L’auditorium du lycée Daudet accueillait ce soir une soirée exceptionnelle, construite autour de Ravel, Rebecca Saunders et Enno Poppe, introduite par Arnaud Merlin de France Musique. Carole Roth, directrice du festival, l’avait annoncé en ouverture : cette édition accordait une place particulière à la création contemporaine et aux artistes qui « explorent la frontière vive entre le corps, la voix et la matière sonore ». Elle évoquait aussi la première mondiale de la soirée, l’œuvre de Rebecca Saunders portée par la soprano Sara-Maria Sun, comme « un moment attendu, une respiration nouvelle dans le parcours du festival ». La soirée s’est découpée en trois temps somptueux.
Trio de Ravel et Taste de Rebecca Saunders & Enno Poppe
Michael Barenboïm au violon et Jean-Frédéric Neuburger au piano ouvrent la soirée avec Tzigane de Maurice Ravel. Arnaud Merlin remonte ensuite le fil du temps vers le Trio, achevé en août 1914. Il rappelle que Ravel mentionne les mois de mars 1908 dans sa correspondance, évoquant « une longue période de gestation ». Il cite les mots du compositeur : « la forme et le contenu se précisent dans leur ensemble », tout cela « sans écriture inutile », et « relativement vite ».
Il valide son explication en notant que le deuxième mouvement puise dans la culture basque, et que le mouvement suivant s’inspire d’une forme poétique du symbolisme. Le troisième mouvement met en avant « le commencement et la fin ». Le même duo enchaîne ensuite Taste, partition signée Rebecca Saunders et Enno Poppe. Arnaud Merlin parle d’un travail sur « le geste », sur « les nuances », et sur « les textures ».
O Yes & I de Rebecca Saunders et Duo violon–violoncelle de Ravel
Sara-Maria Sun, soprano, et Anne-Cécile Cuniot, flûte-basse, présentent O Yes & I. Arnaud Merlin explique que Rebecca Saunders montre ici un rapport physique entre la voix et la flûte-basse, les mots étant « étirés, découpés, sculptés par le souffle », tout comme les textures inventées par l’instrument.
Le violoniste Michael Barenboïm et la violoncelliste exceptionnelle Astrig Siranossian enchaînent ensuite le Duo pour violon et violoncelle de Maurice Ravel. Arnaud Merlin relit les propos du compositeur, qui parle d’un « renoncement au charme harmonique », et d’« une réaction de plus en plus nette contre les mouvements qui flattent la mélodie ».
Création mondiale : Song from Lash Opera de Rebecca Saunders
La soirée se termine par la création mondiale de Song from Lash Opera, pour voix et piano, interprétée par Sara-Maria Sun et Jean-Frédéric Neuburger. Arnaud Merlin rappelle que cette pièce est tirée de l’opéra Lash – Acts of Love, créé à Berlin, dont les thèmes associent « le corps et sa physicalité à la sexualité, à la vie et à la mort ». Il cite la présence de « questions sur le désir, le refoulement, l’absence, l’échec, l’éphémère de la vie et la tragédie de la mort ».
Il évoque aussi « la perception du corps » dans ses détails : « les cheveux, les sourcils, les cils, la peau ». Il reprend les mots d’Enno Poppe décrivant un ouvrage « gorgé de mélodies, mais toujours exempt de sentimentalité ». Carole Roth avait prévenu, la portée de cette création mondiale mettait en avant la présence de Sara-Maria Sun, qui donne à entendre ce nouvel extrait d’opéra pour la première fois dans le monde, aux Volques. Et c’était à Nîmes !