Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 29.12.2020 - corentin-migoule - 4 min  - vu 4596 fois

LA-GRAND-COMBE Le maire, Patrick Malavieille : « Non seulement ça blesse, mais ça peut tuer ! »

Indigné, Patrick Malavieille vient de porter plainte.(Photo archive / Coralie Mollaret)

Alors qu’une circulaire relative à la lutte contre la haine en ligne vient tout juste d’être signée et publiée par Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, le maire de La-Grand-Combe, Patrick Malavieille a été victime d’une attaque à caractère homophobe sur Facebook hier. Contacté par téléphone en matinée, le conseiller départemental, dont la voix peinait parfois à dissimuler l’émotion, a fait connaître sa volonté de combattre cette cyber-violence verbale en engageant des poursuites judiciaires. 

M. Malavieille, vous auriez assurément préféré finir l’année autrement... Qu’allez-vous entreprendre en réaction à cette attaque ?

Je vais déposer plainte à la brigade de recherche de la gendarmerie d’Alès. J’ai eu le colonel au téléphone qui m’a dit qu’il ne fallait pas laisser passer ce genre d’attaque. Je vais déposer plainte contre la personne qui a fait ce commentaire, même si je ne sais pas si c’est une vraie personne ou un pseudonyme, l’enquête le dira. Je vais également déposer plainte contre M. Ludovic Bouix (*), conseiller municipal d’opposition de la commune, qui a hébergé ce commentaire sur son compte. On ne peut pas tout accepter. On jette en pâture la vie d’un homme, c’est inacceptable. Je résiste, j’ai 58 ans, il y a longtemps que je fais de la politique, mais il y a un seuil à ne pas franchir et c’est pour cela que j’ai décidé de rendre cette affaire publique. Je pense notamment à ces jeunes garçons ou ces jeunes filles de 18 ou 20 ans, qui ne sont pas encore sortis du placard comme on dit, et ça les blesse. Non seulement ça blesse, mais ça peut tuer ! J’en ai gros sur la patate, vraiment. Je suis prêt à tous les combats politiques et électoraux mais on ne peut pas se laisser insulter aussi lâchement. C’est vraiment une année de mer** et en ce qui me concerne je la finis avec cette sordide affaire.

Est-ce la première fois que vous faîtes l’objet de tels propos ?

Des attaques homophobes sur les réseaux sociaux, c’est la première fois. J’avais subi d’autres attaques mais qui étaient liées à la gestion municipale. Cela fait partie du jeu, ce n’était pas du tout comparable. Là c’est dégoûtant ! Que ce commentaire soit publié et qu'un autre individu qui est quand même conseiller municipal, de surcroît enseignant dans sa vie professionnelle, laisse passer de tels commentaires, mais où va-t-on ? L’esprit de modération doit exister. Je ne me place même pas sur un point de vue politique, je me place sur un point de vue moral. Pourquoi ce déferlement de haine ? La politique c’est noble, on doit avoir un débat de fond, on oppose des arguments mais on ne va pas dans le caniveau comme ça, c’est de la folie ! C’est la porte ouverte à tout. J’espère que la plainte sera instruite, qu’elle donnera des résultats. Les élections départementales ont lieu dans six mois, alors peut-être veut-on m’impressionner ou me dissuader d’être candidat.

Justement, cet incident peut-il vous conduire à lever le pied voire à vous effacer de la vie politique ?

Absolument pas, ils ont tout faux ! Ce n’est pas parce qu’on me traite de pédé sur les réseaux sociaux que je ne serai pas candidat, au contraire, je serai candidat aux élections départementales ! Ça m’a beaucoup affecté mais ça n’affecte en rien ma détermination politique. Ça m’incite au contraire à être encore plus présent dans les combats, qu’ils soient politiques ou sociétaux. Il faut vraiment que ces attaques cessent, tout comme le racisme ou le sexisme. C’est un combat noble, ça vaut le coup ! C’est là qu’on voit la richesse d’une civilisation mais aussi malheureusement sa détresse.

Malgré tout, l’attaque dont vous avez l’objet a suscité une vague de soutien appréciable sur les réseaux sociaux…

J’ai déjà reçu plus de 500 messages, de tous bords politiques et de tout horizon. Le soutien de l’association des maires de France, de l’association des maires du Gard, celui des maires ruraux, de sénateurs, de députés, des maires de plusieurs communes etc. Ça me touche beaucoup (au bord des larmes), mais je m’en serais passé. (Il se reprend) Je ne cherche pas la gloire. Mais si ça peut servir à d’autres, alors ça vaut le coup !

Propos recueillis par Corentin Migoule

(*) Contacté lui aussi en fin de matinée, Ludovic Bouix a fini par nous rappeler avec un téléphone fixe, "parce que je suis en vacances à la neige en Lozère et que mon portable passe très mal", a-t-il indiqué en préambule d'une conversation qui a duré une dizaine de minutes.

"Comme je suis un homme public, les commentaires sont libres sur mon compte Facebook. Je suis contre la censure. Sauf que les propos tenus par cette personne posaient problème. Mais n'ayant pas de réseau, je n'ai pas vu tout de suite les réactions. C'est une personne que je ne connais pas, mais il y a beaucoup de pseudonymes utilisés sur les réseaux sociaux vous savez", a d'abord suspecté le conseil municipal d'opposition. Et de poursuivre : "Les propos de cette personne n'appartiennent qu'à elles. Ce matin, quand j'ai vu tout ça, je suis allé voir les commentaires et il n'y était plus sinon moi en tant qu'administrateur je l'aurais enlevé. Mais j'ai l'impression que M. Malavieille veut en faire une affaire politique. J'aurais été à sa place, en tant que maire, j'aurais aimé qu'il prenne son téléphone et qu'il m'appelle pour me demander de supprimer le commentaire. Je l'aurais fait ! Ce qui n'aurait pas empêché qu'il porte plainte contre cette personne. Il a voulu amener directement cette affaire sur le plan judiciaire alors que c'est d'abord une affaire sur le plan humain. Je le regrette."

En réaction à une affaire qui prend une ampleur qu'il n'osait pas imaginer, Ludovic Bouix vient de poster un message sur son compte Facebook dans lequel l'élu rappelle le contexte dans lequel le commentaire insultant a été posté, au pied d'un article de Timi Tourmier sur "un déni de démocratie" qu'il venait de partager.

Corentin Migoule

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