Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 15.01.2021 - coralie-mollaret - 5 min  - vu 814 fois

FAIT DU JOUR À Sauve, une enquête ouverte contre l’ancien maire

La commune de Sauve (Photo : droits réservés / Objectif Gard)

La bataille des municipales entre le maire sortant Alexandra Masot (*) et le député Olivier Gaillard joue les prolongations. Leur lutte vient de prendre un tournant judiciaire avec l’ouverture d’une enquête pour prise illégale d’intérêt contre l’ex-maire.  

À la cime de la cité médiévale, le chaos de la "Mer des Rochers" ressemble étrangement à celui de la vie politique : accidenté et jonché d’embuches. Les 2 000 âmes du village ne sont plus étonnées par ces soubresauts politiques. Les années Claude Pradille - du nom de l’ex-sénateur condamné pour détournement de fonds - les ont, en quelque sorte, vaccinés. 

Aux dernières Municipales, l’affrontement entre le maire sortant, Alexandra Masot, et son rival, Olivier Gaillard, a ravivé de vieux souvenirs. Ces deux élus se connaissent bien. En 2001, ils démarrent ensemble leur carrière politique au conseil municipal de Sauve. Première adjointe durant deux mandats, Alexandra Masot devient maire en 2014 avec une liste sur laquelle figure Olivier Gaillard, conseiller départemental, qui se voit confier le poste d'adjoint aux Finances. La confiance règne. 

Guerre du trône municipal

Leur relation se tend quelques années plus tard. En 2017 après son élection à l'Assemblée nationale, Olivier Gaillard démissionne de la mairie. Gardant un œil sur les affaires sauvaines, il décide finalement de se présenter aux Municipales. En campagne, le candidat explique s'être engagé à cause de « la gestion financière et administrative alarmante » de la maire sortante. Au soir du premier tour, Olivier Gaillard est élu avec 52% des voix contre 47,9% pour Alexandra Masot. Combative, la sortante n’a pas dit son dernier mot. Elle demande l’annulation de l’élection au tribunal administratif en raison d’un tract diffusé tardivement pendant la campagne.

Fin septembre, la justice lui donne raison. « J’ai la conviction que cette annulation se fonde sur une interprétation des faits et du droit susceptible d’être critiquée », déclare le maire déchu, avant de saisir le Conseil d’État. Dans l'attente du jugement, Olivier Gaillard reste maire. Aux affaires, il compte apporter les preuves de ce qu’il avance. D’après lui, ces insincérités budgétaires concerneraient « des pertes de subvention, des ventes de terrains inscrits en recette au budget qui n’ont jamais eu lieu. » En conseil municipal, l'édile évoquera même qu’un marché relatif à la mutuelle des agents « a été signé en toute illégalité. » Se disant « sereine », Alexandra Masot rétorque qu'elle a aussi « quelques éléments » à faire valoir « à qui de droit. (** ) »

Le parquet d’Alès ouvre une enquête 

Olivier Gaillard n’est plus le seul à s’intéresser à la gestion de l’ex-maire. Le parquet d’Alès a ouvert une enquête préliminaire pour prise illégale d’intérêt contre Alexandra Masot. Confiée à la brigade de gendarmerie du Vigan, l’affaire concerne des travaux de sécurisation des routes RD 999 et RD 117 sur le village, achevés en septembre dernier. Une opération dans laquelle Alexandra Masot aurait bénéficié d’environ 12 000€ de travaux sur sa propriété (parcelle n°386) pour la réfection du mur de sa clôture et le réaménagement de son entrée. « Je suis tout à fait tranquille. Mon souci était avant tout la sécurité piétonne », réagit l’intéressée.

L'entrée de la propriété d'Alexandra Masot (Photo : droits réservés)

Un élu sauvain, lui, est moins serein quant à la situation : « Selon la loi, une élue ne peut voter des travaux pour lesquels elle a un intérêt privé ! Elle aurait dû se mettre en retrait du dossier en ne votant pas les délibérations liées à l’opération, la désignation et le paiement des entreprises. » Les travaux cités ont été réalisés par l’entreprise alésienne Giraud.

