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Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 23.02.2021 - anthony-maurin - 4 min  - vu 677 fois

GARD Oublié de l'histoire, Voltaire, Rousseau et Newton font l'éloge d'un Uzétien

Firmin Abauzit (Photo data BNF).

Voici un personnage un peu oublié de notre beau Gard. Une illustre tête pensante, connue et reconnue par le gratin de l’époque. Oui, Newton, Voltaire ou encore Rousseau et Leibniz, l’ont côtoyé de près et ont gardé de lui le souvenir d’un grand homme, d’une véritable Lumière du siècle. Il s’agit de Firmin Abauzit.

Oui, Firmin Abauzit, n’écarquillez pas les yeux aussi grands, est un homme qui est passé à travers les dangereuses et trop sélectives mailles du temps. Retour en arrière et nous voilà à cheval entre le XVII et le XVIIIè siècle.

Firmin Abauzit naît à Uzès en 1679 dans une famille de protestants. Plusieurs théories viennent expliquer son nom. Soit le monsieur est originaire du petit village de Bauzy près du Puy en Velay, soit il tire son patronyme d’un mot provençal signifiant " le simple ". Dernière option qui vient du nom arabe " Abou Zeid " qui serait un ancien médecin. Quoiqu’il en soit, il est né à Uzès et est donc parfaitement Gardois, un point c’est tout !

Et ce point est rare car Abauzit a fait du bien aux penseurs de cette époque cérébrale bénie des dieux humains. Sa vie n’a toutefois pas été facile, d’où l’intérêt de reprendre le peu de choses que l’on sait de lui pour en tirer la quintessence.

Une vie dédiée à la connaissance

Déjà, son père rend l’âme quand le petit Firmin n’est âgé que de deux ans. Nous sommes dont en 1681 si vous suivez bien. Quand il en a six ans, en 1685, l’Édit de Nantes est révoqué par le roi Louis XIV c’est la perte, pour le Gard, d’un être à part. Firmin fut alors enlevé à sa mère par l'évêque d'Uzès et placé dans un collège catholique. Sa mère et lui fuient la France catholique et se réfugient deux années durant dans les accueillantes Cévennes. Sa mère se fera d’ailleurs emprisonner (puis sera relâchée) pendant la cavale.

Le temps du cache-cache est fini quand, en 1689, il arrive à Genève auprès de son grand-père paternel qui était drapier. Le jeune Firmin étudie à l’Académie et voyage.

L’Angleterre, l’Allemagne ou encore les Pays-Bas (1698) lui ouvrent les portes des plus grands de ce monde. Aux Pays-Bas il rencontre aussi les frères Basnage et Pierre Jurieu. Il se lie d’amitié pour Pierre Bayle et Guillaume III lui offre de rester auprès de lui mais l’Uzétien refuse par envie d’indépendance. En Angleterre, il est proche de Saint-Evremond et d’un certain Isaac Newton.

C’est Newton lui-même qui décèle en lui un premier soutien. En effet, Abauzit affirme que celui qui va changer le monde et la vision que l’on a de lui a raison envers et contre tous. Mais Abauzit va plus loin et lui demande de corriger une erreur qui s’est glissée dans la première édition du célébrissime " Principia ". Newton accepte naturellement et lui transmet ce petit mot, " Vous êtes bien digne de juger entre Leibniz et moi. " Il faut dire que la guerre des idées fait rage entre les deux maîtres.

Firmin Abauzit, ce portrait est exposé au 1er étage de la Bibliothèque de Genève. (Photo DR)

Après ces périples à la fois initiatiques et cérébraux, il rentre à Genève se mettre au vert et approfondi son savoir. Les sciences, évidemment, mais aussi l’histoire (même l’archéologie balbutiante), les mathématiques, la géographie, les sciences naturelles, l’astrologie, la physique bien entendu sans oublier les langues anciennes, bref, tout ce qui fait un grand homme à cette époque.

En fait, Firmin Abauzit entretint une abondante correspondance scientifique, mais publia peu.Comme son esprit s’ouvre, ses correspondances aussi. Il communique avec les plus grands savants du siècle et nombre d’entre eux le consultent pour de précieux conseils. Discret, Abauzit éclaire de son savoir et de ses réflexions sensées.

Il ne veut pas avoir la patte prise par un fil, même celui d’une institution comme l’Académie de Genève qui lui offre une chaire qu’il décline en 1723. Par contre, quatre ans plus tard, il accepte très volontiers le poste de bibliothécaire adjoint sans salaire ! Il va ainsi pourvoir étancher sa soif de savoir et piocher à la volée dans tous les ouvrages qui le passionnent. En cette même année 1727, il est fait Genevois.

Cela ne l’empêchera pas de connaître les éloges qu’en a fait un certain Jean-Jacques Rousseau dans une note de sa Nouvelle Héloïse. " Non, ce siècle de la philosophie ne passera pas sans avoir produit un vrai philosophe, j’en connais un, un seul, j’en conviens, mais c’est beaucoup encore, et pour combler de bonheur, c’est dans mon pays qu’il existe. L’oserai-je nommer ici, lui dont la véritable gloire est d’avoir su rester peu connu ? Savant et modeste Abauzit ! Que votre sublime simplicité pardonne à mon cœur un zèle qui n’a point votre nom pour objet. Non, ce n’est pas vous que je veux faire connaître à ce siècle indigne de vous admirer… C’est Genève que je veux illustrer de votre séjour, ce sont nos concitoyens que je veux honorer de l’honneur qu’ils vous rendent. Vous avez vécu comme Socrate mais il mourut par la main de ses concitoyens, et vous êtes chéris des vôtres. "

Un homme à ne pas oublier

Il en va de même quand à une personne lui indiquant qu’elle était venue voir à Genève un homme supérieur Voltaire demande si elle a pu voir Abauzit ! Vous l’avez compris, l’érudition d’Abauzit, sa mémoire extraordinaire, sa sagesse et sa modestie emplirent d'admiration ses contemporains.

Voltaire, Rousseau, Newton…  Ce n’est sans doute qu’à ce magnifique éloge qu’Abauzit doit sa célébrité. Sans cette note dans la Nouvelle Héloïse, Abauzit serait resté dans les limbes de l’obscurité. Gardois repoussé en-dehors de ses frontières à cause de sa religion, Abauzit aura plus fait pour la France et sa grandeur que de nombreux politiques. Il fut l’un des hommes les plus recommandables pour ses connaissances, son intelligence, son savoir, sa finesse et sa rapidité d’esprit mais aussi par sa modestie.

Abauzit aura laissé la marque d’une étincelle qui a stimulé les plus grands esprits des Lumières mais qui restera dans l’ombre jusqu’à la fin de ses jours, même après.

Firman Abauzit meurt à l’âge bien avancé de 87 ans en 1767 et ses œuvres seront rassemblées en 1773.

Anthony Maurin

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