FAIT DU SOIR La saison du lavandin a débuté à la distillerie Bel Air de Saint-Just-et-Vacquières
La distillerie artisanale ne cesse de gagner en notoriété depuis sa reprise par trois associés. S'ils développent un pan d'activité dans l'Aude, le coeur de l'entreprise reste aux portes des Cévennes où la récolte du lavandin a commencé. Tout comme les démonstrations de distillation en public.
Lavandin, lavande fine, genévrier cade, thym ou lavande aspic ont entamé leur défilé été 2022 à la distillerie Bel Air de Saint-Just-et-Vacquières, dans le plus grand respect de leurs identités olfactives. Née, en tant qu'entité autonome en 2010, la distillerie a connu une renaissance en 2016 et entre dans une nouvelle phase de développement, en cet été 2022, avec l'ouverture d'une antenne à Castelnaudary. Dans ce cas précis, l'outil a précédé le besoin : plutôt que de déplacer le vieil alambic acheté sur place, autant créer la structure autour.
Au départ, trente hectares de "terres dispersées"
Dans le Gard, l'histoire est tout autre et a été rendue possible par un couple d'allogènes, Evelyne et Pierre Crouzier, qui décident de changer de vie à la fin du siècle dernier et tombent sur une petite annonce. "Ils ont alors acheté 30 hectares de terres dispersées à Saint-Just-et-Vacquières", rembobine Charlotte Minnone, chargée de communication de la distillerie. Première mission de ces néo-ruraux gardois, "défricher la garrigue, poser un mobil-home et construire une maison". Et planter, d'entrée de jeu, de la lavande fine et du lavandin. Leur production bio part alors à la distillerie coopérative de Saint-Césaire-de-Gauzignan. Eux font connaissance avec l'activité de distillation.
Un intérêt bien utile au moment où "le modèle économique de la coopérative a été sur le déclin", dans les années 2000, jusqu'à la fermeture de celle de Saint-Césaire, en 2009. "Les entreprises se sont mises à acheter des molécules de synthèse", explique Charlotte Minnone. Un bouleversement du marché qui aurait pu mettre fin à l'activité des Crouzier. "Ils ont choisi de s'équiper d'un alambic pour leur propre récolte." 2010 marque donc la première naissance de la distillerie Bel Air. Pour exister, les Crouzier parcourent les marchés de producteurs "dans la partie est de la France et vendent un peu par correspondance". En cette période où les huiles essentielles ont le vent en poupe, leur entreprise est aussi suivie par une clientèle fidèle.
De zéro à treize salariés
Six ans plus tard, l'envie de repos se fait jour pour le couple fondateur. Leurs enfants étant épanouis par ailleurs, la transmission familiale de la distillerie n'est pas envisagée. "Ils se sont mis à chercher un repreneur", poursuit Charlotte Minnone. Et le trouvent, par l'entremise de Romain Biau, chargé de projet agriculture à l'agence Myriapolis d'Alès Agglo, qui leur fait rencontrer Pierre Boccon-Gibod, un biochimiste d'une trentaine d'années, originaire de Limoux (Aude) et qui rêve de revoir la campagne du sud de la France. Sa passion : le processus de transformation. Les Crouzier l'accompagnent quatre saisons durant pour effectuer une transmission en douceur.
En plus de son bagage universitaire, le nouveau propriétaire passe un brevet professionnel d'exploitation agricole, spécialisé dans les plantes aromatiques. En renforçant son socle de connaissances, la formation ouvre au biochimiste les portes des subventions dévolues aux jeunes agriculteurs. L'aventure de la distillerie Bel Air écrit un second chapitre, Pierre Boccon-Gibod s'aidant de deux complices et associés dans l'affaire, qui ont appris la distillation sur place.
De zéro salarié en 2018, la distillerie fait désormais travailler 13 personnes "dont 50 % d'alternants", insiste Charlotte Minnone. En saison, l'accueil des curieux nécessite encore d'augmenter les effectifs. Car en plus de son activité de production d'huiles essentielles et d'hydrolats (cette eau aromatique obtenue après la séparation avec les huiles essentielles au cours de la distillation), la distillerie est devenue un lieu d'accueil des touristes et sa boutique est ouverte six jours sur sept en période estivale, de 10h à 19h (à l'exclusion du dimanche). Visites guidées, démonstrations de distillation et ateliers découverte s'y succèdent (*).
Une trentaine de producteurs gardois de matières premières
Côté production, la distillerie peut désormais compter sur une trentaine de producteurs dans le Gard de lavandin, lavande aspic, thym, romarin, sarriette, genévrier cade ou commun. Avec des rendus très différents en fonction des plantes : 400 kg de lavandin fournit, par exemple, 20 kg d'huiles essentielles quand le même poids de lavande fine ne donnera que la moitié en huile. "On propose ensuite notre matière première à des fabricants", en plus des ventes directes en boutique et sur site Internet, passés par les vases de distillation de 2,25 m de profondeur.
Des boutiques partenaires "que nous n'avons pas eu besoin de démarcher", précise Charlotte Minnone, entrent aussi pleinement dans la diffusion de la production cévenole. Et désormais audoise puisque l'achat d'un alambic, à Castelnaudary, a implanté la distillerie dans l'Aude. En 2019, l'entreprise a même fait entrer dans sa gamme des huiles essentielles non-françaises, "après un travail de sélection des laboratoires et une analyse des conditions de travail". Car certaines huiles essentielles très demandées ne proviennent pas de plantes qui croissent en France, comme celle de Ravintsara, extraite des feuilles de camphrier. La distillerie Bel Air continue de produire, elle, les huiles essentielles de la garrigue, dont le nombre est déjà important.
François Desmeures
francois.desmeures@objectifgard.com
(*) Jusqu'à la fin août, visites guidées les lundis, mercredis et vendredis à 10h, 15h et 17h, sans réservation (tarifs : 8 €, 4 € pour les 12-18 ans, gratuit pour les moins de 12 ans). Distillation en direct, jusqu'à la fin août, les mardis et jeudis à 15h et 17h (tarifs : 4 € pour les adultes, 2 € pour les 12-18 ans). Réservation par mail à l'adresse visite@belair.bio
https//:belair.bio
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