui d’il y a cinq ans. La crise du covid-19 est passée par là, aussi pour les « critères décisifs » pris en compte par les clients : le premier est désormais « la certitude d’avoir des conditions sanitaires sérieuses » pour 45 % des sondés, devant le prix (38 %) et le soleil (35%).

Thierry Allard

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