Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 19.08.2022 - pierre-havez - 4 min  - vu 26188 fois

TRIBUNAL « Vous n’étiez même pas ami, elle ne se souvient pas de vous. Alors, pourquoi elle ? »

Le palais de Justice de Nîmes (Photos illustration : Yannick Pons) - Yannick Pons

Nicolas, 25 ans, comparaît devant le tribunal judiciaire de Nîmes, mercredi 17 août 2022 pour avoir harcelé pendant plus de deux ans une vague connaissance de lycée à qui il avait à peine adressé la parole. L’inquiétant nîmois écope de 8 mois avec sursis.

Sans raison véritable, Nicolas n’a cessé d’harceler Julia entre 2019 et 2021, tentant de la contacter presque quotidiennement sur les réseaux sociaux, publiant sa photo ou son adresse en ligne, se faisant passer pour un ami auprès de ses proches afin d’obtenir les coordonnées de l’étudiante, et allant même jusqu’en bas de chez elle pour montrer qu’il l’a retrouvée…

C’est ce dernier épisode qui pousse finalement la mère de la victime à déposer plainte, le 3 septembre 2021, à la gendarmerie. Sa fille décrit alors deux ans de calvaire : envois répétés de message sur Facebook ou de photo d’elle sur Instagram, puis, une fois bloqué, mails envoyés jusque sur son adresse universitaire en Suisse. « Dans ces vidéos, vous chantez des chansons sur elle, puis vous fanfaronnez après votre premier rappel à la loi, jusqu’à ce que vos messages deviennent de plus en plus insultants et menaçants, fait remarquer la présidente Sophie Baudis. Pourtant, la victime assure ne pas vous connaître et n’avoir jamais été en couple avec vous. Vous ne vous êtes croisé qu’en 2013 au lycée, vous n’étiez même pas ami, et elle ne se souvient pas de vous. Alors, pourquoi elle ? »

« Après le décès de ma mère, je me suis senti seul avec le confinement »

Lunettes bleus, t-shirt blanc et jean foncé, Nicolas ne cesse de se gratter nerveusement le menton, le front ou le cou, ou repositionner ses lunettes sur son nez. « Je la trouvais charmante. Après le décès de ma mère, je me suis senti seul avec le confinement. Je voulais savoir si elle se souvenait de moi. », répond-il négligemment. La juge insiste. « Mais vous ne lâchez rien, même après une première garde à vue et un rappel à la loi. Votre victime a même dû demander un arrêt de travail ! », rétorque Sophie Baudis.

L’électricien intérimaire tente de faire amende honorable. « Je ne me rendais pas compte de mes actes, J’étais frustré, commence-t-il. Elle n’a pas aimé, ça l’a gonflé, c’est sûr. Mais maintenant je suis plus soft, je fais plus attention sur les réseaux sociaux. » Sa réponse fait tiquer la procureur Estelle Meyer. « Vous avez eu un autre rappel à la loi pour le harcèlement d’une fille qui allait dans la même auto-école que vous. Il y en a d’autres des victimes comme ça ? », intervient la magistrate. Les épaules du prévenu s’affaissent légèrement. « Oui, je lui ai envoyé des messages, tout ça, mais maintenant je fais attention », maintient-il, sans lever l’ambiguïté de sa réponse.

« Nico SS »

L’avocat de l’étudiante insiste sur le profil trouble de Nicolas. « Alors qu’il ne se sont jamais parlé, plus de six ans après l’avoir à peine croisée au lycée, il tente de prendre contact en disant qu’il vient la voir à Lausanne, insiste, puis, un an plus tard, il se fait passer pour un candidat à sa colocation pour se rendre chez elle, et en vient à lui écrire des messages d’extrême-droite de plus en plus gênant avec des ‘Heil Hitler’ et des menaces disant qu’il est armé, fait-il sévèrement remarquer. Il envoie tellement de mails sur sa boite universitaire que ses messages finissent en spam ! »

En tentant de comprendre qui est son harceleur, Julia découvre sur ses profil - dont l’un intitulé Nico SS - des propos antisémites, des vidéos où il mentionne être en garde à vue pour menaces de mort, des partages de sa photo à elle pour tenter d’obtenir ses coordonnées. Dans ses menaces, Nicolas promet de revenir chez elle « avec un groupe de 30 à 40 personnes », prétend avoir déjà tiré sur quelqu’un, l’accuse d’avoir « un côté juif » ou d’avoir « couché avec un noir », puis assure avoir pris contact avec des hommes d’extrême droite pour l’espionner. « Il est bien coutumier de ces faits, il y a aujourd’hui entre 11 et 15 plaintes à son encontre, conclut l’avocat. Il est resté sur les réseaux sociaux malgré le risque de réitération. Et récemment, il a sorti un marteau de son coffre car il avait simplement perdu un match amical de badminton contre une femme ! »

Interné après un match de badminton perdu

La procureure Estelle Meyer requiert 8 mois d’emprisonnement avec sursis contre le harceleur récidiviste, ainsi qu’une interdiction de paraître devant sa victime et une obligation de soin. « Il faut lui faire comprendre que le cyber harcèlement est un délit condamnable et puni d’emprisonnement, car il crée des conséquences importantes sur les victimes, justifie-t-elle. Il prétend qu’il ne se rendait pas compte, mais c’est faux. Il savait très bien car il y a déjà eu une garde à vue et un rappel à la loi, mais, malgré cela, il continue. »

L’avocate de Nicolas tente d’amadouer le tribunal, mais sa description n’est guère rassurante. « Mon client a été suivi par un psychologue dès ses 4 ans. À 11 ans, il reçoit un premier traitement psychiatrique. Il a une fragilité et des difficultés sociales depuis toujours. Je vais être franche : il n’a pas un ami, ses seules interactions sociales sont d’aller demander à des jeunes de jouer avec lui aux raquettes, quand il va seul à la plage, au Grau du Roi. Il n’a jamais eu de relation sexuelle. Et puis, sa mère a enchaîné quatre cancers dont elle a fini par mourir de manière horrible pour sa famille, pointe Caroline Greffier. C’est là qu’il perd pied, se rapproche des réseaux sociaux et du groupe les Brigandes, qui est aussi une secte. En déperdition, il ne prend plus son traitement et se retrouve dans un tel état qu’il pète les plombs après un banal entraînement de badminton, qui le conduit à être interné pendant une semaine. “contact étrange, discours non adapté, dangerosité élevée“, décrivent les médecins. Mais quand il prend son traitement, tout va bien, il se comporte bien ! »

Nicolas est condamné à une peine de 8 mois d’emprisonnement avec sursis assortie d’une interdiction de contact avec Julia et d’une obligation de soins pendant 3 ans.

Pierre Havez

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