Publié il y a 2 h - Mise à jour le 23.10.2025 - Anthony Maurin - 7 min  - vu 185 fois

FAIT DU JOUR À Nîmes et nulle part ailleurs

Parcours gratuit autour des Arènes de Nîmes (Photo Anthony Maurin)

Les Arènes de Nîmes (Photo ArcAnthony Maurin)

Président de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, Dominique Garcia revient sur le colloque nîmois « Partager la restauration de l’amphithéâtre romain de Nîmes ».

Parcours gratuit autour des Arènes de Nîmes (Photo Anthony Maurin)
Les Arènes de Nîmes (Photo ArcAnthony Maurin)

Nîmes n’est pas une cité inconnue pour l’Inrap. Elle fut de celles qui offrirent, aux débuts de l’aventure de l’institution, de belles heures à l’Inrap. Connaissant fort bien son histoire et ce passé scientifique, Dominique Garcia regarde attentivement les actions menées par la Ville et ses partenaires. Avant toute chose, n’hésitez pas à aller voir ce lien qui vous expliquera dans les détails ce que l’Inrap fait de ce patrimoine nîmois exceptionnel.

Dominique Garcia, président de l'Inrap, ici lors d'un colloque en 2024 au Musée de la Romanité (Photo Archives Anthony Maurin).

Nîmes a senti le besoin d’ouvrir un dialogue pluridisciplinaire à partir de son exemple. Ville d’art et d’histoire, de patrimoine inscrit à l’Unesco, enorgueillissons-nous que la cité des Antonin joue aux côtés de calibres supérieurs. C’est aussi pourquoi elle a pu organiser un colloque intitulé « Partager la restauration de l’amphithéâtre romain de Nîmes ».

Pour le président de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, Dominique Garcia : « C’est un objet d'étude qui pourrait paraître simple. Quand on fait de l'archéologie antique et qu’on travaille sur les amphithéâtres, ça pourrait paraître un petit peu suranné, or, le travail qui est fait à Nîmes depuis quelques années, et le colloque l'a bien montré, est quelque chose d'original. »

Les arènes en chantier (Photo Archives Anthony Maurin)
Les arènes en chantier (Photo Archives Anthony Maurin)

Ouvert au monde, pourtant, les colloques de ce calibre sont trop rares. « Il y avait à la fois des archéologues, des professionnels du tourisme, des maîtres d'ouvrages publics et privés, les monuments historiques, l'Unesco… Personne ne disait exactement la même chose, mais tout se complétait au bénéfice de ce monument singulier ! »

Cet événement devait rassembler experts et gestionnaires de monuments de plusieurs pays pour échanger autour des enjeux techniques, méthodologiques et patrimoniaux liés à la conservation des amphithéâtres romains encore en usage.

Youssoupha aux Arènes de Nimes le 10 juillet 2025
Les arènes... en mode concert !  • Archives CD

Étaient donc concernés, le Colisée de Rome, Italie (Unesco) et les amphithéâtres de Vérone, Italie (Unesco), de Pula, Croatie, (liste indicative), d’El Jem, Tunisie, (Unesco), de Tarragone, Espagne, (Unesco) et d’Arles, France, (Unesco).

« Deux journées agréables et intéressantes. Il y avait des questions, des réponses et de l’écoute. Il y a eu cette volonté de restaurer l'amphithéâtre pour le faire vivre par un système original. La plupart du temps, quand on restaure un monument historique, c'est pour le figer, pour le cristalliser, pour le fossiliser. Là, c'est une restauration qui est faite pour le rendre utile et même, de manière un peu paradoxale, pour l'adapter à des situations actuelles comme les problèmes des personnes à mobilité réduites, faire rentrer des camions pour les taureaux, mettre des assises correctes pour les gens tout en le gardant efficace, fonctionnel et économiquement rentable. »

Les Grands jeux romains 2019 (Photo Corentin Corger)

L’objectif de ce colloque était ainsi de partager les acquis techniques, méthodologiques et scientifiques de la restauration de l’amphithéâtre de Nîmes en cours et programmée jusqu’en 2040. Comme le dit Dominique Garcia, c’est aussi en profitant de cette approche que le monument perdure. Car à Nîmes, des travaux sont certes faits mais les archéologues peuvent encore bosser ! Ici et là, on les voit à l’œuvre, documentant l’édifice, ses abords, ses souterrains, pour la connaissance d’aujourd’hui et de demain.

Parcours gratuit autour des Arènes de Nîmes (Photo Anthony Maurin)
Les arches murées (Photo Archives Anthony Maurin)

Et pourtant l’amphithéâtre n’est pas classé à l’Unesco Est-ce un problème ? Pas du tout, le président de l’Inrap voit la Maison Carrée comme un phare qui éclaire le reste du bâti antique (et pas que) nîmois.

