ÉDITORIAL Fusillade à Valdegour : le cri du coeur d'Ahmed pour son fils

La vie s'est arrêtée pour ce père de famille qui reste jour et nuit au chevet de son fils, l'une des victimes de la fusillade à Valdegour vendredi dernier.
- Photo ASCe père de famille forcément désemparé est aujourd'hui, tristement en colère.
Ahmed est un père ordinaire. Ce mardi, pourtant, sa vie pourrait basculer à tout jamais. Depuis 46 ans, il vit dans les quartiers nord de Nîmes. Vendredi soir, il était heureux de retrouver son fils. Ce dernier venait de terminer ses épreuves du Brevet à quelques encablures. Au téléphone, le fiston lui dit qu’il va rester un peu à l’extérieur avec ses amis afin de profiter de ces instants sacrés quand la fin de l’année scolaire approche à grands pas. Que le temps est si chaud, si calme. Mais rien ne va se passer comme Ahmed aurait pu l’imaginer. Il est comme nous tous. Il a souvent dans sa tête cette petite phrase qui raisonne : les drames n’arrivent qu’aux autres. Malheureusement, son gamin de 15 ans, sur le chemin du retour à la maison, va être l’une des victimes collatérales des tirs à l’arme lourde par des individus dont la vie ne compte pas beaucoup. Toujours recherchés, ils ont encore le temps de reproduire leurs méfaits. En attendant, vendredi soir, à leur arrivée sur place, les policiers n’ont pu que constater les défaillances de notre pacte républicain. Un pays fragilisé par la soif de liberté et l’assurance de sûretés. Face à eux, sept blessés par balles dont des gamins. Un mineur avec un pronostic vital engagé. Le fils d’Ahmed. Transporté en urgence au CHU de Nîmes, il a été pris en charge immédiatement. A subi déjà une opération. Et une autre, déterminante, aura lieu ce mardi. Ce père de famille forcément désemparé est aujourd'hui, tristement en colère. Difficile de lui en vouloir. Le ciel lui tombe sur la tête alors que lui, en plus de son activité professionnelle, consacre du temps et de l’énergie dans le monde associatif. Un engagement citoyen pour porter assistance à ceux qui se sentent abandonnés. Depuis vendredi, il le ressent jusque dans sa chair. Il reste digne. Mais n’accepte plus de s’enfermer dans le silence. Lors de l’échange avec notre rédaction, entre les pleurs et l’accablement, il veut rester debout. Pour son garçon. Pour les habitants de Valdegour, de Pissevin et de bien d’autres quartiers populaires en France qui ne réclament pas grand-chose finalement. Ces citoyens qui s’imaginent aujourd’hui de seconde zone ont pourtant des droits comme les autres. Même si on leur réclame souvent et uniquement des devoirs. Droit à la sécurité, à la considération, à la justice. Ahmed souhaite que le manège politique se transforme enfin en acte concret. Une force de sécurité permanente pour réellement démanteler ces trafics de drogue. Des services publics pour assurer autre chose que la misère sociale. Un changement radical de logiciel pour offrir un véritable avenir à ces minots qui ne croient plus aux promesses faites à leurs parents. L’aide vitale des acteurs publics, ce n’est pas que de l’argent. Les prochaines municipales offrent une occasion en or pour faire de Nîmes un laboratoire. Qui aura le cran ?