FAIT DU JOUR Dominique Granier, président de la Safer Occitanie : "À Saint-Jean-du-Gard, on réclame le retour à un projet de villégiature et de repos"
Brocardée pour avoir attribué la ferme de Banières bas à la Légion étrangère, au pied du col Saint-Pierre à Saint-Jean-du-Gard, la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) est accusée de ne pas avoir choisi un agriculteur comme repreneur. Le président de la Safer Occitanie, par ailleurs ancien président de la chambre d'agriculture du Gard, Dominique Granier, conteste fortement cette lecture des événements mais ne souhaite pas non plus entendre de tirs dans les forêts cévenoles.
Objectif Gard : En tant que président de la Safer Occitanie, quel regard portez-vous sur ce qui entoure la vente, par attribution, de la ferme de Banières bas au ministère des Armées ?
Dominique Granier : On a une personne qui vend, un éleveur tout à fait honorable qui a travaillé toute sa vie. Il est membre de la Confédération paysanne, un syndicat dont j'avais fait entrer un représentant au bureau de la chambre d'agriculture du Gard à l'époque. Il vend sa propriété, ou plutôt ça fait trois ans qu'il l'a mise en vente. On a fait visiter la ferme maintes et maintes fois, on a fait baisser le prix mais, à 20 ou 30 000 € près, c'est bien la valeur du bien. En première instance, le bien avait été attribué à un agriculteur !
Les opposants font remarquer qu'il n'a eu que neuf jours pour en boucler le volet financier...
Je veux bien qu'il n'ait pas eu assez de temps mais ça faisait trois ans que le bien était à la vente. Et, de son côté, la Légion étrangère pouvait acheter en direct et c'était terminé ! La Safer a énormément travaillé sur ce dossier et on a signé un compromis avec des règles : on garde les terres agricoles, avec une convention de mise à disposition. Et pendant le comité technique, le président du comité, Michel Allemand, a rencontré le colonel pour avoir l'assurance que la ferme serait bien un lieu de villégiature et de repos. On ne parlait pas de tank, ni de tirs à balles réelles, comme ça a pu être dit ! En accord avec la Mairie, qui est à fond pour le projet, les terres restent agricoles. Donc, je ne voudrais pas que le dossier finisse comme Sivens (*), ça n'a pas lieu d'être. Mais on réclame aussi le retour au projet d'un lieu de villégiature et de repos.
La Safer doit toucher 37 000 € de la vente, ce qui a soulevé des questions de la part des opposants sur une volonté de la Safer de favoriser l'armée afin de toucher les fonds rapidement. Qu'en est-il ?
Quand les gens travaillent, il faut bien les payer ! J'ai demandé à Michel Allemand d'effectuer le bilan de ce qui a été fait. Il ne peut pas y avoir plus transparent que la Safer : la décision est prise dans une salle avec des agriculteurs, des syndicalistes, des représentants du conseil départemental et du conseil régional, de la banque, des assurances, des environnementalistes et des chasseurs. Et ce sont eux tous qui choisissent. Je ne vois vraiment pas de lézard. Parce que des fois, l'attribution peut se jouer à 51% contre 49. Là, ça n'a pas été compliqué du tout.
"À la Safer, 20% des affaires paient les 80% autres"
Vous réfutez donc l'accusation d'un organisme agricole devenu agence immobilière...
L'expression me fait rire, profondément. Je le disais il y a quelques années à Georges Frêche, qui avait été mon professeur d'économie : à la Safer, 20% des affaires paient les 80% autres. Quand on traite 2 000 dossiers, il y en a en fait 1 700 qui sont d'utilité publique. Si on était une agence immobilière, on ne s'occuperait pas des 80% de dossiers qui ne rapportent pas... D'ailleurs, sur les 20 000 hectares attribués chaque année en Occitanie, un tiers l'est pour l'installation. Et chaque année, on donne l'équivalent de 200 000€ pour alléger le coût d'installation, notamment les frais de notaire, dans la limite de 2 000 € par agriculteur. Alors, quand on me dit qu'on n'en fait pas assez pour l'installation de jeunes... J'aimerais qu'on supprime la Safer, ne serait-ce que trois mois. Tous les plus riches vont tout acheter. C'est un outil qu'on nous envie à l'étranger. Il peut y avoir des gens incorrects, comme partout, mais c'est un outil implacable contrôlé par un conseil d'administration qui réunit l'ensemble des acteurs. Et l'an dernier, on a été plébiscités, par 20 voix sur 22, pour conforter le travail réalisé.
Comment envisagez-vous une éventuelle sortie de cette polémique ?
Il faut rassurer les gens. Je veux bien qu'il y ait des antimilitaristes, des anti-barrage de la Borie (**) - que j'aimerais finalement bien avoir à disposition en ce moment... Mais on se retrouve avec eux sur le fait qu'il ne faut pas que l'armée fasse un camp d'entraînement au pied du col Saint-Pierre. Je comprends qu'à 500 mètres de chez soi ou du chemin de Stevenson, on n'ait pas envie d'entendre des balles. Sinon, je reprendrai ma casquette de syndicaliste ! Et si ce n'est pas le cas, il n'y a pas d'affaire. On en a parlé avec la préfète et le maire, que j'ai vu récemment : ça va se signer. Mais effectivement, il faut s'assurer que ce ne sera pas un stand de tir.
Quand l'acte de vente devrait-il être signé ?
La vente aura lieu fin mai, normalement (***). Une fois passée en comité technique, on ne peut pas revenir sur la décision. L'acte doit être fait dans les mêmes termes que ce qui a été voté.
Est-il vrai que le bail agricole serait de courte durée ?
Les conventions de mise à disposition, ce n'est pas un fermage. Il s'agira donc certainement de cultures annuelles, ce ne sera donc pas un verger par exemple. Peut-être des pâturages ou des légumes s'il y a accès à l'eau. Les conventions seront signées avec un agriculteur du coin et elles doivent passer directement par la Safer, ce qui sécurise le propriétaire. S'il fait un fermage, il est cuit. Parce que pour que le propriétaire sorte d'un fermage, il faut qu'il se lève de bon matin...
Propos recueillis par François Desmeures
francois.desmeures@objectifgard.com
(*) Du nom d'un projet de barrage, dans le Tarn, dont l'éventuelle construction avait donné lieu à la création d'une Zad (zone à défendre) de la part d'opposants. Les affrontements entre les anti-barrages et les forces de l'ordre avait abouti, en octobre 2014, au décès d'un militant, Rémi Fraisse, mortellement touché au dos par une grenade offensive.
(**) Lancé en 1982, le projet du barrage sur le Gardon à la Borie, à Saint-Jean-du-Gard, à proximité de la limite avec la Lozère, en direction de la Vallée Française, avait soulevé une profonde opposition locale. Le Conseil d'État fit annuler le projet en 1992.
(***) Selon les informations issues de la rencontre en petit comité entre armée et opposants, elle pourrait finalement intervenir après les élections législatives (relire ici).
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