Techniciens agricoles, chercheurs, responsables de programmes agroalimentaires (jusqu'à un agent de la métropole de Lyon), ou encore maraîchers sont venus mardi, sur les Terres de Roumassouze, s'enquérir de nouvelles expériences en agroforesterie. Mais aussi, pour certains, délivrer leurs propres retours du projet d'étude ALMANAC - pour "accompagner le maraîchage agroforestier par une nouvelle approche collaborative" - une "étude des caractéristiques, des trajectoires et de l’organisation du travail des systèmes maraîchers agroforestiers en Région PACA et dans les départements de la Drôme et du Gard", dont la société coopérative Agroof est partenaire. Sur les Terres de Roumassouze, à Vézénobres, dont elle assure désormais la destinée.
Parmi les ateliers proposés ce mardi, une restitution des suivis expérimentaux des cultures maraîchères. Et notamment de celles produites sur place, entre ces rangées d'arbres plantés tous les 25 mètres, déjà par Denis et Virginie Florès, qui exploitait précédemment les terres et s'était lancé dans l'agroforesterie avant même que ne commence sa collaboration avec Agroof, en 2014, à travers l'opération Arbratatouille (à retrouver ici).
Depuis la reprise des Terres par la SCOP Agroof, en 2023, la coopérative a intensifié sa recherche. "C'est un véritable projet de recherche et développement, présente Virginie Sanfelieu, chargée de communication pour Agroof, mené pour améliorer les pratiques et tirer des enseignements sur comment gérer les arbres". Dans la suite du projet Abratatouille, trois fermes pilote fournissent leurs retours d'expérience.
"Avec la présence des arbres, qu'est-ce qui change à votre avis ?", demande Camille Béral, ingénieure agronome chez Agroof, à un public de maraîchers, une élue de Barjac ou une animatrice du programme alimentaire de Montpellier. "Une compétition pour l'eau ou le soleil ; une baisse des températures et un effet sur le micro-climat", tentent deux participants.
"On tamponne les variations de température"
"On a créé différentes modalités d'agroforesterie", poursuit Camille Béral. Avec des parcelles réparties selon trois catégories : la parcelle témoin, sans arbre ni ombre, qui prend le soleil estival toute la journée ; des parcelles où les arbres qui abritent les cultures sont à peine élagués ; et des parcelles dites "têtards" avec une "ouverture de canopée un peu plus importante" et une taille des branches basses. Soit une perte inférieure à 40% de rayonnement pour ces parcelles-ci, quand les zones élaguées offrent un couvert de 60%.
"Où on réduit le rayonnement, on a une baisse des températures de 2 à 2,5°C, explique Camille Béral, et jusqu'à -4° les jours les plus chauds. L'humidité relative de l'air est aussi plus importante. On tamponne les variations de température, tout en réduisant la force du vent."
L'expérience a porté principalement sur la production de tomates et de pommes de terre. "On voit un décalage phénologique avec l'ombrage, détaille l'ingénieure agronome. La floraison et, parfois, l'arrivée à maturité sont plus tardives. Plus il y a de l'ombrage, plus les plantes vont monter, ce qui a un impact sur la façon dont on gère les cultures. Elles ont tendance à mettre en place un stratégie de compensation, elles s'étalent."
Avec une année sèche, en 2023, et une année "pas sèche du tout...", en 2024, les pommes de terre ont moins donné en zone ombragée, "en production brute". Côté tomates, "on a trié entre les différentes catégories, au physique. Finalement, plus il y avait d'ombre, moins il y avait de déchet. Aucun 'cracking' ou tâche."
L'INRA (institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) d'Avignon s'est occupé, ensuite, de tester les qualités gustatives des différentes tomates. "Plus il y a d'ombre, moins il y a de sucre et de vitamine C. Mais ce n'est constaté qu'au-delà de 40% d'ombrage", nuance Camille Béral. Une nuance de taille qui validerait donc la solution en "têtard", qui conserve les qualités du fruit sans en abîmer la texture. "Sans oublier qu'on a plus de plaisir à travailler à l'ombre en été..."