Publié il y a 1 an - Mise à jour le 03.11.2022 - corentin-migoule - 4 min  - vu 70808 fois

FAIT DU JOUR Merouane, 23 ans, abattu dans son quartier : "Ils ont dessoudé un père de famille pour rien"

Les partenaires de Merouane, gardien de but du Stade-Sainte Barbe de La Grand-Combe (2e sur la ligne du haut en partant de la droite), lui rendront hommage dimanche 13 novembre lors d'un match de football les opposant à Saint-Hilaire. (Photo DR)

Merouane, 23 ans, a été abattu ce lundi soir aux alentours de 21h30, rue Sully-Prudhomme, dans le quartier des Près Saint-Jean, à Alès. Touché par une balle dans la gorge, il est décédé quelques minutes plus tard à son arrivée au centre hospitalier. Il était père de deux fillettes d'un et trois ans, et avait trois sœurs dont il était très proche, tout comme de sa maman. Sa disparition suscite un réel émoi dans son quartier d'origine, tandis que l'hypothèse de la querelle amoureuse se dégage. 

Un calme étrange règne au sein des Près Saint-Jean, ce mercredi après-midi. Sous un soleil triste, peu de monde dans la rue Sully-Prudhomme, celle qui a vu ce gamin du quartier froidement abattu il y a moins de deux jours. Sur la terrasse du bar-tabac, à quelques mètres des lieux du crime, un groupe de quatre hommes est attablé. Évidemment qu'ils connaissaient Merouane, tout le monde le connaissait dans le quartier. Mais le silence se fait lourd, personne ne trouve quoi dire.

Il faut dire que Merouane était quelqu'un de très apprécié dans son quartier, mais aussi au-delà, comme à la Grand'Combe, où il était gardien de but du Stade Sainte-Barbe, club évoluant en Départementale 2. "On n'y croit pas !, répète son entraîneur Lakhdar Badaoui. Tout le club est sous le choc. C'était quelqu'un de très respectueux, très dévoué, gentil, qui donnait beaucoup pour les gens. Je ne me souviens même plus quand il a signé au club tellement j'ai l'impression qu'il a toujours été avec nous."

L'entraîneur décrit un jeune homme "parti de loin, qui a réussi professionnellement". Employé dans une entreprise de fabrication de bardages, Merouane était souvent en déplacement ces derniers temps. "C'est un jeune qui venait de se stabiliser et de s'insérer professionnellement et sportivement. Il avait trouvé un boulot qui lui plaisait", rajoute un quadragénaire grand'combien qui l'a bien connu. "Je l'ai croisé vendredi dernier dans un café pour la dernière fois, on parlait justement de sa réussite professionnelle en disant que pour quelqu'un qui a grandi dans un quartier, il s'en était bien sorti", rejoue son entraîneur.

Le drame s'est noué ce lundi soir rue Sully-Prudhomme, à Alès. (photo Corentin Migoule)

Après une enfance décrite comme "difficile" par nos témoins, Merouane, notamment affecté par le divorce de ses parents, avait su remonter la pente et se lancer dans la vie. En quête de repères, il avait eu affaire au monde associatif alésien, dont l'association Raia, basée aux Près Saint-Jean. "Je l'ai vu grandir. C'était mon gardien de but au foot lorsque je faisais mes premiers pas dans les métiers de l'animation. Il avait 7 ou 8 ans", se remémore l'ancien directeur de la structure, figure du quartier, Brahim Aber.

Le dernier nommé décrit "un gars rangé, très calme depuis deux ans, posé". Une autre personnalité du monde associatif local brosse le portrait de "quelqu’un de très sérieux", assurant que "quand il s’engageait dans quelque chose, il tenait ses engagements. Il était très fiable." Aussi sur les rectangles verts du coin : "Le foot était sa vraie passion. Il était présent à tous les entraînements", affirme son entraîneur. Ses joueurs et lui sont inconsolables. "Depuis deux jours, mon téléphone n'arrête pas de sonner, souffle Lakhdar Badaoui. Tous les joueurs m'appellent et sont dévastés." Ce mardi 1er novembre, le club a d'ailleurs adressé au District Gard-Lozère une demande de report de son prochain match, qui doit se dérouler ce dimanche à Manduel. "On n'est pas du tout en état de jouer", ajoute-t-il.

Alors, comment expliquer la mort violente de ce jeune homme apparemment sans histoire ? "C'est une affaire de fille qui a mal tourné", affirme l'un de nos contacts. D'après nos informations, une rivalité amoureuse opposait en effet la victime avec son meurtrier présumé, un mineur de 17 ans originaire d'un quartier voisin. Après une première altercation violente avec ce dernier survenue ce lundi 31 octobre aux alentours de 18h, Merouane se savait menacé, le meurtrier présumé ayant annoncé qu'il reviendrait pour le "descendre".

Des menaces mises à exécution quelques heures plus tard, alors qu'il discutait avec un ami rue Sully-Prudhomme. "Une première voiture s'est arrêtée devant Merouane. Puis une seconde voiture dans laquelle un passager a ouvert le feu après avoir ouvert à moitié la fenêtre, rejoue un proche de la victime, bien informé. Et d'enfoncer : "Le problème, c'est que ces gamins des quartiers de 16 ou 17 ans sont tous calibrés. Ils se prennent pour des mecs de Brooklyn. Là, ils ont dessoudé un père de famille pour rien. Il faut faire quelque chose pour arrêter ça !"

Une impressionnante descente de police a eu lieu ce mercredi après-midi dans le quartier des Cévennes. (photo Corentin Migoule)

"Le dernier souvenir que j'ai de lui, c'était il y a quinze jours, dans les escaliers de mon club de boxe (Kick Full Boxing Alésien, Ndlr), quand il m'a dit : "Brahim, je reviens chercher mon neveu à 18h45"", se remémore sans mal l'ex-directeur de l'association Raia. Car la victime, douée d'un "esprit famille exacerbé", chérissait ses proches en se rendant disponible à chaque fois que l'occasion se présentait. Lakhdar Badaoui, lequel a échangé brièvement le lendemain du drame avec l'une des trois sœurs de Merouane, "dévastée" et encore "prostrée", lui a naturellement offert son aide. "Je lui ai dit qu'on serait toujours disponible pour elles si elles ont besoin", raconte le coach, des trémolos dans la voix au moment d'évoquer les deux fillettes qui grandiront sans papa.

Le tireur était toujours activement recherché par les forces de police à l'heure où nous écrivions ces lignes. Une impressionnante descente de police, à laquelle a pris part la brigade de recherche et d'intervention (BRI), est intervenue ce mercredi après-midi, peu après 14 heures, dans le quartier voisin des Cévennes, sans que l'on possède plus d'information à ce stade. En attendant que toute la lumière soit faite sur cette sombre affaire, les membres de son club de football devaient se réunir ce mercredi soir en lieu et place de l'entraînement habituel pour décider de la teneur de l'hommage qui sera rendu à Merouane dimanche 13 novembre, à l'occasion du prochain match à domicile du Stade Sainte-Barbe, face à Saint-Hilaire. Son inhumation est quant à elle prévue pour le lundi 7 novembre, après 48 heures de veillée funèbre.

Corentin Migoule et Thierry Allard

Corentin Migoule

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