Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 10.02.2021 - stephanie-marin - 6 min  - vu 1986 fois

BEAUCAIRE Ce que pensent le maire et ses opposants du rapport de la Chambre régionale des comptes

Vue sur la ville de Beaucaire (Photo Anthony Maurin).

Beaucaire (Photo : Anthony Maurin/ObjectifGard).

Le rapport ne s'est pas volatilisé, inutile de caqueter. La centaine de pages portant sur l'analyse de la gestion de Beaucaire rédigée par la Chambre régionale des comptes Occitanie- sans compter le document produit par le maire - est toujours en ligne. Nous vous proposons quelques extraits de ce rapport agrémentés des réponses du maire de Beaucaire, Julien Sanchez, mais aussi de ses opposants, les élus Unis pour Beaucaire et Beaucaire en commun.

"Un manque d’intégration au sein du territoire. Une gouvernance centrée autour du maire et de son

cabinet. Une situation financière satisfaisante." Ces quelques mots introduisent le communiqué de presse de la Chambre régionale des comptes Occitanie (CRC) dans le cadre de la publication de son rapport après le contrôle des comptes et de la gestion de la commune de Beaucaire entre 2013 et 2020.

Un rapport qualifié par le maire Rassemblement national de "pamphlet indigeste" dans lequel "la Chambre sort à de nombreuses reprises de son rôle en jugeant en opportunité et en ayant à de multiples re­prises des prises de position politiques partisanes gau­chistes macroniennes." Cette dernière a, toujours selon Julien Sanchez, "accouché d'une souris en ne formulant que sept petites recommandations, en quasi totalité étrangères aux questions comptables et budgétaires, comme par exemple, "élaborer et mettre en œuvre un plan d'évaluation et de prévention des risques psychosociaux". Ce qui va d'ailleurs être fait", assure-t-il.

Julien Sanchez à la halte SNCF de Beaucaire avec le vice-président délégué aux Transports à la Région, Jean-Luc Gibelin.(Photo Anthony Maurin).

Une ville peu intégrée sur son territoire... La CRC Occitanie conclut sur ce thème en indiquant que Beaucaire n'a pas su tirer partie de sa situation géographique au carrefour de trois départements et agglomérations et de deux régions. Le rapport pointe du doigt un manque de liaisons de transports publics entre la commune gardoise et sa voisine bucco-rhodanienne Tarascon, ainsi qu'une halte SNCF sous-dimensionnée. Actuellement, faut-il préciser, puisque, et la Chambre le souligne, "un projet de de pôle multimodal est en cours de discussion entre la commune, la communauté de communes, le conseil régional, le conseil départemental et la SNCF."

Le maire rappelle, dans sa réponse, que "si la halte SNCF est mieux desservie (31 arrêts quotidiens en semaine, 18 arrêts le samedi et 16 le dimanche, Ndlr) et que celle-ci va bénéficier de travaux ambitieux et importants pour la réalisation d'un pôle d'échange multimodal, ce n'est pas par l'opération du Saint Esprit mais à l'initiative de la commune qui en assurera la maîtrise d'ouvrage. [...] Rappelons qu'à l'origine, le conseil régional était totalement opposé à cette amélioration."

À Charles Menard, conseiller municipal d'opposition, de répondre : "Il (Julien Sanchez, Ndlr) n’y est pour rien contrairement à ce qu’il raconte à longueur de journée. C’est une volonté délibérée de la Région pilotée par son vice-président délégué aux Transports, Jean-Luc Gibelin, de prioriser les transports en commun et faire de gros efforts sur les TER. Je ne cautionne pas tout, loin de là, sur la gestion de la Région par Carole Delga et son équipe, mais sur ce point des transports ferroviaires, il y a quand même des points positifs. Donc la gare de Beaucaire, ce n’est pas Sanchez, c’est la Région."

Charles Ménard et Julien Sanchez le 15 mars dernier. (Photo : Stéphanie Marin / Objectif Gard)

La Chambre poursuit au sujet de l'intégration de la ville dans son territoire : "Enfin, Beaucaire ne coopère qu'a minima avec la communauté de communes, rejetant tout approfondissement de l'intégration communautaire." Le tout constitue un repli de la ville qui engendrerait une érosion d'attractivité touristique et économique.

Sur ce dernier point, la CRC relève un fort taux de chômage et du nombre d'emplois, notamment une diminution du nombre de créations d'entreprises de 22% sur la période examinée. "Le développement économique relève de la compétence du Conseil régional et de la communauté de communes, se défend la municipalité. D'ailleurs plusieurs entreprises ayant des projets sur Beaucaire ont porté à la connaissance de la commune l'absence de réactivité de la communauté de communes face à leur volonté de s'installer à Beaucaire."

Ce même son de cloche retentit lorsque les logements sociaux en nombre insuffisant, des logements privés dégradés ainsi que la difficile rénovation urbaine du centre ancien sont pointés du doigt dans le rapport. "Proclamer, comme vous le faites si souvent, "c'est pas moi, ce sont les autres", ne vous dédouanera pas de la part de responsabilité que vous avez dans ce triste bilan", lance à l'adresse de Julien Sanchez le conseiller municipal d'opposition Unis pour Beaucaire, Luc Perrin.

Le cabinet du maire au coeur de la gouvernance

Dans son rapport, la CRC rappelle que "le cabinet du maire ne peut être donneur d'ordre, ni dans le domaine des ressources humaines, ni dans celui des achats." Or, il apparaît que le directeur de cabinet a transmis directement des instructions au directeur des ressources humaines en matière de recrutement en dehors de tout cadre hiérarchique notamment en fixant des niveaux de rémunération.

