Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 14.06.2020 - stephanie-marin - 4 min  - vu 1599 fois

FAIT DU JOUR Fred Jumel, directeur de Paloma : "Aujourd'hui, on a un festival d'incertitudes"

Fred Jumel, le directeur général et artistique de la Smac Paloma. (Photo DR/)

La Scène de musiques actuelles (Smac) Paloma n'est plus accessible au public depuis la mi-mars suite aux mesures de confinement imposées par le Gouvernement pour lutter contre l'épidémie de coronavirus. Et cela, malgré le déconfinement, restera ainsi jusqu'à la rentrée, en septembre, la faute, entre autres, aux règles sanitaires trop strictes, aux frontières restées jusqu'à présent fermées empêchant les artistes internationaux d'honorer leur tournée. Pour autant, pas question pour les équipes de Paloma de se tourner les pouces. Les réflexions, les idées et les projets fusent comme nous l'explique Fred Jumel, directeur de ce grand établissement culturel planté sur les terres nîmoises. Interview.

ObjectifGard : À ce jour, quel est l’impact économique de cette fermeture sur la Smac Paloma ?

Fred Jumel : C’est difficile de l’estimer parce qu’un grand nombre de spectacles ont été annulés à l’initiative des tourneurs et des artistes. Nous avons reporté des spectacles à la rentrée de septembre - avec des frais d’annulation qui aujourd’hui n’existent pas - mais, à cause des raisons sanitaires, d'un nouveau confinement, la reprise sera-t-elle possible à ce moment-là ?  Va-t-on perdre une partie de ces contrats ou pas ? Aujourd’hui, on ne le sait pas. Ce qui est certain, c’est qu’on ne pourra pas reporter indéfiniment ces spectacles, ça n’aurait pas de sens.

Le chômage partiel est un autre sujet sur lequel nous n'avons pas de certitudes. On a eu, comme la totalité des Smac en France, recours au chômage partiel. Sauf qu’il y a un flou juridique sur cette question notamment en ce qui concerne les régies personnalisées des établissements publics comme le nôtre. Une dizaine de Smac en France fonctionnent sur ce mode de gestion. Comme nous sommes en minorité, nous avons très mal été représentés par nos syndicats. Ce qui fait qu’aujourd’hui, les régies personnalisées à caractère industriel et commercial n'apparaissent pas dans les textes. Le chômage partiel nous a permis d’avoir une forme de solidarité envers nos personnels permanents et occasionnels. On en bénéficie mais on se méfie d’être obligé de devoir le rembourser. Aujourd’hui, on a un festival d’incertitudes.

O.G. : Est-ce à dire que la situation financière de Paloma est bancale ?

F.J. : Elle est incertaine. Mais cet équipement est fortement rattaché aux collectivités territoriales, principalement Nîmes métropole, alors l’avenir de Paloma n’est pas fondamentalement en jeu. Mais le projet pourrait en être impacté. C’est-à-dire qu'à la rentrée, si notre jauge n’est pas à 20% de notre capacité d’accueil sur laquelle on a construit notre budget de production, forcément nous irons droit dans le mur (*).

Des propositions "hors les murs" pour la saison estivale

O.G. : Qu'en est-il des autres activités de la Smac : accueil de groupes dans les studios de répétitions, résidences d'artistes, actions culturelles ? 

F.J. : Toujours pour des raisons sanitaires, nous n'avons pas rouvert les studios de répétitions (qui accueillent 300 formations musicales par an, Ndlr). Quant aux résidences d’artistes, elles ont redémarré ce week-end, avec un artiste du département qui travaille sur son nouveau spectacle dans l’espace scénique du club où les distanciations physiques peuvent être respectées.

En ce qui concerne l’action culturelle, c’est-à-dire toutes les actions en direction des enfants, des personnes âgées en Ehpad etc, certaines sont en cours d’élaboration, notamment des ateliers d’écriture.

Nous allons commencer à travailler, en collaboration avec des partenaires, sur des propositions de diffusion et d’actions culturelles "hors les murs" pour la saison estivale. En sachant que nous attendons beaucoup du discours présidentiel de ce dimanche.

O.G. : Qu’attendez-vous de ce discours du président Macron, qu’aimeriez-vous entendre ?

F.J. : C’est une question difficile. Jusqu'à présent, le discours était plutôt engagé sans actes forts et précis toutefois, excepté sur la question de l’intermittence. Ce que nous demandons, ce sont des précisions. Même si nous sommes conscients que le Gouvernement et les spécialistes ne peuvent pas prédire l’avenir, nous souhaitons avoir une vision claire. C'est la mission de l'État que de poser des visions de protection du secteur culturel dans sa diversité, toute sa chaîne de production. Aujourd’hui, on n’a pas de garantie quant à la préservation de l’écosystème du milieu culturel. Nous souhaitons des protocoles clairs et précis. Et si les mesures barrières ne sont pas envisageables autant nous dire de rester fermés.

"La culture doit permettre une réflexion sur notre monde"

O.G. : Pensez-vous déjà, malgré ce "festival d’incertitudes", à la programmation de la saison 2021 ?

F.J. : Face aux incertitudes, nous travaillons actuellement sur trois hypothèses. Celle d’une réouverture totale en septembre. Reste à savoir dans quelles conditions. Celle d’une réouverture partielle de nos activités et de petites formes de spectacles, dans et hors les murs pour permettre à l’écosystème local notamment les artistes locaux de pouvoir continuer à exister. Enfin, celle d’une réouverture empêchée, qui posera la question de la manière dont nous pourrons, en attendant, contribuer à l’écosystème, au vivre ensemble et mener de nouvelles formes de solidarité.

Notre travail aujourd'hui consiste à essayer d’analyser la situation et regarder ce que nous sommes, où nous sommes et si la direction prise pendant les huit années d’existence, doit rester la même face aux enjeux climatiques, économiques. Et de nous interroger sur la question des circuits courts, de nos consommations énergétiques, de la fréquence des spectacles, du rayonnement des spectacles, des modalités d’accès pour nos publics etc.

Il faut aussi y mêler l’axe sociétal. La culture doit permettre une réflexion sur notre monde et nous permettre de porter un nouveau regard ou prendre un peu de hauteur pour améliorer le mieux vivre ensemble. Je pense que si on attend toujours que tout change tout seul, rien ne changera. Malgré la période angoissante et triste parce que des structures et des individus sur le territoire sont en vrai difficulté, il faut s’interroger sur la manière dont on peut redonner de l’espoir, du rêve, de nouvelles formes de solidarité, pour avancer ensemble dans des projets sur lesquels on a des choses à défendre.

Propos recueillis par Stéphanie Marin

*Le budget de Paloma est estimé à environ 3,8 millions d’euros avec 1,8 millions de subventions, le reste provenant des recettes de la Smac. 

Stéphanie Marin

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