Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 25.01.2018 - thierry-allard - 4 min  - vu 1323 fois

VINS Le syndicat des Côtes du Rhône veut « taper fort » contre les usurpateurs

« Coste du Rhone », « Rhone to the Bone », « Rhône River », « Rhône Provence Languedoc » : sachez-le, ce n’est pas parce qu’il y a écrit Rhône sur une bouteille de vin ou un bag in box qu’il s’agit de véritable Côtes du Rhône.
L'avocat, Me Philippe Marchiset, le président du Syndicat, Philippe Pellaton, et Fanny Hennequin, du service juridique de l'INAO (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

« Des cas, on en a tous les mois », a affirmé le président du Syndicat général des Vignerons des Côtes du Rhône, le Laudunois Philippe Pellaton, lors d’une conférence de presse donnée jeudi à Avignon.

La rançon du succès

Tout juste réélu pour un quatrième mandat à la tête du syndicat, le Gardois a donc décidé de taper du poing sur la table, et l’annonce : « on va taper fort. » C’est qu’après avoir récupéré une appellation « dans une situation très difficile » il y a neuf ans et avoir mené de front plusieurs gros chantiers (le repositionnement de l’appellation, sa montée en gamme, le redressement de ses ventes à l’export, la restructuration du vignoble, la charte paysagère et des actions en faveur de l’environnement), le Syndicat s’apprête à lancer un nouveau chantier ; sur le plan juridique cette fois.

« On a plutôt été défensifs jusque là. On faisait une veille mais il nous faut absolument passer à une attitude offensive », lance Philippe Pellaton. Car c’est aussi la rançon du succès. Qui dit montée en gamme et hausse de l’exportation, dit hausse des usurpations, voire des contrefaçons. Alors « il nous faut bâtir une stratégie claire » d’utilisation du mot Rhône, lance Philippe Pellaton. Des règles techniques mais claires ont été fixées : « par exemple un cru des Côtes du Rhône ne peut pas utiliser le mot Rhône sous quelque forme que ce soit sauf Cru des Côtes du Rhône, à partir du moment où c’est dans son cahier des charges », explique le président. La mention « Cru de la vallée du Rhône », déjà aperçue sur des étiquettes, est donc nulle et non avenue. « C’est un calage politique majeur. Ça va en gêner quelques uns aux entournures », admet le Gardois dans un sourire.

Il en va de même pour la mention « Vignoble de la vallée du Rhône », la seule à pouvoir être utilisée par certaines appellations voisines du vignoble des Côtes du Rhône, comme les Costières de Nîmes ou le Duché d’Uzès pour le Gard.

« Il y a de vrais usurpateurs qui font ça pour tromper le consommateur »

Bref, il s’agit déjà de remettre de l’ordre localement, et de faire appliquer des règles déjà existantes mais aléatoirement respectées. « On veut éviter la dilution et le brouillage du message au travers de l’utilisation du mot Rhône de manière exotique », résume Philippe Pellaton. Car les usurpateurs viennent de partout : « on a beaucoup de dossiers de vins de table ou de pays ». Mais pas seulement ! Des cas ont également été relevés à l’étranger, en Chine ou en Afrique du Sud. Dans ce dernier cas, l’usurpation est…phonétique : un viticulteur local étiquetait son vin « Goats do Roam », qu’on pourrait traduire sommairement par « Chèvres vagabondes », ce qui n’a donc rien à voir avec notre cher fleuve mais qui phonétiquement pour les anglophones était très voisin des Côtes du Rhône, le tout accompagné d’une communication trompeuse sur la qualité du produit. « On a également eu un cas de bag in box nommé Rhône Méditerranée pour un vin qui ne venait ni de l’un, ni de l’autre », ajoute Fanny Hennequin, du service juridique de l’INAO, l’Institut national des appellations d’origine. « Il y a de vrais usurpateurs qui font ça pour tromper le consommateur », s’indigne Philippe Pellaton.

Qui a envie de s'ouvrir une bonne bouteille de Côtes du Rhône -pardon, de Goats do Roam ?- (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

De nombreux cas donc et ce alors que le plan proactif annoncé ce jeudi n’était pas encore lancé. « Qui cherche trouve, il est évident qu’en allant à la pêche on va trouver de multiples cas », avance Philippe Pellaton. Alors le Syndicat s’est rapproché de l’INAO, mais aussi d’un cabinet d’avocats parisien spécialisé dans le domaine pour épauler son propre service juridique. « Il y a l’exemple des appellations Champagne ou Cognac qui se défendent très bien », pose Me Philippe Marchiset, avocat au cabinet Jones Day.

Jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’euros de dommages et intérêts

Concrètement, le plan d’action passe par l’envoi d’un courrier co-signé par le Syndicat, l’INAO et la répression des fraudes pour rappeler les règles et une communication large, histoire que plus personne ne puisse plaider l’ignorance des règles, il est vrai parfois un peu absconses. « Il ne s’agit pas de stigmatiser les metteurs en marché. Le droit à l’erreur peut exister », précise le président du Syndicat, magnanime. En cas de litige, une action amiable sera systématiquement lancée, sachant que « la plupart des cas sont réglés par échange de courrier », note Fanny Hennequin, avant des poursuites judiciaires en cas d’échec. « Les juges sont de plus en plus conscients de la valeur des appellations d’origine et sanctionnent de dommages et intérêts importants, qui vont de plusieurs dizaines de milliers d’euros au civil à plusieurs centaines de milliers d’euros au pénal », rappelle Me Marchiset.

Autant dire que les enjeux sont importants, et que les cas seront dorénavant traités plus systématiquement : « nous sommes aussi dans une logique de cohérence d’action, pour attaquer tout le monde, prévient Fanny Hennequin. Un des arguments qui revient le plus souvent, c’est que le voisin fait la même chose. » Voilà les usurpateurs prévenus. Et leurs voisins aussi.

Thierry ALLARD

thierry.allard@objecifgard.com

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