On connaissait déjà les chiffres de la fréquentation estivale (relire ici), et le poids important des flux vers la cascade de la Vis, à Saint-Laurent-le-Minier. Un poids présumé qui avait motivé l'élargissement de l'étude, portée par le syndicat mixte du Grand site du cirque de Navacelles, à toutes les gorges, jusqu'à Cazilhac, bien qu'une partie du périmètre d'étude ne fasse pas partie du site classé.
"Il n'y avait aucune étude de fréquentation importante dans la vallée de la Vis jusqu'ici", s'est félicité le maire de Saint-Laurent-le-Minier, Bruno Beltoise, en introduisant la réunion publique, jeudi 25 septembre, devant une trentaine de personnes. Du constat effectué, les bureaux d'études,Temah, Altemis et Avril en Mai étaient appelés à proposer un schéma d'accueil pour la vallée de la Vis dans son ensemble. De juin à octobre 2024, le diagnostic a primé, avec dix jours de comptage et 226 entretiens réalisés. La deuxième phase du travail, jusqu'au mois de mars dernier a consisté à "déterminer la capacité de charge et les objectifs en matière de fréquentation". Enfin, entre avril et juillet a eu lieu la rédaction du plan d'actions.
La réunion publique est donc revenue sur le constat : la sensibilité écologique de la Vis - rivière non domaniale, dont les berges sont donc privées dans leur immense majoirté -, la sur-fréquentation de certains endroits, à commencer évidemment par la cascade de Saint-Laurent-le-Minier ; et les avis des locaux, qui montrent un attachement très fort à la rivière et à sa protection. Le constat a aussi mis en avant un "patrimoine extrêmement diversifié", "fabuleux" au niveau hrdraulique, "ainsi que de nombreux ponts et châteaux", explique Dominique Chauchon, du cabinet Temah. Et des "pépites", comme l'arboretum du Grenouillet, ou l'ensemble cascade-château de Saint-Laurent.
Mais la zone est considérée "à risque", en raison des chutes de blocs qui interdisent notamment le stationnement de bord de route, la mort d'un touriste en 2018. Mais aussi d'éventuels aménagements pour canaliser la fréquentation, dans cette vallée caractérisée par son étroitesse. En conséquence, "la pression sur les espaces privés est facteur de rejet de la fréquentation touristique", appuie Dominique Chauchon. Une pression qui s'exerce principalement "entre Saint-Laurent-le-Minier et Gorniès" : sur les 67 000 visiteurs de la vallée, 42 000 passent à Saint-Laurent. Sans pour autant offrir, selon les habitants, des retombées touristiques suffisantes.
Capacité de stationnement dépassée, habitants locaux qui renoncent à se baigner à la haute saison en raison d'une affluence démesurée, ont donc contraint le cabinet à regarder la capacité d'accueil et la stratégie actuelle. Ou comment rendre supportable, pour les locaux et l'environnement, une fréquentation permise mais relativement anarchique. "Et voir combien le site peut accueillir de personnes et comment répartir la fréquentation."
Parmi les préconisations, passer de 280 à 250 places de parking à Saint-Laurent-le-Minier
Les trois sites de baignade (cascade de Saint-Laurent, site communal de Gorniès, arboretum du Grenouillet) représentent actuellement 280 places de stationnement, parfois dépassés en été. Le cabinet Temah propose d'en réduire le nombre à 240, "réparties correctement", en supprimant, notamment, 30 places sur le parking municipal de la cascade. Cette réduction s'accompagnant d'une protection et d'une mise en valeur du site, car on respecte d'autant plus ce qui est beau. En dehors des trois zones autorisées de stationnement, "il faut travailler à interdire, surveiller, informer, ou les trois à la fois".
"Aménagement, surveillance et information, il faut les trois piliers", insiste Cécile Mermier, paysagiste d'Avril en mai, qui a pu travailler sur le réaménagement du pont du Diable qui enjambe l'Hérault, à Aniane, sur celui du lac du Salagou ou encore à Minerve. Pour cela, dix-neuf actions sont préconisées par le rapport, qui doivent répondre aux problématiques de la protection et la valorisation des patrimoines naturels, paysagers et bâtis ; contenir la fréquentation dans les espaces gérés ; encadrer les usages et favoriser une découverte respectueuse ; et, enfin, améliorer la gouvernance.