Interrogée, une source évoluant au sein de la société expose : « Comme nous avons abaissé la chaussée, il est normal de réaménager l’accessibilité quel que que soit le riverain. » Étrange... Enfin, Alexandra Masot, elle, dit avoir « cédé à titre gratuit ma parcelle en laissant toute l’emprise nécessaire aux travaux. » Une information infirmée par la municipalité. La justice devra donc définir qui d'Alexandra Masot ou d'Olivier Gaillard dit vrai.

Ristourne fiscale illégale 

Un autre sujet pourrait intéresser la justice. En 2018, la municipalité décide d'exonérer de la taxe d’aménagement la zone d’activité Combe Martele. Cette fiscalité est payée par les entreprises et les particuliers lorsqu’ils font construire. La sous-préfète du Vigan, Joëlle Gras, se souvient d’avoir écrit à Alexandra Masot : « Exonérer seulement une zone d’activité n'est pas légale. L'exonération doit porter sur l'ensemble de la commune en vertu du principe d’égalité devant l’impôt. » En juin 2020, Olivier Gaillard supprime la ristourne fiscale. Si l'ex-maire reconnaît une « fragilité juridique », elle motive sa décision par le volonté d’attirer de nouvelles entreprises. Et de contre-attaquer : « Six élus de mon ancienne majorité avaient voté cette exonération. Ils sont maintenant avec Olivier Gaillard ! » 

Cette mauvaise décision découlerait-elle d’une bonne intention ? Au-delà du périmètre, l’exonération soulève un autre problème. Installé en 2019 (***), le garage Vergnon aurait économisé près de 28 000€ de taxe. Le premier adjoint de l'époque, David Laurita, signe le permis de construire. Seulement ce dernier est aussi le cousin du garagiste qui, de surcroit, l’a embauché après qu'il a perdu son emploi. « Rien n’était calculé ! », jure le mis en cause. Sur la question du permis de construire, David Laurita reconnaît : «J'ai fait une connerie, jamais je n’aurai dû signer. Mais je ne suis pas un professionnel de la politique. Je ne savais pas. »

Règlement de comptes, négligence ou malversations ?

Les enquêteurs devront donc déterminer si ces litiges sont le fait d'une querelle politique, d'une négligence ou de malversations. « Olivier et Alexandra ont la tête dure. À l’intérieur de cette guerre, il y a autre chose que de la politique ! J’espère que la justice ira au bout de ses investigations », conclut l’ancien élu. Pour Alexandra Masot, il ne s’agit ni plus ni moins que « du deuxième tour des Municipales ! Olivier Gaillard me met beaucoup de choses sur le dos. Quand un chien aboie, c'est qu'il a peur. Politiquement nous ne sommes peut-être pas de la même écurie, mais on a pas besoin d’un énarque pour gérer Sauve! » Ni pour Sauve(r) l’honneur ? 

Coralie Mollaret (avec Abdel Samari) 

coralie.mollaret@objectifgard.com

(*) Alexandra Masot anciennement Mollard, son nom marital.  

(**) Extrait du compte-rendu du conseil municipal du 30 juillet 2020. 

(***) Le permis de construire a été obtenu en mai 2019. 

Et aussi : 

Un terrain privé pour le Conseil départemental. Via une convention, le Conseil départemental et la commune Sauve se sont occupés du chantier de sécurisation des deux routes départementales. Le premier s'occupe de la chaussée tandis que le second, des aménagements type lampadaires ou trottoirs. Sauf que pour la RD 117, le Département a estimé que le trottoir sur la fameuse parcelle 386 était « trop étroit et n'apportait pas en l'état de sécurité complémentaire par rapport à ce qu'il y avait avant. » Pour la collectivité, « les acquisitions foncières n’ont pas été anticipées par la commune. Or, il avait été convenu oralement que la propriétaire du terrain (Alexandra Masot, ndlr) devait céder un peu plus de terrain pour permettre de faire un trottoir plus confortable. » Quant au financement de ce fameux mur, « la doctrine du Département pour le financement des travaux de traversée d'agglomération ne prévoit pas de prise en charge des murs des terrains privés. »

Coralie Mollaret

A la une

Voir Plus

A la une

Voir Plus

En direct

Voir Plus

Studio