Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 29.10.2021 - elodie-boschet - 4 min  - vu 679 fois

FAIT DU JOUR Une note plus salée chez le boulanger

La flambée du cours du blé entraîne une hausse du prix de la baguette. Dans le Gard, beaucoup de boulangeries ont augmenté leurs tarifs ou prévoient de le faire très prochainement. Tour d’horizon auprès de boulangers nîmois et alésiens, ainsi que de leurs clients.

« Alors, vous allez augmenter le prix de la baguette ? », questionne un habitué de la boulangerie du Fournil alésien, située en plein centre-ville d’Alès. La boulangère, Laure Perrot, confirme d'un mouvement de tête. « Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise, on viendra vous voir quand même ! », reprend le retraité tout en cherchant ses pièces au fond de son porte-monnaie, deux baguettes sous le bras.

Laure Perrot du Fournil alésien. Photo Élodie Boschet/Objectif Gard

Depuis quelques jours, Laure Perrot explique inlassablement aux clients qui l’interrogent la raison qui pousse les boulangers à augmenter leurs tarifs. En l'occurrence, la hausse du coût des matières premières, couplée à celle du prix des énergies. « Chez nous, les prix augmenteront à partir du 1er décembre car c’est à cette date-là que les factures sont plus élevées », précise-t-elle. « Il faudra donc payer cinq centimes de plus sur le pain blanc, mais aussi les viennoiseries et pâtisseries car on utilise également de la farine », poursuit la boulangère du Fournil Alésien, qui se fournit chez le Moulin de Sauret, à Montpellier. Certains blés n’étant pas touchés par cette flambée, le pain « label rouge » par exemple ne devrait pas être augmenté. « Je pense que les clients vont faire un petit peu plus attention à leur porte-monnaie, ils vont sans doute garder le même budget mais l’étaler sur la semaine. De toute façon, tout augmente, les gens le savent et sont blasés », constate-t-elle.

"Tous ceux qui râlent, je les invite à prendre ma place"

Après les confinements successifs et la crise sanitaire qui ont largement impacté les commerçants, la nouvelle ne réjouit évidemment personne. « C’est dur pour tout le monde. À chaque augmentation, il y a toujours un impact », regrette Laure Perrot, installée depuis 2008. « Les gens viennent de moins en moins en ville et achètent tout au supermarché, y compris le pain », observe-t-elle. Alors comment s’en sortir dans un tel contexte ? « Grâce à la fidélité des clients, mais aussi en diminuant le nombre de salariés et en faisant plus d’heures. »

À moins de cinq kilomètres de là, à La Jasse de Bernard, Sébastien Martin de la boulangerie-pâtisserie l’Authentique, est un peu exaspéré : « C’est fatigant que tout le monde se focalise sur l’augmentation du prix de la baguette. Est-ce qu’on parle du primeur ou du boucher qui tous les jours varient leurs prix ? Et on en fait pas tout un flan ! Ici, on a augmenté le pain de 5 centimes, mais je vous assure qu’on ne le fait pas par plaisir. On est obligé parce que tout augmente. Les framboises, par exemple, elles ont prix 40% depuis juillet. Le beurre, c’est 20%. Et rappelez-vous, la baguette dans les grandes surfaces il y a dix ans, elle était à 30 centimes. Aujourd’hui, c’est 75 centimes et ça ne choque personne. Quant à tous ceux qui râlent, je les invite à venir prendre ma place. Je suis artisan depuis 2003, on est à La Jasse de Bernard depuis 7 ans, et jusqu’à présent, personne ne l’a prise. Pour vous donner une idée, là j’ai commencé à 2 heures du matin. En fait, c’est un métier ingrat que personne ne veut faire. Alors plutôt que de nous attaquer sans cesse, ce serait mieux de nous valoriser. »

Sébastien et Sandy Martin, à La Jasse de Bernard.

« J’allumerai que deux fours au lieu de trois pour faire des économies »

Et les clients dans tout ça ? Zahour, une Nîmoise pour qui "le pain est sacré", se dit prête à payer le prix fort pour l'avoir quotidiennement : « Ce n’est pas cher et je ne mangerai pas moins de pain. Il faut savoir ce que l’on veut. Si c’est de la qualité, cela ne me dérange pas, mais de toute façon je ne n’achèterai pas mon pain dans un supermarché. » En plus du tarif de la farine, les boulangers doivent faire face à l’augmentation du carburant (pour les livraisons), de l’énergie (pour les fours et la lumière dans les boutiques) et parfois même du fioul. « Nous attendrons de voir les factures de nos fournisseurs avant de toucher au prix de la baguette », explique Laetitia, gérante de la boulangerie Raimondeau à Nîmes. « Aujourd’hui pas une baguette ne sort d’une boulangerie sans un emballage en papier. Le prix de cette matière a été multiplié par deux. N’oublions pas que pendant la crise sanitaire, les boulangers n’ont pas été aidés et l’achat des plexiglas et du gel étaient à leur charge », témoigne Christophe Hardy, le président de l’Union des maîtres artisans boulangers et pâtissiers du Gard.

Comme la Tour Eiffel et le coq, la baguette est l'un des symboles de la France à travers le monde. Son prix ne laisse donc personne indifférent. Le sujet est tellement sensible qu'un boulanger nîmois n’accepte de l’aborder que sous couvert d’anonymat... « À partir du 1er novembre, je vais hausser le prix de ma baguette de 10 centimes passant de 1.10€ à 1.20€. Mais je veux d’abord en parler avec mes clients pour leur expliquer ma démarche. » L’artisan est fortement impacté avec 800 kilos de farine utilisés chaque mois et une facture de 800€ d’électricité mensuelle. Un nouveau coup dur pour cet homme qui a traversé la crise sanitaire et les inondations : « J’allumerai que deux fours au lieu de trois pour faire des économies. »

Selon une étude de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), le prix de la baguette au kilo est passé de 2,12 € en janvier 1992 (la conversion a été faite puisqu'à cette époque c'était le Franc, Ndlr) pour atteindre 3,59 € en septembre 2021. Cette hausse devrait s’accentuer dans les prochaines semaines. Les Français n'auront plus d'autres choix que de se passer de leur pain quotidien ou de sortir... un peu plus de blé.

Norman Jardin & Élodie Boschet

Elodie Boschet

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