Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 13.12.2021 - thierry-allard - 5 min  - vu 1185 fois

FAIT DU JOUR Gard rhodanien : trop cher, le futur musée est mal embarqué

L'hôtel de Ville de Bagnols-sur-Cèze(Photo d'archives : Thierry Allard / Objectif Gard)

Autoportrait d'Albert-André (1932) (Photo : Marie Meunier / Objectif Gard)

Il y a trois ans quasiment jour pour jour, le projet scientifique et culturel du futur musée Albert-André, qui doit être construit à Bagnols par l’Agglo du Gard rhodanien, était présenté. Un projet ambitieux, d’un montant de 14 millions d’euros hors taxes comprenant le nouveau conservatoire, qui serait bâti sur le terrain des Cèdres, en entrée de ville. Trois ans plus tard, ce projet a du plomb dans l’aile. 

Le premier nuage noir dans le ciel du futur musée date de l’été 2020, alors que l’exécutif de l’Agglo vient d’être renouvelé et le projet de territoire lancé par le président Jean-Christian Rey. Ce dernier parle alors d’un besoin de « recalibrage » du projet de musée. Et cette tendance se confirme après le dernier comité de pilotage, qui s’est tenu le 18 octobre dernier. 

Les données de l’équation sont simples, et rappelées par Jean-Christian Rey : « Les frais de fonctionnement représentent environ 10 % de l’investissement, soit environ 1,5 million d’euros annuels, pose le président de l’Agglo. Aujourd’hui c’est une barrière. » Car si l’Agglo portera le projet et financera la construction de l’édifice, avec la Région, le Département et l’État, en revanche le fonctionnement, comprendre le personnel qui fera tourner le musée et tous les frais de fonctionnement, échoient à la mairie de Bagnols. Et un peu au Département, « mais j’ai pris attache avec Françoise Laurent-Perrigot (la présidente du Département, ndlr), elle n’ira pas plus loin qu’actuellement », précise Jean-Christian Rey. 

« Le fonctionnement, la mairie continuera à le porter du moment qu’il est raisonnable », affirme le maire de Bagnols Jean-Yves Chapelet. 1,5 million par an ? « Pas possible », tranche-t-il, tout en se disant, magnanime, prêt à mettre un peu plus que ce que la mairie met actuellement, à savoir, d’après nos informations, 65 000 euros par an sur les ressources humaines et 7 000 sur le musée en lui-même. Loin du million et demi, donc. Le musée actuel, qui se trouve à l’étage de la mairie et dont tout le monde s’accorde à dire qu’il est d’un autre temps en termes d’accessibilité, d’exiguïté et de sécurité, notamment incendie, tourne avec trois équivalents temps plein. Le projet de musée en nécessite, d’après le projet scientifique et culturel… quinze. Le maire confie qu’il ne pourra pas aller au-delà de cinq et se demande aujourd’hui si le projet n’est pas « surdimensionné. » 

« On nous roule dans la farine »

Voilà qui pose question, alors que le projet est dans les tuyaux depuis trois ans et que, lors du dernier comité de pilotage, les partenaires (État, Région, Département) pensaient que le projet définitif serait tranché, vu que la réunion avait pour objet de présenter l’étude du cabinet DA & DU chiffrant les différentes options. Il n’en a rien été : « ça a été un genre de reset », commente un proche du dossier. Certaines personnes présentes à ce CoPil affirment que la présentation orale et le rapport ne correspondaient pas, les élus évoquant pour la première fois la possibilité de profiter d'un éventuel déménagement de services de la mairie pour y laisser le musée. 

