Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 19.06.2020 - thierry-allard - 4 min  - vu 519 fois

LE 7H50 de la députée Annie Chapelier : « Non seulement je comprends la colère du personnel soignant, mais je la partage »

La députée de la quatrième circonscription du Gard, Annie Chapelier (Photo d'archives / DR)

Alors que le personnel soignant a manifesté cette semaine, la députée de la quatrième circonscription du Gard, Annie Chapelier, porte parole du nouveau groupe parlementaire Écologie, démocratie et solidarité, évoque les propositions de ce groupe pour « reconstruire notre système de santé. »

Comme à son habitude, la parlementaire, qui a quitté La République en marche et le groupe de la majorité, ne mâche pas ses mots et appelle notamment à revaloriser le personnel soignant et à recruter en masse pour le renforcer. Annie Chapelier estime, entre autres, que « quand on est capable de sortir 8 milliards pour Renault et 14 pour Air France, on peut sortir quelques milliards pour les soignants. » Interview.

Objectif Gard : Comprenez-vous la colère du personnel soignant, qui a manifesté cette semaine ?

Annie Chapelier : Non seulement je la comprends, mais je la partage. Il y a eu un an de grève, et depuis plus de 20 ans on a détricoté, déconstruit le service public de la santé tout en continuant à se reposer sur lui. Ce système a d’ailleurs démontré sa qualité et son agilité, mais pour autant on ne prend pas en considération la souffrance des soignants et le manque de moyens qu’ils subissent. Et tous les points sont importants : le manque de moyens matériel, en personnel. Il y a un besoin de recrutement énorme qui n’est pas entendu, en particulier dans les Ehpad. Et il y a aussi un problème d’organisation, corrélé à une lourdeur administrative.

Comment financer ces propositions ? Sont-elles débattues au Ségur de la santé qui se tient actuellement ?

Au Ségur de la santé, il y a une partie attitrée à la question de la revalorisation salariale. Je ne sais pas ce qui s’y dit, les parlementaires étant écartés de ce Ségur. À mon sens, il est mal barré : la représentativité des soignants, des paramédicaux et des médico-sociaux y est faible. Ce Ségur n’est pas représentatif de ce qu’est le système de santé. Et il y a des lourdeurs. Par exemple, je pense que les Agences régionales de la santé (ARS) ne servent à rien. Il y a des personnes formidables qui y travaillent, mais ces agences n’ont aucune fonction réelle. Elles ne servent qu’à alourdir les prises de décisions.

Leur suppression est une piste de financement ?

Oui, ça pourrait en être une. Mais quoi qu’il arrive, les réponses seront progressives, en restructurant, en diminuant la charge administrative pour davantage recruter de soignants et les rémunérer. C’est sur du long terme, mais si on ne commence pas, on n’y arrivera jamais. Une autre piste pourrait être de bloquer toute augmentation de salaire dans la fonction publique pendant un temps donné pour augmenter les soignants. Ça a été fait au Québec où ç'a été très mal perçu, mais ça a permis de les augmenter. On pourrait aussi y arriver via la taxe sur les GAFA (les géants du numérique, ndlr) et la lutte contre l’optimisation et la fraude fiscale. C’est difficile, mais ce n’est pas pour autant qu’il ne faut pas le mettre en oeuvre. Et quand on est capable de sortir 8 milliards pour Renault et 14 pour Air France, on peut sortir quelques milliards pour les soignants.

À côté de ça, il y a aussi des économies possibles : 30 % des actes pratiqués dans le milieu hospitalier sont inutiles et facturés à la Sécurité sociale. Et il y a aussi des sources d’économies dans les hôpitaux, notamment par l’écologie, en baissant les factures d’électricité, de chauffage et d’eau. Il n’y a pas de petites économies.

Faut-il en finir avec la tarification à l’acte ?

Oui, mais progressivement. Le Gouvernement en a pris conscience et s’en éloigne, mais largement insuffisamment. Il faut prendre en compte le parcours de santé global du patient. Or, la tarification à l’acte développe les actes rémunérateurs au détriment d’autres qui sont abandonnés par le privé.

La prévention revient beaucoup dans vos propositions...

Oui, car plus les personnes sont en bonne santé, moins le système de santé est utilisé. C’est un investissement, par le sport santé, l’éducation diététique, l’hygiène, la vaccination. La prévention est indispensable or actuellement elle ne représente que 3 % des dépenses de santé. Il y a tout à faire.

Vous évoquez également la santé mentale et la prise en charge de la dépendance, qui ne sont pas forcément les domaines les mieux lotis…

La santé mentale est le parent pauvre de la santé. Elle est dans un état de déshérence absolue. Or, c’est un axe essentiel pour vivre et vieillir en bonne santé. Nous pensons qu’il faut organiser l’offre de soins en santé mentale autour du patient et non plus autour de structures. Quant à la dépendance, vieillir, ce n’est pas bien grave. On ne peut pas avoir une espérance de vie qui augmente et regretter d’avoir plus de vieux qu’il y a 50 ans. Il faut augmenter le ratio de personnels par rapport aux résidents et développer les infirmiers en pratique avancée, qui permettent de lutter contre la désertification médicale. Il y en a très peu et il faut une réelle montée en puissance.

Ces propositions vont-elles déboucher sur une proposition de loi ?

Nous allons certainement travailler certains aspects pour les amener en proposition de loi. Mais la problématique est que l’immense majorité des points sont réglementaires et relèvent du Gouvernement. Nous continuons à travailler dessus. Nous avons déjà produit une cinquantaine de pages. Nous allons apporter cette contribution au Ségur et nous en avons déjà donné une partie au ministre de la Santé.

Propos recueillis par Thierry Allard

Thierry Allard

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