PORTRAIT DU DIMANCHE 70 ans après sa mort à Orsan, le lieutenant Rosar retrouve une histoire et un visage
Nous sommes le 15 juin 1944, il est 8h45. Un groupe d’avions de chasse américains décolle de la base de Lésina, en Italie, pour aller attaquer les infrastructures des terrains d’aviation de la région avignonnaise.
Le but est simple : affaiblir et désorganiser les allemands, et ainsi préparer au mieux le débarquement des alliés sur les côtes méditerranéennes. Arrivés dans la région d’Avignon, ils constatent que la plupart de leurs objectifs sont déjà atteints. Ils décident de se séparer en groupes de trois. L’un d’entre eux remonte la vallée du Rhône et aperçoit un convoi ferroviaire vers Orsan.
L'avion numéro 77 s'écrase sur une maison d'Orsan
Les trois avions vont alors faire une boucle au dessus de Laudun, puis se rapprocher du sol à grande vitesse pour pouvoir atteindre leur cible. Le premier avion est celui du lieutenant Joseph Rosar, 22 ans. Il porte le numéro 77.
Alors qu’il survole en rase-mottes à plus de 700 km/h le village d’Orsan, le jeune lieutenant ne voit pas la ligne électrique qui va lui barrer la route. Son avion est endommagé, l’aile arrachée. Devenu incontrôlable, l’engin se retourne et part s’encastrer dans une maison du centre du village. Ejecté, le lieutenant meurt après être venu s’écraser sur la façade de la maison voisine.
L’avion du lieutenant Reed, qui suivait de près, est lui aussi endommagé par la ligne, mais celui-ci aura le temps de reprendre de l’altitude avant de s’éjecter plus loin. Le troisième avion parviendra lui à mitrailler le convoi ferroviaire, sans qu’on connaisse le résultat de l’opération.
Pendant ce temps, tout le village qui se dirige vers la maison de la famille Ribière, sur laquelle s’est écrasé l’avion. Par miracle, aucune victime ne sera à déplorer. A l’époque, Juliette Chirron avait 13 ans, c’est sur sa maison que l’avion est tombé. Elle se souvient qu’après être rentrée de la messe elle a entendu « un gros bruit », celui des avions qui passaient. Elle décide de ressortir, et de se rendre chez sa voisine. C’est alors que s’est produit le crash qui a coûté la vie au soldat américain.
Un soldat presque inconnu pendant sept décennies
Un soldat qui est resté presque inconnu durant plus de 70 ans, malgré le fait que le village d’Orsan ait célébré sa mémoire en nommant un square de son nom et en lui érigeant une stèle. Le soldat sera d'abord appelé Rosa, et non Rosar, et présenté comme de nationalité canadienne. Il a fallu que le docteur Louis Friez, directeur général adjoint du Souvenir Français et Michel Benoît du comité du Souvenir de Sabran entament un véritable travail d’enquête en 2011 pour parvenir à en savoir plus sur ce soldat, avec l’aide précieuse et décisive d’une docteure de l’université St-Mary de San-Antonio au Texas Teresa Van Hoy, contactée grâce à leur collègue de l’académie de Lascours Gérard Mignard.
Teresa Van Hoy va alors proposer le cas Rosar à ses étudiants comme support pédagogique. Ainsi, un groupe de 9 étudiants vont travailler pendant deux mois pour retrouver la trace du soldat Rosar. Ils vont parvenir à retrouver sa famille, son portrait, sa tombe et des éléments permettant de mieux le connaître.
Né en 1922 à Scranton en Pennsylvanie, Joseph Rosar vient d’une famille d’origine allemande. Il a un petit frère, Edgar. Son père, Adolph Rosar, a participé à la première guerre mondiale avant de se porter volontaire pour la seconde. Sans doute considéré comme trop âgé, il ne sera pas retenu. Ce sera donc son fils Joseph qui ira combattre en Europe.
Il rejoindra les forces aériennes et deviendra pilote de chasse, affecté au 325e FG, 319th squadron. Il participera notamment à l’opération « Storch » en Afrique de Nord, avant de rejoindre l’Italie avec son escadron et de perdre la vie à Orsan le 15 juin 1944.
« On est honorés que vous ayez fait cet effort de devoir de mémoire »
Une histoire qui a beaucoup touché les étudiants américains, mais aussi et surtout la famille Rosar : « vous n’avez pas idée, toute une communauté a le village d’Orsan sur les lèvres, explique Teresa Van Hoy, de passage à Orsan cette semaine. On est étonnés et honorés que vous ayez fait cet effort de devoir de mémoire, on vous remercie de tout cœur. » Malheureusement Edgar Rosar est décédé en 2013, mais il reste deux nièces, elles aussi très touchées : « pour elles, c’est une grande chose, elles souhaitent faire venir leur neveu ici pour vous rencontrer », narre Teresa Van Hoy, qui les a rencontrées.
Depuis, le soldat Rosar a rejoint sa terre natale, et repose dans sa ville de Scranton. Les orsanais, qui honorent sa mémoire depuis 70 ans, pourront désormais mettre un visage et une histoire sur celui qu’ils considèrent comme un héros.
Thierry ALLARD
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