Publié il y a 2 mois - Mise à jour le 11.10.2024 - Thierry Allard - 4 min  - vu 257 fois

FAIT DU SOIR Yves Camdeborde, quelle régalade !

Le chef Yves Camdeborde (à D.) ce vendredi à Uzès

- Photo : Thierry Allard

Le chef Yves Camdeborde, connu pour avoir popularisé le concept de « bistronomie » et pour avoir participé à plusieurs saisons de « Masterchef » sur TF1, était à Uzès ce vendredi à l’occasion du festival Saveurs & Savoirs.

Il est venu en voisin du petit village du Luberon où il s’est posé à son départ de Paris, après avoir pris « sa retraite des fourneaux », comme le présentera le journaliste François-Régis Gaudry. Pour autant, Yves Camdeborde a encore des choses à dire et à écrire, en témoignent les nombreux ouvrages que le Béarnais d’origine a publiés ces dernières années, sur les conserves, sur les livres de cuisine, sur « l’histoire gourmande du rugby » et le dernier en date, « Gabin à table », sur le célèbre acteur.

Des choses à raconter aussi, sur son parcours, celui d’un jeune homme né à Pau un jour de décembre 1964, d’un père éleveur et d’une mère charcutière, biberonné à la bonne bouffe, au saumon à la béarnaise de sa grand-mère, avec « ses darnes épaisses et son beurre demi-sel », se remémore-t-il, ces banquets de chasseurs « tous les dimanches, avec dix plats, vingt-cinq bouteilles de vin… J’ai fait le métier de cuisinier un peu grâce à ça, la plus belle chose de la table c’est de pouvoir donner du bonheur », dit-il avec émotion. De cette enfance entouré de bons produits du terroir, il gardera une philosophie : « Quand on a un produit d’excellence, il faut le laisser faire. »

À 14 ans, Yves Camdeborde décide de partir. « C’est le labeur de la terre, justifie-t-il 45 ans plus tard. Je trouvais ça très contraignant, très ingrat, alors j’ai dit à mon père que j’allais m’en aller, je lui ai dit trouve moi un métier, et je pars en apprentissage. » De par son métier d’éleveur, son père le place dans un restaurant « très simple, où je faisais cent omelettes par jour, blanches, bien bondées, bien baveuses », se remémore le chef.

Il quitte ensuite le sud-est pour le Ritz, à Paris, où, encore adolescent, il dit subir de la part du chef du prestigieux établissement Guy Legay, qu’il refuse de nommer aujourd’hui, « maltraitances, sévices, violences psychologiques », puis à la Tour d’argent, un trois étoiles où il découvre « des sauces en boîte et des fruits en boîte » dans les cuisines. Il en gardera une dent contre le Guide Michelin, qu’il considère comme « une supercherie ».

Reste une rencontre très importante dans la vie d’Yves Camdeborde, celle avec le chef Christian Constant, d’abord au Ritz, puis au Crillon, qui le prend sous son aile. Au Crillon, Yves Camdeborde travaille au sein d’une « dream-team » avec Jean-François Piège, Eric Frechon, Thierry Breton ou encore Christophe Felder « dans une ambiance incroyable », se remémore-t-il.

« Porte drapeau » de la bistronomie

Puis, en 1992, Yves Camdeborde décide de voler de ses propres ailes. « Les grandes maisons m’ont construit, m’ont donné une philosophie de l’excellence, mais je n’avais pas la main, on m’imposait un rôle, j’étais un acteur », rejoue-t-il. Alors il reprend un bistrot parisien près de la porte d’Orléans, dans le XIVe arrondissement, pas exactement le coin le plus branché de la capitale, où il compte « cuisiner avec (son) âme », dit-il. Le restaurant s’appelle La Régalade, et très vite, il devient une référence au point de contribuer largement à lancer un mouvement que le critique gastronomique Sébastien Demorand baptisera au début des années 2000 la bistronomie.

« L’assiette était essentiellement basée sur le goût, je me sentais aubergiste, je voulais faire passer un bon moment », raconte le chef. Le principe de La Régalade, où on mange alors à partir de 100 francs, est un résumé de ce qu’est la bistronomie : « Je ne travaillais pas le turbot, plutôt le maquereau, mais je le travaillais comme le turbot au Ritz. » Ces produits bons à défaut d’être nobles, le chef « les sublime pour leur amener de l’émotion », dit-il. L’émotion, le mot revient très régulièrement dans la bouche d’Yves Camdeborde, qui écrasera quelques larmes au fil de la conférence et de ses souvenirs. « L’émotion du goût, qui n’est pas liée au prix d’achat », reprend-il.

La Régalade durera douze ans, et laissera des souvenirs impérissables chez ceux qui ont eu la chance d’y manger, ce qui n’était pas toujours évident : « En 1996, la Régalade était le restaurant avec le plus de réservations au monde, il y avait un an d’avance ! », se marre le chef. Pour autant, son concept, développé aussi par d’autres à Paris, reste méprisé par les vieux critiques gastronomiques et les guides. Il faudra l’émergence d’une nouvelle génération de critiques, Sébastien Demorand en tête, pour la mettre sous les projecteurs médiatiques avec le concept de bistronomie.

« J’en ai voulu à Sébastien au début », se remémore le chef, au départ rétif à la catégorisation mais qui aujourd’hui se dit « porte drapeau et fier de l’être » de la bistronomie. Après avoir revendu La Régalade en 2004, Yves Camdeborde poursuivra au Relais Saint-Germain, puis gagnera la notoriété du grand public dans « Masterchef » sur TF1, l’émission durant laquelle il fera la rencontre de Georgiana Viou, la cheffe récemment étoilée du Rouge, à Nîmes. Là encore, il est décrié, mais il s’en fiche. « Oui c’était une télé-réalité, mais ça a été une aventure extraordinaire, dit-il. Pour moi, ça a été un moyen de dire que les gens qui travaillent avec leurs mains peuvent y arriver. » Une occasion, aussi et peut-être surtout, « de parler de boudin béarnais à 20h30 sur TF1. »

Le programme de Saveurs & Savoirs est ici

Thierry Allard

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