Une idée sortie du chapeau, absente de toutes les études et qui nécessiterait la réécriture, au moins partielle, du projet scientifique et culturel réalisé par la Conservation départementale, pourtant validé par le ministère de la Culture. Une gageure… Des sources bien informées affirment du reste que le Département, comme les autres partenaires institutionnels, se sont agacés d’être repartis du CoPil « une main devant, une main derrière. » Dans un courrier adressé au président de l’Agglo, les Amis d’Albert André s’étonnent de voir sortir cette hypothèse. D’autres, toujours parmi les partenaires, nous ont confié avoir le sentiment d’être « roulés dans la farine, pour gagner du temps. Quelles sont les intentions des élus de ce territoire ? » 

Officiellement, de bien faire le musée. « Si on reste sur un projet à 14 millions, rien ne se fera, ça ne m’intéresse pas. Moi ce qui m’intéresse, c’est de faire ce projet, affirme Jean-Christian Rey. Il faut revoir la copie de l’investissement global pour rentrer dans l’enveloppe de fonctionnement, l’idée est de poursuivre l’étude et de revoir le projet. » Et éventuellement le relocaliser dans la mairie ? « C’est une hypothèse, ni retenue, ni écartée », affirme-t-il. Une chose est sûre, « aujourd’hui je travaille à un possible déplacement de la mairie car la salle des mariages n’est pas accessible et qu’il y a de moins en moins de services en mairie, ce n’est que mon idée », affirme le maire. 

Au Département, on a un tout autre son de cloche concernant cette possibilité de laisser le musée en mairie. « Ça a été très vite écarté par le ministère de la Culture et par ABCD (le cabinet qui a signé les premières études sur le projet, ndlr) car ça ne répond pas aux objectifs fixés et c’est plus coûteux », indique-t-on. Et pas forcément moins cher en fonctionnement, du reste. D’ailleurs, les partenaires de l’Agglo s’étonnent de voir aujourd’hui cette dernière se décharger du fonctionnement. « À l’époque tout le monde pensait que le fonctionnement allait être financé par l’Agglo à 100 %, mais entre-temps il y a eu un changement d’élus et un projet de territoire », se défend Jean-Christian Rey. Lequel projet de territoire stipule que l’Agglo y va sur l’investissement mais pas sur le fonctionnement. Dont acte. 

« Le projet se fera, d’une manière ou d’une autre »

Reste un argument des défenseurs du projet de musée : l’attrait économique d’une telle installation pour le territoire, avec l’exemple de Rodez et de son musée Soulages. « Oui mais notre collection n’est pas celle de Soulages, tempère Jean-Christian Rey, qui n’achète pas l’argument. Il ne faut pas calibrer les choses de la même manière, c’est difficile à entendre, mais c’est réel. » Tout de même, la collection bagnolaise regroupe des Matisse, Van Dongen, Marquet, ou encore des Renoir dont certains dorment depuis des décennies dans les réserves, faute de place. « Notre volonté est totale pour la mise en valeur de cette collection », soutient le président de l’Agglo, convaincu que « le projet se fera, d’une manière ou d’une autre. »

"Fenêtre ouverte à Nice", Henri Matisse, 1919, et "Le 14 juillet au Havre" d'Albert Marquet, 1906. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Le même estime que l’argument économique du musée « c’est un peu du foutage de gueule, par contre il y a une vraie plus value culturelle. » Et le conservatoire dans tout ça ? « On a investi dedans, il n’y a pas de nécessité de le déménager », affirme l’adjoint au maire de Bagnols délégué à la Culture, Michel Cegielski. De quoi gratter quelques millions sur le projet, mais pas fondamentalement changer les données du problème. 

On en est donc là, alors que le prochain comité technique du projet doit se tenir le 6 janvier. Certains, du côté de l’Agglo et de la ville de Bagnols, pensent que le musée passe après la piscine couverte, voire le nouveau siège, dans les priorités des élus de l’Agglo. « Le pacte financier et fiscal est-il au niveau du projet de territoire qu’on a écrit ? Je ne trouve pas », lance Jean-Yves Chapelet, aussi vice-président de l’Agglo, remettant sur le tapis le fait que la baisse des attributions compensatoires versées aux communes, censée financer les projets contenus dans le projet de territoire et qui avait provoqué une levée de boucliers notamment à Pont-Saint-Esprit, était insuffisante. 

De là à dire qu’il va falloir faire des choix entre les différents projets, il n’y a qu’un pas. Devant cet amoncellement de nuages noirs, les Amis d’Albert André convoquent un spectre dans leur courrier au président de l’Agglo : celui du projet mort-né Scène campagne, à Cornillon. Un projet qui après plusieurs études avait fini par être abandonné. 

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

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