Visite théâtralisée des arènes de Nîmes été 2024 (Photo Anthony Maurin)
Un casque de gladiateur (Photo Archives Anthony Maurin)

À Nîmes, il y a aussi une volonté forte : celle de travailler ensemble. Il faut dire que les gènes doivent parler. Au carrefour de la Méditerranée, mais sur le continent, entre Provence et Languedoc, Camargue et Cévennes, Nîmes a toujours eu les points cardinaux à l’œil même si la cité est parfois hermétique comme un cercueil plombé. « Il y a une synergie vraiment originale, tout le monde travaille ensemble et c'était intéressant, d'autant plus que l'autre moitié d'une partie du colloque était une ouverture vers la Méditerranée. On a pu voir ce qui se fait à Rome, ce qui n’est pas rien, voir ce qui se fait en Espagne, voir ce qui se fait en Tunisie, voir ce qui se fait en Croatie... Et donc il n’y avait pas un enfermement, ça, c’est enrichissant. »

La salle cruciforme des arènes à la fin d'un chantier de fouilles (Photo Archives Anthony Maurin)
La salle cruciforme des arènes à la fin d'un chantier de fouilles (Photo Archives Anthony Maurin) • (Photo Archives Anthony Maurin)

Pour restaurer un tel édifice il faut, hélas, en avoir les raisons. Nombreux sont les amphithéâtres en ruines ou à peine lisibles. Nîmes détonne. « C'est comment valoriser le patrimoine dans les deux sens du terme ! Le valoriser dans le sens de le partager, et valoriser en lui donnant de la valeur, c'est-à-dire en le rendant utile à la société, utile aux différentes activités. »

Travaux de sécurisation et de restauration des Arènes de Nîmes 2024 (Photo Anthony Maurin)
L'extérieur de l'amphithéâtre avec l'échafaudage en train d'être démonté (Photo ArcAnthony Maurin)

Arles a aussi ses arènes. Un peu plus anciennes, un peu moins bien conservées mais relativement comparables et étonnamment similaires sur certains aspects. Pourtant, Nîmes et Arles diffèrent. Et les autres encore plus ! Quelles sont les particularités de l'amphithéâtre nîmois aujourd'hui ?

Corrida de Garcigrande pour Sébastien Castella, Andrés Roca Rey et El Rafi (Photo Anthony Maurin)
Un paseo aux arènes de Nîmes (Photo Archives Anthony Maurin)

« Pour la Tunisie, il n’y a pas de spectacle, comme la plupart des monuments historiques en France. En Espagne, ce qu'on a vu était intéressant. Ils l'exploitent également mais il n’y a pas d'études en profondeur du monument, on le prend comme une image, tel qu'il est, pas comme à Nîmes avec les travaux de Richard Pellé et des équipes de l'Inrap qui ont permis d'étudier, par exemple, la salle cruciforme ! À Rome, pour de nombreux évènements, il s’y passe des choses, mais le monument est figé. »

Pour Arles, la problématique est différente. On y voit des spectacles mais pas les grandes stars qui viennent avec des scènes dignes d’un Stade de France. Ici, impossible de manœuvrer, même pour arriver sur site. « Sur les arènes d’Arles, on voit un peu plus le passé médiéval avec les fameuses tours mais, et je n’y avais pas pensé, c’est l'accès à l’amphithéâtre qui est bien plus compliqué ! Pour les spectacles, ce que j'ai appris, c'est que ça coûtait plus que ça ne rapportait. »

Ici Richard Pellé lors de fouilles menées dans la salle cruciforme située sous le sable de l'amphithéâtre nîmois (Photo Archives Anthony Maurin).
Ici Richard Pellé lors de fouilles menées dans la salle cruciforme située sous le sable de l'amphithéâtre nîmois (Photo Archives Anthony Maurin). • (Photo Archives Anthony Maurin)

Ces rencontres préfiguraient la création d’un réseau d’échange international portant aussi sur les usages et les pratiques de gestion de ces amphithéâtres romains ouverts aux publics et toujours en exercice comme lieu de spectacles.

Du diagnostic jusqu’à sa mise en œuvre, le chantier de restauration interroge sur l’authenticité et l’intégrité patrimoniale d’un monument au regard des usages contemporains, de sa gestion et de sa conservation.

Amphithéâtre et travaux de dégagement de la salle cruciforme au XIXe siècle (Photo Ville de Nîmes)

Il en plaisante volontiers avec un bon mot, le comparant au bateau de Thésée, mais Dominique Garcia est conscient que l’amphithéâtre Nîmois est une sorte d’ovni. Surtout pour les archéologues ! Ainsi, la vie passée du monument est mieux connue que jamais et est documentée pour faciliter ses usages actuels.

Face à ce qui était le Crédit Agricole, au premier étage de l'amphithéâtre (Photo archives Anthony Maurin).
Face à ce qui était le Crédit Agricole, au premier étage de l'amphithéâtre (Photo archives Anthony Maurin). • (Photo Archives Anthony Maurin)

« À Nîmes, c'est l'ensemble des actions qu'on peut mener qui sont visibles. On rend les choses utiles et obligatoires la compréhension de l’amphithéâtre ancien. Un petit peu comme si vous achetiez une vieille maison et que vous voulez la refaire à neuf. Vous êtes obligé de tenir compte des portés, de l'épaisseur des murs, du machin pour faire passer l'eau...Il y a quand même beaucoup d'argent qui est mis ! »

Marc Célié et Richard Pellé de l'Inrap, deux personnages d'importance pour l'amphithéâtre (Photo ArAnthony Maurin).