Il a par ailleurs, signé des bons de commande en dehors de tout circuit de délégation de signature. Enfin, des décisions organisationnelles confirment que des services de la commune, notamment le pôle "sécurité publique, affaires générales et politique de la ville" sont placés sous l'autorité hiérarchique conjointe de la directrice générale des services (DGS) et du directeur de cabinet. Ce à quoi Julien Sanchez répond : "Au sein d'une mairie, l'employeur est, par hypothèse, le maire. Aussi, mes demandes sont transmises à mon directeur de cabinet, lequel agit en mon nom et sur mes instructions, en ma qualité d'autorité territoriale. À quoi sert un cabinet s'il n'est pas une des courroies de transmission des instructions du maire ?"

"Il n’y a pas de cadre, réagit Charles Menard. Juste un maire qui veut tout contrôler. Ç’en est presque ridicule. Quant au cabinet du maire, on peut dire qu’il est hypertrophié. Il est entouré de collaborateurs politiques, plus au service de son idéologie et de sa carrière politique que de la ville de Beaucaire. Yoann Gillet (le directeur de cabinet, Ndlr) n’est pas n’importe qui. C’est un des cadres départementaux du Rassemblement national". Le rapport pointe d'ailleurs à son égard, une indemnisation de congés annuels perçue sans fondement réglementaire après avoir présenté sa démission le 10 avril 2019 après un refus d'augmentation salariale.

Joann Gillet, directeur de cabinet du maire de Beaucaire. (Photo AS/Objectif Gard)

Ce dernier a signé un nouveau contrat en date du 6 mai 2019 avec un salaire plus élevé. "À l'occasion de ce changement, le directeur de cabinet a perçu le solde de ses congés payés pour un montant brut de 7 384, 42 euros correspondant à une indemnité compensatrice égale au 1/10ème de la rémunération totale brute rapportée au nombre de jours dû et non pris."

Cette indemnité a depuis été remboursée, mais pour le conseiller municipal d'opposition Beaucaire en commun "c’est une grosse malhonnêteté. Démissionner pour être embauché huit jours plus tard à un salaire supérieur et au passage empocher les congés payés, c’était un peu cousu de fil blanc. Alors il a remboursé les congés payés mais il a gardé l’augmentation."

"Une perte de compétence dans l’encadrement de la ville"

"Mais au-delà de cela et concernant les ressources humaines, poursuit Charles Menard, il faut quand même noter que depuis que Julien Sanchez est maire, les cadres ont été remplacés par des gens qui n’ont pas la qualification requise et qu’on a promu. Du coup, on a une perte de compétence dans l’encadrement de la ville."

Et Luc Perrin d'ajouter, reprenant les écrits de la CRC : "On observe à Beaucaire un affaiblissement continu des fonctions administratives depuis 2014. Ainsi, l'encadrement supérieur des services administratifs de la commune a diminué de 45,9 % depuis 2013. Pour pallier cette diminution du nombre des agents de catégories A et B, des missions d’encadrement ont été confiées à des agents d’exécution. C'est contraire à la règlementation. Vous faites  valoir que cette situation est ancienne. Certes, mais qui dirige la ville depuis six ans ?", adresse-t-il  directement à Julien Sanchez.

Luc Perrin au premier plan, en septembre 2018. (Photo : Corentin Corger)

La parole est à la défense : "Il aurait été aisé, plus confortable et plus pratique pour le maire que je suis, d'embaucher des cadres en grand nombre. Hélas, vu les embauches massives sous mon prédécesseur (masse salariale passée de 9 millions d'euros en 2008 à 12 millions en 2014, NDLR), la commune n'en avait pas les moyens ces six dernières années si elle voulait pouvoir investir."

L'objectif de Julien Sanchez, dès son élection, était de baisser les dépenses de personnel. Mauvaise stratégie selon son opposant Unis pour Beaucaire : "Beaucoup d'entre nous sont, dans le milieu professionnel, touchés par les mêmes logiques de gestion purement financières et comptables. Elles détruisent les organisations, font fi de la qualité du service et broient les hommes et les femmes qui les subissent. [...] Le volume global des jours d’absence a progressé de 51 % sur la période passant de 7 229 jours en 2013 à 10 909 jours en 2017 en dépit d’une baisse des effectifs affichée par la commune."

Une capacité de désendettement en amélioration

Le maire de Beaucaire n'a manqué de souligner cette phrase inscrite noir sur blanc par les magistrats de la Chambre : "une situation financière satisfaisante". Ces derniers font notamment état de l'amélioration de l'excédent brut de fonctionnement - + 2% en moyenne annuelle - et à l'augmentation de la capacité d'autofinancement brute de 14,6% améliorant la capacité de désendettement qui s'établit à moins de cinq ans en 2018 contre neuf ans en 2013.

Pour Charles Menard, "il y a deux manières de voir un tableau de capacité de désendettement. Les moins endettés diront que c’est bien. Mais les dettes d’aujourd’hui ce sont les investissements pour demain. Quand on n’est pas endetté, ça veut dire qu’on n'investit pas. Des investissements massifs, il n’y en a pas eu. Il y a eu un début d’investissement sur des écoles. En soit, ce n’est pas une mauvaise chose. Quand on ne fait rien, ce n’est pas étonnant que la dette diminue."

La CRC invite par ailleurs la commune à se doter "d'outils de pilotage pour être en capacité de hiérarchiser ses choix d'investissement. Si l'ensemble des opérations annoncées par l'autorité municipale était réalisé l'encours de dette augmenterait de 12,7 à 14,7 M€ supplémentaires d'ici la fin 2020."

Stéphanie Marin

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