Il faut en parler tout de même : cette édition — à date, les chiffres définitifs n’étant connus qu’à la fin du Festival — verra 1 724 spectacles. « C’est plus que l’an dernier », pose Laurent Rochut, vice-président d’Avignon Festival & Compagnies (AF&C). Mais s’arrêter là serait un peu court : « C’est un indicateur d’une chose, que les spectacles viennent pour des durées plus courtes, puisque le nombre de levers de rideau est équivalent à l’an dernier », développe-t-il.

27 400 levers de rideau sont attendus. « On peut avoir trois spectacles sur trois semaines sur un créneau, il faut donc prendre le chiffre du nombre de spectacles avec des pincettes », estime Laurent Domingos, coprésident d’AF&C. En effet, 20 % des spectacles jouent moins de 10 jours sur les 22 que dure le festival. La raison est sans doute à chercher dans les portefeuilles des compagnies : « Nous faisons face à une austérité budgétaire sans précédent, les collectivités territoriales sont appelées à faire 2,5 milliards d’économies, or ce sont les principaux financeurs de la culture en France », diront Marie Hurault et Louis Carratini de la CGT Spectacle en ouverture de la conférence de presse. Et la situation financière des compagnies fait que « ce passage obligé du Off est de plus en plus périlleux, avec des loyers qui sont multipliés par 4 voire par 6, des tarifs de location de théâtre toujours chers », poursuivent-ils. Résultat : de plus en plus de compagnies mutualisent le risque en partageant les créneaux.

Bref, cette édition s’annonce foisonnante mais reflète l’inquiétude du monde du spectacle vivant. « Ce sera aussi un temps de résistance dans un contexte pas des plus simples pour la culture et les artistes », estimera la maire d’Avignon Cécile Helle. « Nous sommes très vigilants sur ces problématiques », affirme Laurent Domingos. « Notre rôle est d’accompagner les acteurs au travers de dispositifs et d’actions pour faire évoluer le modèle pour le rendre plus juste », poursuit le coprésident d’AF&C, Harold David. Notamment au travers d’un fonds de soutien à la création et à l’émergence des compagnies, « doté de 250 000 euros, un montant en hausse de 25 % entre 2024 et 2025 », précise-t-il. « Nous aidons 90 spectacles et 210 artistes cette année », rajoute Paolo Crocco, administrateur d’AF&C.

Un espace dédié aux familles

Il s’agit aussi de « favoriser la venue des publics dans les salles de spectacle », reprend Harold David. Notamment de la tranche d’âge 25-40 ans, « la moins représentée, car elle a des petits », avance Raymond Yana, secrétaire d’AF&C, dédié aux familles. Et ce, alors que le Festival Off est, « avec plus de 3 000 levers de rideau, le plus grand festival jeune public de France », avance-t-il. Alors, après la création du guide Tadamm il y a trois ans, pour répertorier les spectacles jeunesse, cette année verra le lancement d’un espace dédié aux familles, le Village Tadamm, au sein de l’école Simone-Veil, ancien lieu du Village du Off. « On va y proposer des jeux, des activités, des ateliers de médiation par les compagnies qui jouent dans le Off », pose Raymond Yana. Une carte Tadamm, destinée aux enfants jusqu’à 14 ans, est aussi proposée, avec de nombreux avantages.

Autre nouveauté importante : l’ouverture d’un point de vente physique Ticket’Off au Village du Off. « C’était beaucoup demandé par le public », commente Laurent Domingos, qui compte ainsi « améliorer la diversité des achats » par le public, 95 % des spectacles étant disponibles sur Ticket’Off, alors que le dispositif ne représente, à l’heure actuelle, que 20 % des billets vendus.

Cette année, le Festival Off aura le Brésil comme invité d’honneur, et ça se verra avec deux concerts sur les 23 proposés dans le cadre du Son du Off, le festival de musiques actuelles proposé depuis 2023, mais aussi avec la présence de 11 compagnies venues du Brésil et d’un week-end spécial les 5 et 6 juillet au Village du Off pour lancer le Festival.

Citons aussi la montée en puissance du Label’Off, lancé en 2024 avec l’idée de certifier les théâtres sur la base d’un cahier des charges. Cette année, 70 salles de 36 théâtres sont labellisées suite à des audits réalisés par un organisme indépendant. Elles seront signalées dans le programme.

Citons également les actions menées pour le développement durable, notamment le développement de l’action Le Off sur de bons rails lancée l’année dernière. L’idée est de transporter les décors des compagnies du Off par le biais de fret ferroviaire mutualisé depuis l’Île-de-France. 30 spectacles étaient concernés en 2024, ce qui a permis d’économiser 23 tonnes de CO2. « Aujourd’hui, nous en sommes à 74 compagnies, pour 89 spectacles, soit près de 60 tonnes de CO2 économisées », pose Marie-Claire Neveu, administratrice d’AF&C chargée de ces questions. Le Grand Avignon met à disposition des lieux de stockage, comme le rappellera son vice-président Claude Morel.

Avec tout ça on en oublierait presque de parler d’une autre nouveauté, qui peut passer pour une évidence mais qui, l’histoire l’a démontré, ne l’est pas : cette année, le Festival d’Avignon, le In, et le Off sont synchronisés. Le fruit « d’un travail de coopération », souligne Laurent Domingos, avec la volonté que « ce soit pérenne, nous pensons que c’est bien pour le public, pour l’ensemble des artistes, pour le territoire et pour la lisibilité des festivals. »