Pour un peu de légèreté en gardant à l’esprit que l’argent est nécessaire pour faire vivre et non survivre l’amphithéâtre, la preuve la plus poignante est conservée sous la piste. Sur un mur, une plaque de l’époque de la construction. Dessus, quelques lettres latines. « T. Crispius Reburrus Fecit » Reburrus… Quel clin d’œil ! « Reburrus, en Gaulois Ro-burro, « le très fier », est sans doute le Nîmois qui a donné à l'amphithéâtre de Nîmes la salle cruciforme placée sous la piste. C'est un Gaulois, enfin, c'est quelqu'un d'origine gauloise, qui a mis des pépettes ! Dans la tradition, il y a son surnom et son surnom, c'est un surnom gaulois d’une famille qui devait s'appeler, ou qu'on avait surnommé, « le très fier » ! »

La plaque ornant la salle cruciforme. Titus ou Tiberius Cripius Reburrus Fecit (Photo Archives Anthony Maurin).

La restauration du monument (2009-2034), est accompagnée d’un suivi archéologique des travaux mené par l’Inrap, en partenariat avec la Ville de Nîmes, sur la façade de l’édifice, les gradins conservés dans la partie sommitale du monument ainsi que les zones dites d’arrachement, détruites au Moyen Âge.

Un autre volet du projet porte sur une étude approfondie de la cavea et des galeries elliptiques internes, dans le but de mettre hors d’eau et de protéger la structure interne du bâtiment. C’est sur ces deux thématiques que portait le colloque « Partager la restauration de l’amphithéâtre romain de Nîmes ».

Les nuits de Nemaus (Photo Archives Culturespaces).

Dernier questionnement sur l’état du patrimoine français actuel. Est-il en danger ? Si un tremblement de terre, un incendie ou une tornade passent, que restera-t-il à part des pierres inertes et insensées au sol si les archéologues ne peuvent pas consigner notre passé ? Le patrimoine est-il là pour l’éternité ?

Parcours gratuit autour des Arènes de Nîmes (Photo Anthony Maurin)
La travée 60, celle par laquelle les nobles romains entraient. Un avant-corps avec deux taureaux est à voir sous le fronton (Photo Archives Anthony Maurin)

« Je trouve que la restitution par l'étude est plus qu’importante. Un monument n'est pas quelque chose qui sera éternel, l'éternité, c'est du vocabulaire religieux, ce n'est pas du vocabulaire de profane. S’il n’y a pas une étude faite avant, que faire ? Pour moi, il n’y a que la restitution par l'étude qui permet la conservation. J'étais hier dans une grotte ornée, mais dans dix générations, qu’en restera-t-il ? Quand on a les moyens, et c'est le cas à Nîmes mais pas partout, quand il y a des spécialistes, et c'est le cas à Nîmes mais pas partout, on pourra transmettre ce patrimoine, c'est important ! »

Travaux de sécurisation et de restauration des Arènes de Nîmes 2024 (Photo Anthony Maurin)
L'excellente entreprise Selle travaille sur le chantier (Photo ArAnthony Maurin)

Donc, il faut trouver de nouveaux « très fier » ou faire de ce monument le réceptacle des humeurs nîmoises comme il l’a toujours été dans le passé. Dominique Garcia, sans heurter les pensées et les croyances rappelle simplement un fait.

Les travaux des arènes de Nîmes (Photo Archives Anthony).
Les arènes sont aussi à voir au Musée de la Romanité (Photo Archives Anthony).

« Il y a 80 000 lieux de culte dont la gestion incombe aux communes. Cela coûte très cher. Aujourd’hui, il y a de moins en moins de monde qui y va et de très nombreuses pourraient être désacralisées. On peut imaginer y mener des études, faire des doubles numériques puis réaffecter ces endroits à d’autres usages. »

Les travaux des arènes de Nîmes (Photo Archives Anthony).
Les arènes sont aussi à voir au Musée de la Romanité (Photo Archives Anthony).

On a donc pu en savoir plus sur l’amphithéâtre de Nîmes grâce à un état des lieux d’avant la restauration, des diagnostics et un suivi par les services de l’État. Idem sur le chantier de restauration qui est programmé sur 30 ans. Archéologue connaissant par cœur nos arènes, Richard Pellé, via l’Inrap, a quant à lui évoqué l’amphithéâtre comme étant un chantier archéologique Inrap qui a encore de l’avenir.

carte des amphitheatres empire romain (Inrap)
Carte des amphithéâtres de l'empire romain (Inrap)

Cette manifestation était organisée par la Ville de Nîmes avec le soutien du ministère de la Culture, Mission Patrimoine mondial et le concours de la Fondation internationale des Monuments romains de Nîmes et de l’INRAP.

L'amphithéâtre de Nîmes (Photo Archives Anthony Maurin).
L'amphithéâtre de Nîmes (Photo Archives Anthony Maurin). • (Photo Archives Anthony Maurin)

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