Publié il y a 9 mois - Mise à jour le 08.07.2023 - Corentin Migoule - 4 min  - vu 643 fois

ALÈS #Moneyforfree : un show déroutant où les billets tombent du ciel

MONEY FOR FREE

Tous les moyens sont bons pour décrocher le billet.

- Corentin Migoule

Le premier subversif #MoneyForFree de l'artiste norvégien John Fisherman, pensé comme une "intervention urbaine politico-poétique", a eu lieu ce vendredi soir à Alès. Au cours de cet happening déroutant qui questionne notre rapport à l'argent, plusieurs scènes cocasses, d'autres plus inquiétantes, se sont produites.

Il avait prévenu lors de sa présentation de la 24e édition à la presse, de ce festival Cratère Surfaces teinté catalan, les spectateurs ne ressortiront pas tout à fait indemnes. Au programme, celui jugé "le plus touchy" par Olivier Lataste, soit l'irrévérencieux #Moneyforfree de John Fisherman qui n'est autre qu'à ses yeux "l’artiste de rue le plus subversif de Catalogne"

Pensée comme une "intervention urbaine politico-poétique", la première représentation alésienne de cette création de l’artiste norvégien a eu lieu ce vendredi soir sur la place Saint-Jean. Une petite cinquantaine de personnes y a assisté et chacun a vécu le moment à sa façon. Il y a ceux qui, curieux mais chamboulés, ont suivi ça avec perspective en prenant du recul, et ceux qui étaient délibérement là pour jouer des coudes dans la mêlée avec l'espoir de décrocher un billet.

JOHN FISHERMAN
John Fisherman, l'homme "le plus subversif de Catalogne". • Corentin Migoule

C'était en effet la promesse des auteurs qui, par le biais de cet happening déroutant sous la forme d'un jeu proche de la téléréalité, souhaitaient faire réfléchir le public sur son rapport à l'argent et son éventuel asservissement. Peu après 19h donc, emmitouflé dans son imperméable jaune de pêcheur, John Fisherman faisait son apparition dans le ciel, plus exactement sur le toit d'un immeuble faisant face à la cathédrale Saint-Jean. 

Au bout de sa canne à pêche, l'artiste norvégien avait accroché un billet qu'il faisait descendre progressivement le long de la façade, jusqu'à qu'il soit à la portée des mains des spectateurs, lesquels n'ont été qu'une poignée à se mêler à la lutte. "À quoi pensez-vous quand on vous dit le mot 'argent'" ?", avait préalablement questionné le speaker, faisant circulé le micro dans le public.

Le premier billet de 20 € venait d'être raflé, que le second était déjà en route. "C'est du vrai", avait précisé son nouveau détenteur. Cette fois, la lutte devenait plus âpre, des hésitants de la première heure ayant décidé de rejoindre le groupe de participants. Au bout du fil, un billet de 50 € qui s'apprêtait à tomber dans les mains de Milan, lequel s'était grandi en se hissant sur les épaules d'un ami. "Que vas-tu faire avec cet argent ?", le questionna le speaker. "Partir en vacances et partager avec mes amis", répondit aussi sec l'adolescent, donnant l'impression d'avoir gagné le gros lot.

MONEY FOR FREE
Tous les moyens sont bons pour décrocher le billet. • Corentin Migoule

Dans le public, une dame se mit à réclamer des "règles" pour cadre le jeu. "Je propose que seuls ceux qui ne sont pas imposables puissent jouer", clama-t-elle. Par un vote, les spectateurs approuvèrent à la majorité. Se saisissant du micro, un retraité questionnait sur la provenance de l'argent : "Il est millionnaire le monsieur là-haut ?" Pas de réponse de la délégation catalane, continuant d'entretenir le mystère. 

Dans cet intervalle de temps, ce raffut n'est pas passé inaperçu auprès d'un jeune homme qui déboulait d'une rue voisine. "Je sors de 9 ans dans la rue, j'ai juste besoin de 20 balles pour faire mes courses", cria-t-il. Une intervention qui avait le mérite de libérer la parole. "Je touche 1 000 € pour deux enfants, j'ai besoin de cet argent aussi", hurla une mère de famille. 

Le malaise était créé, et certains participants présents uniquement pour le "jeu" se retirèrent aussitôt. Un troisième billet, d'une valeur de 100 €, commençait à descendre du ciel. Depuis son balcon, un habitant de l'immeuble muni d'un balai tenta de subtiliser le bout de papier vert. En contrebas, les "joueurs" avaient redoublé d'imagination pour maximiser leurs chances. Certains optaient pour la courte échelle, d'autres s'étaient carrément procurés on ne sait où des épuisettes. 

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Sixtine s'est montrée partageuse en divisant en cinq son billet de 100 euros. • Corentin Migoule

Avec un coup de poignet dont il a le secret, John Fisherman feintait les joueurs à plusieurs reprises. Pas Sixtine, une fillette d'une dizaine d'années qui arracha le billet avec une pince. Un dilemme allait être soumis à la grande "gagnante" du jour. "Tu as la possibilité de garder ce billet pour toi, de le transformer en deux billets de 50 €, en cinq billets de 20 € ou en dix billets de 10 €. Que choisis-tu ?", l'interrogea le speaker.

Comme dans un célèbre jeu télévisé présenté par Jean-Pierre Foucault où il était aussi question de gros sous, la fillette demanda l'avis du public, et en particulier celui de sa grande sœur. "J'ai un avis mais je ne veux pas le donner pour ne pas t'influencer", souffla-t-elle avec candeur. Après avoir pris le temps de la réflexion, sa cadette annonça sa décision : "Je vais échanger mon billet contre cinq billets de 20 €."

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Quelques spectateurs ont accompli un acte libérateur. • Corentin Migoule

Une fois son dû récupéré, Sixtine s'en alla donner un "bifton" au jeune homme ayant vécu dans la rue neuf ans durant, un autre à la maman et ses deux enfants, deux à des membres du public choisis au hasard, et garda le dernier pour elle afin de le "partager" avec sa sœur aînée. Elle fut chaudement applaudie. #Moneyforfree touchait à sa fin mais il fallait encore accomplir un acte "libérateur" : accrocher un billet au bout d'un ballon de baudruche jaune et le laisser s'envoler dans le ciel. Les candidats étaient tout à coup moins nombreux...

Dernière représentation de #Moneyforfree ce samedi soir, à 19h, rue Estienne d'Orves.

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