FAIT DU SOIR Transhumance massive à l'Espérou sur fond de prédation du loup

De Puech-Sigal, sur les hauteurs de Notre-Dame de la Rouvière, les éleveurs ont présenté la fête de la transhumance, qui aura lieu le week-end des 14 et 15 juin, comme une fête, mais aussi une occasion d'évoquer leur actualité. Entre prédation du loup toujours présente et craintes sur les possibilités d'écobuage, ils espèrent une prise de conscience populaire - et politique - de la nécessité de maintenir leur métier et des services qu'il rend à l'environnement. Le tout en faisant la fête, avec plus de 1 000 moutons attendus le 15 juin sur les pentes de l'Aigoual.
"Ici, s'il n'y avait pas Daniel, il y aurait beaucoup de ronces." Daniel, c'est l'éleveur Daniel Fesquet, dont le troupeau de 200 brebis règne sur ces parcelles des hauteurs de Notre-Dame de la Rouvière, à Puech Sigal, superbe colline ouverte au-dessus de la vallée de l'Hérault, face au sommet de l'Aigoual. Et celui qui parle, c'est Philippe Boisson, qui a troqué sa casquette de président de la coopérative Origine Cévennes pour celle d'élu à la chambre d'agriculture, venu en soutien des éleveurs ovins.
Daniel Fesquet passera le 15 juin à L'Espérou, en compagnie des brebis d'Adrien Lechalier du GAEC du Frêne, de Notre-Dame de Londres. Des éleveurs que le président du syndicat ovin du Gard, Pierrick Garmath tient "à remercier" pour leur disponibilité le jour de la fête. Mais avant d'êre festif, le ton est grave de la part de l'éleveur de Val d'Aigoual. "Il nous faut faire passer le message au grand public sur le loup. Le jour où il y aura une forte prédation, on va capituler et on aura détruit l'élevage ovin extensif."
"Les Canadair coûtent plus cher à maintenir que 200 brebis"
Philippe Boisson, élu à la Chambre d'agriculture
"Il faut que les pouvoirs publics nous disent ce qu'ils veulent, poursuit Pierrick Garmath, qui regrette - le mot est faible - que l'État ait choisi de tenir une conférence de presse sur le loup la veille de celle sur la fête de la transhumance (relire ici). On nous demande tout l'inverse du bon sens. Le loup n'est pas le garant de la biodiversité." Et il y aurait bien plus à perdre non seulement en biodiversité, mais aussi en sécurité, à laisser disparaître l'agropastoralisme, poursuivent les éleveurs. Notamment avec l'avancée très rapide de la forêt dans des terrains qui ne seraient plus entretenus. "Ce site n'est pas magnifique par hasard, argumente Daniel Fesquet, je l'entretiens tout le temps." Avec le sens de la formule, Philippe Boisson résume : "Les Canadair coûtent plus cher à maintenir que 200 brebis."
Et les éleveurs disent ne plus compter les altercations entre randonneurs et chiens de troupeaux, des patous avec lesquels peu de marcheurs ou vététistes possèdent les bons réflexes. "On nous demande de signer la convention avec la communauté de communes pour le passage sur nos chemins de randonnée. On est d'accord, mais c'est une pression permanente", se désole Pierrick Garmath. Qui ne voit qu'une solution : "Il faut une brigade loup et des gens assermentés et compétents. Et que les chasseurs puissent les tirer quand ils les voient. Ce n'est qu'une volonté politique. Mais entre l'élevage et le loup, la relation est impossible." Éleveur à Arrigas, Benjamin Peyre aimerait voir "brûler les étapes pour que la brigade puisse intervenir directement cet été. On travaille le jour, le loup va attaquer la nuit... C'est infernal."
Daniel Fesquet - qui s'est récemment vu refuser deux terrains de pâturage, en commission SAFER, au profit d'un projet viticole - ajoute une autre difficulté. "Il faut aussi pouvoir maintenir l'écobuage, sinon la forêt est partout." Le sujet avait été évoqué en mars dernier, à L'Espérou, avec le directeur du Parc national des Cévennes, Vincent Cligniez. Qui avait paru en accord avec les éleveurs sur le sujet (relire ici). Mais depuis, "on n'a pas vu d'évolution", regrette Pierrick Garmath, qui était aussi à la réunion.
"Être éleveur est de plus en plus compliqué", reconnaît la maire de Dourbies et vice-présidente à l'environnement de la communauté de communes Causse-Aigoual-Cévennes, Irène Lebeau. Qui les remercie de leur mobilisation pour la fête, en écho à son président, Gilles Berthézène. "Les territoires ne seraient pas ce qu'ils sont sans l'élevage", insiste l'élue. Et c'est d'ailleurs cette activité, en lien avec son territoire, qui a auréolé les Cévennes et les causses du Patrimoine mondial de l'Unesco...
La transhumance reste une fête
Comme depuis quelques années, la fête de la transhumance à L'Espérou commencera réellement le samedi 14 juin, dès 15h, avec la découverte du soleil par la société d'astronomique de Montpellier. À 16h30, le troupeau de François Recolin passera et il est proposé aux curieux de suivre le troupeau en direction de son estive (attention, les chiens ne sont pas autorisés). À 20h, repas du terroir à la halle (sur réservation au 06 03 36 73 06). Puis, conférence et observation des étoiles à la lunette.
Dimanche 15 août, dès 9h, démonstration de chiens de berger, de tonte de brebis, jeux en bois et 85 étals de produits du terroir permettront d'attendre les plus de 1 000 brebis, qui devraient être plus "pomponnées" que jamais. À 14h30, table-ronde sur les enjeux de la prédation.
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