Publié il y a 5 h - Mise à jour le 24.05.2025 - François Desmeures - 5 min  - vu 1616 fois

FAIT DU JOUR À Alès, la Grand-Rue Jean-Moulin prend la couleur des végétaux

Anthony Talagrand est responsable des projets paysagers urbains de la ville d'Alès

- François Desmeures

Rénovation urbaine et entrée végétale. Alors que les travaux de restauration des immeubles et appartements avancent rapidement dans la Grand-Rue Jean-Moulin, les végétaux et leurs couleurs gagnent du terrain au sol. La mairie avait promis une "rue jardin", Anthony Talagrand, responsable des projets paysagers urbains de la ville, en explique le concept et détaille ses choix. Promenade entre un gingko-biloba et des pieds d'euphorbes. 

Anthony Talagrand est responsable des projets paysagers urbains de la ville d'Alès • François Desmeures

Au milieu des mètres-cube de béton de la Grand-Rue Jean-Moulin prend place un jardin. Le contraste est saisissant, désormais, entre ce qui a été bâti et ce qui est appelé à batifoler au sol, et qui a sérieusement pris du poil de la bête avec les pluies printanières et le soleil actuel. "Une rue jardin, c'est d'abord une rue où on désimperméabilise et où on implante des arbres, explique Anthony Talagrand, responsable des projets paysagers urbains de la ville d'Alès. Et on végétalise avec ce qui est adapté au climat." Ouvrir, égayer, ombrager étaient les impératifs pour faire baisser la température d'une rue minérale.

Le chantier a commencé par la fin et le bout de la Grand-Rue, avec des plantations dès mars 2024, en s'approchant du rond-point du quai Boissier-de-Sauvages. Et toute la conception végétale de la rue a été conçue en interne. Avec des choix forcément tranchés. "Proche des façades d'immeubles, on a planté des arbres fastigiés", détaille Anthony Talagrand. Ou colonnaires, ce qui veut dire qu'ils auront tendance à pousser verticalement, sans trop s'élargir, "sans grand houppier", assurant de l'ombre aux appartements sans désagrément végétal sur les terrasses. Comme des Liquidambar styracifolia fatigiata, "aux feuillages rose-orangé à l'automne".

L'une des espèces de chène, en rive gauche de la rue • François Desmeures

Ailleurs, on préfèrera une touffe importante, pour assurer l'ombre sur les têtes des passants, avec des arbres "en cépée", qui s'évasent mais montent moins. Comme le Paulownia "qui fait des feuilles grandioses et donne une floraison violet/bleu, avec un port énorme, et plus de feuillage l'hiver"

François Desmeures

La rue a été découpée en quatre secteurs, "pour que la vision se renouvelle à chaque croisement et offre une palette végétale différente. En rive gauche, notamment vers la fin de la rue, on verra beaucoup plus d'arbustes. Ici, on y passe à pied, alors il faut que ce soit vivant et sympa, argumente Anthony Talagrand. Côté voitures, c'est un peu plus grossier, mais c'est plus difficile pour l'entretien"

Un Tulbagia violacea • François Desmeures

En plus de penser aux bâtiments et déplacements, la conception paysagère a voulu varier les couleurs, les dates de floraison et les hauteurs afin que l'ensemble explose de vie et ne soit jamais totalement à l'arrêt. Tout en laissant la lumière pénétrer en hiver, car "tout ce qui est trop ombragé reste humide, gèle, etc." Raison pour laquelle, aussi, tous les arbres plantés sont à feuilles caduques. 

Un Phormium qui ne demande qu'à s'étendre • François Desmeures

Des années de participation, au plus haut niveau, au label Villes et villages fleuris a fait monter le niveau d'expertise des pépinières municipales en matière de plantes adaptées au climat. En clair, pour caricaturer, cela fait bien longtemps qu'on a troqué les géraniums pour des sauges et ajouté des graminées et plantes locales pour économiser de l'arrosage. La Grand-Rue Jean-Moulin va ainsi, aussi, servir de zone d'expérimentation. "On essaie d'acclimater certaines variétés, présente Anthony Talagrand. Comme des bulbines, qui craignent les trop fortes gelées. Alors, on les protège avec d'autres plantes, en sachant qu'on n'a pas de bâche au sol, uniquement des plaquettes de bois." Un "arbre-bouteille" australien doit aussi être expérimenté, le Brachychiton, "plutôt une plante du côté mer. Mais on l'essaie dans nos pépinières."

Un Phornium tenax purpureum, ou lin de Nouvelle-Zélande • François Desmeures

Au sol, les arbustes sont nombreux, mais conservent encore de l'espace entre eux. "On a en a planté entre 3 et 7 au mètre carré, confirme Anthony Talagrand. La densité est importante. Cela crée une micro-faune et évite de voir pousser l'herbe. Et cela assure beaucoup de biodiversité dedans, ainsi que tout ce qui fait la vie du sol." Dessous, l'arrosage est fait au goutte-à-goutte, toujours dans l'objectif d'économiser de l'eau.