Des arrêtés préfectoraux de protection de biotope en préparation
Le rapport propose notamment de disposer d'indicateurs sur l'état général de la Vis, en mettant en place un suivi scientifique pluriannuel, pour suivre l'état de fond, la faune ou le niveau d'étiage, tout en associant le grand public à la protection de la rivière. La directrice du Grand site du cirque de Navacelles, Manon Bourg, a d'ailleurs précisé que des arrêtés préfectoraux de protection de biotope (APPB) verraient bientôt le jour afin d'interdire, en période de nidification notamment, certaines zones de la rivière à la fréquentation.
Temah, Altemis et Avril en Mai préconisent ensuite de réaliser un schéma d'interprétation de la vallée qui amène à en faire connaître le patrimoine (géologique, bâti, industriel, agricole, hydraulique), avec notamment une mise en valeur du site minier des Avinières. Les deux cabinets pensent également nécessaire de revoir l'aménagement de l'entrée de Saint-Laurent-le-Minier, qui risquerait néanmoins de se heuter à de lourdes contraintes. La réhabilitation de l'aqueduc du château, qui menace de s'écrouler et que le rapport évoque, est d'ailleurs l'une des premières actions qui devrait être lancée, son caractère prioiritaire ayant déjà étant pris en compte.
Pour "contenir" la fréquentation, Avril en Mai préconise un aménagement du parking visiteurs de Saint-Laurent, comprenant donc une réduction de la capacité de vingt places, et un autre aménagement sur le site communal de Gorniès, qui tout en conservant le parking, empêcherait le stationnement le long de la RD 25. Les arbres centenaires du site du Grenouillet seraient aussi mieux protégés, les voitures étant éloignés des racines des vénérables.
Le rapport conseille la mise en place d'une patrouille de surveillance estivale
Mais la canalisation ne se fera pas sans surveillance, souligne le rapport. En insistant sur la nécessité de patrouilles de surveillance l'été "dans toute la vallée de la Vis" et la présence permanente d'un garde-champêtre. Une charte d'accès à l'eau pourrait encadrer les berges du domaine privé, quand seules trois zones de baignade sont publiques - en sachant que, à la cascade par exemple, les baigneurs s'installent aussi des berges privées.
Offrir de nouvelles solutions de déplacement à vélo et d'espaces de randonnée permettrait aussi de mieux répartir la fréquentation, estime le rapport. Qui souhaite également des opérations de communication harmonisées sur toute la vallée (soit deux départements, trois communautés de communes et six communes...), ainsi qu'une signalétique d'information commune.
Dans ses questions, le public présent n'a pas manqué de soulever LA question : celle de l'argent pour lancer d'éventuelles actions, "On va le chercher où ? Et qui va le chercher ?" Comme coordonnateur réunissant les frontières départementales, le syndicat mixte du Grand site du cirque de Navacelles paraît le plus indiqué. Même s'il ne roule pas sur l'or et qu'une partie du territoire - comme la cascade de la Vis par exemple - n'est pas, au départ, dans sa zone d'actions (relire ici).
Dans le public, certains se sont demandés si le plan n'allait pas, au contraire, faire augmenter la fréquentation. Non, pensent les auteurs du rapport, "même si notre poids sur la pression des réseaux sociaux est très très faible", a déploré Manon Bourg. "Les APPB vont donner quelque chose de contraignant", a souhaité rassurer le maire de Saint-Laurent, Bruno Beltoise, qui s'est aussi voulu réaliste : "Il a fallu vingt ans pour que le site de Navacelles en soit où il en est. L'étape suivante, pour nous, c'est de mobiliser les communautés de communes et les départements." Mais depuis l'aménagement du cirque de Navacelles, les institutions en question parlent plus de restrictions budgétaires que d'investissements à tout-va...