Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 25.03.2022 - pierre-havez - 4 min  - vu 6748 fois

UZÈS Le dirigeant de société de transport condamné à 3 ans pour attouchement sur une jeune déficiente

Palais de justice Nîmes 8-9-2020 (photo Norman Jardin)

Le dirigeant d’une entreprise de taxis de Saint-Chaptes est condamné à 3 ans d'emprisonnement, dont un an avec sursis, pour agression sexuelle sur personne vulnérable, jeudi 24 mars par le tribunal judiciaire de Nîmes.

Le 19 septembre 2018, Jérôme, 53 ans, demande à une jeune déficiente de 19 ans, qu’il transporte habituellement entre son domicile et son école à Alès « de l’accompagner chez lui afin de l’aider à s’inscrire sur un site de rencontres. » Mais une fois arrivé, il lui propose un massage pour soigner sa scoliose, lui demande de se mettre en sous-vêtement, puis lui retire sa culotte et commence à lui caresser le sexe. Ne se sentant pas bien, la jeune femme lui demande finalement, en pleurs, d’arrêter pour rentrer chez elle.

« Peut-être par jalousie vis-à-vis de ma Ferrari »

Placé en garde-à-vue un mois plus tard, Jérôme assure n’avoir jamais participé à la scène, malgré la présence chez lui d’une table de massage, ou les descriptions précises par la victime de son logement ou d’une serviette « avec un lézard bleu »… Haute stature, allure sportive, crâne rasé et pull noir, le gérant de l’entreprise de transport maintient ses dénégations à l’audience. « Elle n’est jamais rentrée chez moi. Je ne comprends pas pourquoi elle me dénonce », se défend-il, d’abord. « C’est une accusation grave. Si ce n’est pas vrai, il doit y avoir un mobile ? », tente de comprendre le président. Le quinquagénaire enchaîne. « Peut-être pas pour elle, mais de sa mère, oui. Par jalousie vis-à-vis de ma nouvelle compagne, de ma situation, de ma Ferrari, ou pour de l’argent, avance le prévenu. Deux jours après les faits, elle a demandé un rendez-vous avec le maire d’Uzès, elle a appelé le conseil général du Gard et elle a tout balancé sur les réseaux sociaux. On le voit aujourd’hui avec tous ces compagnons qui sont dans la salle. Elle a mis beaucoup de pression ! »

« Il avait fermé la porte à clef »

Le père de 3 enfants, célibataire, prétend que la jeune fille a vu sa serviette dans son taxi, et la table de message sur son compte Instagram. « Je savais qu’elle avait des problèmes de vue ou pour se déplacer, mais en dehors de ça, pour moi, c’était une adolescente tout à fait normale ! », poursuit le prévenu.

Chemise blanche, cheveux châtain clair et foulard vert foncé serré comme un doudou dans sa main droite, celle-ci maintient toutes ces accusations, à la barre. « Je ne pouvais pas sortir de chez lui car il avait fermé la porte à clef. J’avais peur et j’ai toujours peur de lui », déclare-t-elle, d’une voix ferme. Élevée avec son frère par leur mère, depuis le décès de leur père d’une rupture d’anévrisme, la jeune fille suit des études de cuisine.

« J'étais toujours amoureux de ma femme »

Le procureur pointe les contradictions du chef d’entreprise. « Comment la victime savait-elle que votre inscription sur ce site de rencontre était localisée à Nîmes comme elle l’a déclaré, et pourquoi vous êtes-vous débarrassé de la table de massage dans un box puis de l’ordinateur dans le Gardon ? », questionne Philip Ughetto.

Le juge s’agace aussi de ces dénégations. « Vous êtes un garçon solide, vous allez tenir jusqu’à la fin de l’audience, ne vous inquiétez pas, lance Jean-Pierre Bandiera, alors que le prévenu s’énerve. Vous avez une idée du nombre de vos partenaires ? ». Le quinquagénaire réfléchit. « Entre 80 ou 90 depuis mon plus jeune âge, je dirais ». Le président le coupe. « Attention, vous allez dépasser la limite autorisée ! » Mais c’est Jérôme qui s’offusque. « J’ai travaillé 25 ans en boîte de nuit, je suis parti plusieurs mois en Afrique. Vous savez, en une soirée d’échangisme, on peut avoir 30 partenaires d’un coup ! », fait-il valoir. Déjà condamné à 3 ans pour agression sexuelle sur son ex-épouse, Jérôme est décrit par cette dernière et par d’autres partenaires comme un obsédé sexuel. « Elle m’en veut. J’aurais dû faire appel de cette décision mais je n’étais pas en état de me défendre à l’époque car j’étais toujours amoureux de ma femme », assure toujours le grand chauve.

« Elle a fait plusieurs tentatives de suicide »

« Il suffit de deux phrases pour constater que son âge n’est pas le sien. Alors qu’il ne nous fasse pas croire qu’il n’a pas perçu la vulnérabilité extrême de Léonie, développe l’avocate de la victime Coralie Gay. C’est toujours difficile pour elle de le voir. Mais elle a toujours maintenu la même version. Elle faisait confiance à cet homme qui la transportait chaque jour. Mais depuis ces violences sexuelles, elle est déstabilisée, apeurée : elle a fait des cauchemars, des crises d’angoisse et plusieurs tentatives de suicide. Il doit prendre conscience qu’il est responsable de cela. »

Le procureur demande cinq ans de prison avec mandat de dépôt contre le prévenu. « Il est fort en gueule, il a réponse à tout et retourne toujours la situation : un complot pour de l’argent, des accusations retorses, des ex-compagnes revanchardes, résume Philip Ughetto. Mais c’est un vicieux, manipulateur, narcissique. Il l’a attiré chez lui pour abuser d’elle avant d’essayer de se débarrasser des éléments compromettants et de retourner les faits contre elle. »

«On ne juge pas sur la morale »

« Elle est restée trois heures chez lui, a accepté de se faire masser puis caresser, alors qu’elle aurait pu partir n’importe quand, débute Carmelo Vialette, plaidant la relaxe. Mais elle ment sur l’agression car, au départ, à l’école, elle n’évoque qu’une proposition de massage et des caresses sur les fesses ! Puis elle a elle-même déclaré avoir menti à sa mère. Ce n’est pas parce qu’elle est vulnérable et innocente qu’il faut le condamner. On ne juge pas sur la morale ! »

Pierre Havez

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