Un Loropétalum chinensis • François Desmeures

Tout en décrivant les arbustes, Anthony Talagrand s'arrête : "On parle de rue jardin, on aurait presque pu dire "rue forêt", sourit-il. Nous en sommes à 140 arbres plantés, on va monter à 200. On a des arbres tous les cinq mètres, voire tous les dix mètres. Mais on n'a pas voulu d'arbres à trop fort développement, comme des micocouliers, des résineux ou des platanes." 

Le gazon, sur lequel les passants pourront marcher, offre un lieu de marche sous les arbres, dans quelques années • François Desmeures

Au sol, en revanche, une croissance rapide est la bienvenue, surtout si l'arbuste est en concurrence. "Tout ce qui est jaune ou panaché, c'est de l'euphorbe. Pas mal d'agapanthes assurent la floraison. On a aussi mis de la gaura, qui est une valeur sûre de la région et apporte du volume. Ou de la croscomia lucifer, qui ressemble aux glaïeuls en floraison estivale". Sur les 7 000 m² à traiter et à embellir, en plus de chercher à obtenir de la couleur toute l'année, le plan paysager a dû prendre en compte les ressources humaines, "dans le but d'avoir le moins d'interventions possible, car il faut qu'on soit en capacité de le gérer avec nos équipes. L'acanthe, par exemple, est envahissante, mais ce ne sera pas un problème dans une rue faite comme ça".

La variété des essences plantées offrira de la couleur toute l'année • François Desmeures

En plus de l'esthétique et du coloré, "on a aussi planté de l'odorant, poursuit Anthony Talagrand, voire du comestible avec de l'argousier ou de l'amélenchier, avec une fleur qui ressemble au lys". Selon l'emplacement dans la rue, les plantes varient aussi. "Ici, vers le bout de la rue, 100 % de ce qui a été planté, ce sont des vivaces. Plus bas, on va avoir 50 % de gazon et 50 % de vivaces."

Des euphorbes en nombre • François Desmeures

Dans la partie centrale de la Grand-Rue, le chargé de projet a pris le parti d'imposer "pas mal de chênes". Comme le Ruhbra, à l'angle des bâtiments "qui, dans cinq ans, fera une ombre fabuleuse". Ou, en rive gauche de la rue, le Quercus phellos, "qui va tirer côté immeuble". Si les châtaigniers ne survivent plus à Alès, des Quercus castanifolia, à feuilles de châtaigniers, habilleront quand même la rue. Des Evodia, ou arbres à miel, au feuillage très luisant donneront de l'oranger au cœur de la rue, en période hivernale. Vers la moitié de la rue, un gingko-biloba, arbre mythique, a même été planté. Des poiriers à fleurs, ou des albizia, rose ou chocolat (de la famille des mimosas) sortiront tour à tour leurs couleurs. Des "plantes de grand-mère", comme le solidago, ne poseront aucun problème d'adaptation.

Des Kniphofia, "hyper costaud, notamment sur terrain sec" • François Desmeures

Depuis les premières plantations, le service des espaces verts a aussi dû s'adapter aux aléas. "Nos plans de départ ont évolué, en fonction des réseaux, notamment. On a dû adapter le végétal au sol." Parfois avec des Cotinus, "qui sont hyper-costauds et ne s'entretiennent pas". Mais, parfois, l'espoir est aussi dans le sol. Comme au début de la rue, où les plantations n'ont pas encore eu lieu. "Sous l'ancienne voirie, on décape pour essayer de trouver le sol fertile." Car, au final, Anthony Talagrand a l'ambition que les racines des arbres retrouvent l'humidité du lit majeur du Gardon, à deux pas de la Grand-Rue (qui est, déjà, plus basse que les quais). 

En "rive droite", il n'y aura pas de gazon mais une végétation touffue en bordure de trottoir • François Desmeures

Fin juin, normalement, tout sera planté. Si les plantes ont longtemps été fournies par les pépinières municipales, elles le sont désormais par des prestataires privés. Et Anthony Talagrand surveille ses plants quotidiennement, lui qui en a déjà observé sur les balcons des immeubles alentour, sans pouvoir s'assurer qu'ils avaient été prélevés dans la rue. Il voit aussi des dégradations et quelques déchets abandonnés dans les végétaux. "Plus c'est beau, moins les gens aiment dégrader", prophétise-t-il en se disant que la rue va gagner, encore, en esthétique. Et puis, des bancs supplémentaires seront posés et quand la rue sera vraiment investie par ses habitants, la surveillance sera, en quelque sorte, assurée par le fait que la rue sera devenue un véritable lieu de vie, et non plus seulement de transit.

Dans la première partie de la rue, le sol a été creusé sous l'ancienne voirie, pour tenter de retrouver le lit majeur du Gardon et son limon • François Desmeures

Vers le milieu de la rue, la végétation est moins importante pour laisser place aux parkings • François Desmeures

Le terrain de boule, entre deux espâces végétalisés qui ont dû être décompactés à la main • François Desmeures

Des bancs ont déjà été installés, sous les arbres, entre les quais et la Grand-Rue Jean-Moulin • François Desmeures

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