Publié il y a 9 mois - Mise à jour le 26.07.2023 - Boris de la Cruz - 6 min  - vu 7518 fois

LES HISTOIRES DE L'ÉTÉ Le tueur des Plantiers raconté par ses proches

Valentin Marcone, son épouse et sa fille 

- Photo DR

Chaque jeudi, la rédaction vous propose ses histoires de l'été. Cette semaine, découvrez les témoignages de l’épouse de Valentin Marcone, de sa mère et de son frère. Ils ont choisi Objectif Gard pour parler de celui que certains ont surnommé le Rambo des Cévennes. Ils apportent un témoignage intime sur celui qui a tenu en haleine la France entière après avoir tué son patron et son camarade de travail. Un article paru dans le numéro 75 d'Objectif Gard le Magazine, le 31 mai 2023. 

Ce drame a ému la France il y a tout juste deux ans. Sa fuite de plus de trois jours a été suivie en direct par les chaînes d’information en continu alors que des centaines de gendarmes le traquaient dans l’épaisse forêt cévenole. Ses proches affirment en chœur n’avoir rien vu arriver et, pire, ils se posent toujours beaucoup de questions sur ce passage à l’acte. Un homme « calme », selon ses proches, mais un homme qui a pris les armes pour exécuter deux personnes de son entourage professionnel. Valentin Marcone est écroué et mis en examen depuis deux ans pour les assassinats de son patron, Luc Teissonnière, 54 ans, et de son ancien collègue de travail Martial Guérin, 32 ans.

Causes inexpliquées

Pourquoi une telle tuerie ? « Il s’agit de gestes qui n’ont pas de sens », lâche, réservé, le jeune frère de Valentin Marcone en évoquant les homicides perpétrés par son grand frère. Lui, comme ses proches, n’arrivent pas à comprendre pourquoi Valentin, 29 ans en ce mois de mai 2021, va commettre l’irréparable dans la scierie où il travaille.

Le 11 mai est pourtant une journée comme les autres. Valentin Marcone arrive avec un peu d’avance comme tous les jours. « Il aime la ponctualité », souligne sa maman. A-t-il dit bonjour à ses camarades et son patron ? En tout cas le responsable de la scierie lui aurait fait la réflexion : « Tu ne dis pas bonjour aujourd’hui ? » Est-ce la raison futile des actes qui vont s’enchaîner ? Toujours est-il que quelques minutes plus tard, il abat son patron et son collègue de travail dans ce lieu si calme et paisible où seul le bruit des scies de l’entreprise rythme le temps. Valentin Marcone laissera la vie sauve à Vincent, le plus jeune dans la société... Ce dernier part en courant se cacher dans les bois alors qu’il a en tête les images du double meurtre perpétré sous ses yeux. Valentin fuira lui aussi pendant plusieurs jours et nuits. Il se terre dans cette montagne qu’il connaît bien.

« Deux ans après, nous en sommes toujours au même point sur les raisons du passage à l’acte », affirme maître Rémy Nougier, avocat des familles des victimes. « Un jour, il dit qu’il avait un contentieux sur des éventuelles heures supplémentaires. Une autre fois, il change de version et met en avant ce reproche concernant le bonjour. Les réponses qu’il donne sont insatisfaisantes. Les familles des victimes espèrent que la vérité éclatera à l’audience, qu’elles sauront enfin », tranche celui qui défend les parties civiles avec maître Isabelle Or-togosa-Lias.

Heures supplémentaires

« Il n’a jamais montré de la peur ou de la colère vis-à-vis de Luc et Martial. Il y avait juste cette histoire d’heures supplémentaires », estime l’épouse du tueur des Plantiers. « Le matin même du drame, on s’est croisé 15 minutes alors que je revenais du travail de nuit dans un Ehpad. Je lui ai dit de donner un doudou à notre fille qui pleurait - la vie banale d’une famille - sans que je ne puisse imaginer un seul instant ce qui allait se produire. Il était même plutôt détendu, il m’a simplement dit qu’il allait prendre une carte dans un syndicat », poursuit sa femme. Cette dernière voit partir son mari par les petits chemins de campagne vers la scierie où il travaille. Le retour sera rapide et la jeune femme, qui cajole dans ses bras la fillette du couple, aujourd’hui âgée de 3 ans, s’étonne. « Il m’a immédiatement dit : " j’ai fait une connerie, j’ai tué Luc et Martial », poursuit la jeune femme qui a l’impression à ce moment-là que le ciel tombe sur ses frêles épaules. « Après, il a mis sa veste de camouflage et pris une arme. Ma mère qui habite juste en dessous lui a dit : " tu ne pars pas comme ça ". Il lui a répondu : " laissez-moi tranquille, j’en ai marre ". Il était en état de choc », ajoute celle qui reste à ce jour encore son épouse.

Cavale dans la forêt 

Commence ensuite sa cavale pendant plus de trois jours dans les bois, dans des trous à sanglier. Les autorités retiennent leur souffle car le fugitif qui est traqué est capable de toucher une cible avec une extrême précision à plusieurs centaines de mètres. Il pratique le tir sportif. Il finira par se rendre, épuisé.

Aux Plantiers, c'est la consternation

« Il avait toujours envie de défendre tout le monde. Je lui disais mais ce n’est pas ton problème. Il ne supportait pas l’injustice, même quand elle concernait quelqu’un d’autre », affirme son épouse devant la maman du tueur qui acquiesce de la tête. Mais dans la vie de couple, « dans la vie familiale il n’y a jamais eu la moindre violence. C’est même moi qui l’engueulais parfois. Lui était calme, toujours d’égale humeur. Il se débrouillait très bien avec notre fille. C’était notre premier enfant et il savait faire les biberons. Il changeait notre fille, c’était un papa attentionné, il me filait même des complexes », se souvient la jeune femme.

Valentin Marcone, le tueur des Cévennes avec sa fillette. • Photo DR

« J’étais vraiment heureuse avec lui. Je suis passée du rêve au cauchemar », estime la compagne de Valentin qui serre fort leur petite fille qui a trouvé le sommeil dans les bras de sa maman. Elle l’emmène une fois par mois au parloir de la prison où se trouve Valentin Mar-cone. « Après le drame, j’ai ressenti une forme d’abandon. Il est parti dans la forêt en me laissant seule. » La maman de Valentin glisse qu’ « il a beaucoup souffert » de leur « séparation d'avec son père ». Elle essaie, en vain, de cacher une intense souffrance en sachant que son fils aîné est parti pour de longues années de détention.

« Il y a les victimes naturelles, les proches des hommes décédés ce jour-là dans la scierie, mais la famille et les proches de Valentin sont des victimes collatérales », estime maître Carmelo Vialette, un des avocats du tireur des Plantiers. « Aucune famille n’est à l’abri. Rien ni personne n’était capable de prévoir un tel drame de la part de ce garçon qui était un mari aimant, un père attentionné. Nous ne sommes pas dans des affaires de banditisme, de ce que les gens appellent des voyous. Non, Valentin n’était pas connu de la justice, il n’avait jamais fait parler de lui. Il était même plutôt très respectueux des règles, travailleur, sérieux dans tous les domaines. Cette affaire intrigue, interroge, car on ne comprend pas qu’un homme ordinaire qui n’a jamais fait parler de lui devienne d’un seul coup un tueur », enchaîne le pénaliste nîmois.

Signes précurseurs

Pourtant les signes étaient là. « Quelques semaines avant les faits, j’avais été surprise car il était parti avec un gilet pare-balle alors qu’il avait rendez-vous à la médecine du travail ! Je lui ai posé la question et il m’a répondu qu’il traversait la forêt et qu’il y avait des sangliers et des chasseurs », indique la jeune femme, encore interpellée par cette attitude. « Je pensais qu’il y avait quelque chose, qu’il avait peur, mais qu’il ne voulait pas m’en parler afin que je ne m’inquiète pas », complète la jeune maman. Il avait également installé un système de caméras de surveillance près de son domicile et il a été retrouvé chez lui une liste de personnes... S’agissait-il de ses ennemis, de gens à abattre ?

« En tout cas, il tue des gens qui ont de l’affection pour lui, c’est-à-dire son patron et son camarade de travail », tranche maître Rémy Nougier pour les parties civiles. Les experts psychiatres évoquent une altération du discernement. Sa maman évoque « un garçon dyslexique, dysgraphique depuis la plus petite enfance, qui a toujours travaillé plus que les autres pour y arriver et décrocher un BTS ». Elle explique qu’alors qu’il avait droit à des horaires aménagés pour passer les examens, il les refusait systématiquement afin de faire comme les autres. « Il ne m’a jamais mal parlé de son patron ou de son collègue. Il a toujours été respectueux. Je ne comprends pas », répète inlassablement la mère de Valentin Marcone. Le procès d’assises permettra-t-il d’avoir plus de certitudes sur cet énigmatique tueur ? La date n’est pas encore arrêtée. Il se tiendra probablement durant le premier trimestre 2024.

Boris de la Cruz

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