Publié il y a 11 h - Mise à jour le 10.08.2025 - Anthony Maurin - 6 min  - vu 280 fois

GARD Comment les inondations et leur risque influent sur l’immobilier ?

Saint-Laurent-le-Minier après les inondations. (photo Baptiste Manzinali / Objectif Gard)

Les chercheurs Tristan Ancel et Thierry Kamionka évoquent effets du risque d’inondation sur la valeur foncière des maisons en France et donc dans le Gard.

Les inondations ont fait des dégâts dans le Gard (photo Norman Jardin)

Un préprint a été soumis en août 2024 à HAL, une archive ouverte pluridisciplinaire destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Un nouveau dépôt a été fait par Tristan Ancel, Thierry Kamionka et parle d’un sujet important dans la région, enfin, de deux sujets d’intérêt, les effets du risque d’inondation et la valeur foncière.

« Nous étudions l’incidence du risque d’inondation sur le prix des maisons en France à partir de données administratives géocodées. Le risque d’inondation est caractérisé par la localisation en zone inondable. Ces zones inondables sont délimitées dans le cadre du plan de prévention des risques naturels d’inondation. »

Un repère de crue à Nîmes Repère crue inondations Octobre 1988 (Photo Archives Anthony Maurin).

Les chercheurs prennent en compte le niveau de risque en fonction de la probabilité d’occurrence de l’aléa inondation (faible, moyen, élevé). Les données administratives fournissent les caractéristiques des biens vendus et sont enrichies par des informations sur l’environnement des transactions susceptibles d’avoir une incidence sur le prix de vente (équipements, distance au centre-ville, distance au trait de côte...).

« Nous modélisons les prix de ces biens immobiliers à l’aide de modèles hédoniques. Les données couvrent la période de 2019 à 2023 et permettent d’analyser les variations au cours du temps de l’effet du risque d’inondation. »

Les résultats attestent que la localisation en zone à risque fort d’inondation a une incidence négative significative sur le prix de transaction lorsque la zone géographique est le lieu d’inondations fréquentes ou qu’elle a connu récemment une inondation significative.

Saint-Laurent-le-Minier après les inondations de l'automne 2014. (photo Baptiste Manzinali / Objectif Gard)

« Les résultats attestent aussi d’un phénomène de mémoire imparfaite des inondations. Nous proposons un cadre théorique dans lequel l’individu révise son a priori sur la distribution du risque d’inondation à partir de l’historique des événements associés et qui permet de prendre en compte ces mécanismes de mémoire imparfaite. »

Concernant la présence des biens en zone inondable, nous sommes à 13,9 % dans le Gard (pour une moyenne nationale de 4,8 %). Par contre, si l’on parle des maisons situées en zone inondable avec un risque fort, on passe à et 1,4 % (contre 0,7 % en national).

La base de cette étude tient en partie sur la cartographie mettant en évidence les zones où le coût cumulé par habitant a été le plus élevé sur la période 1995-2019. Les départements littoraux se distinguent particulièrement, notamment le Gard, sur lequel les effets négatifs du risque d’inondation sur les prix immobiliers devraient vraisemblablement être plus prononcés. Cependant, l’étude d’autres départements pourrait également permettre de tirer d’autres conclusions importantes.

Les inondations à l'Ardoise le 3 décembre 2003 • Photo MaxPPP

Pour compléter cette carte, les chercheurs notent que Gard, département avec un nombre de communes où le coût cumulé par habitant est le plus élevé sur la période.

Le département du Gard est particulièrement exposé aux épisodes de pluies méditerranéennes, qui peuvent être très intenses et situés en zone « cévenole ». Ces pluies intenses peuvent entrainer des crues brutales en région montagneuse. En zones urbanisées, ces pluies intenses peuvent arriver à saturer les réseaux d’assainissement.

Une histoire de longue date

Le Gard reçoit entre 550 et 2 200 mm de pluie par an, souvent sous forme d’épisodes méditerranéens, des systèmes orageux violents qui sont caractérisés par des pluies diluviennes et des crues éclair. La région méditerranéenne se distingue également par ses bassins versants de petite taille, qui sont particulièrement susceptibles de déborder en cas de fortes pluies.

Saint-Laurent-le-Minier après les inondations. (photo Baptiste Manzinali / Objectif Gard)

« Ces phénomènes météorologiques augmentent donc le risque d’inondation pour les principaux cours d’eau du département, tels que le Gardon, la Cèze, le Vidourle, le Vistre-Rhôny, le Rhône, l’Ardèche et l’Hérault. De plus, le caractère soudain de ces précipitations rend difficile une anticipation efficace des risques à court terme. Les inondations dans le Gard sont principalement liées à son climat et aux pluies, mais le département est également exposé à d’autres risques. Sur la côte, il fait face au danger de submersion marine. »

En outre, la topographie accidentée et les pentes raides du Gard peuvent entraîner une érosion accrue des sols, ce qui peut réduire la capacité d’absorption des sols et augmenter le risque d’inondation par ruissellement. Enfin, l’urbanisation, en provoquant une imperméabilisation accrue des pentes et des défaillances dans les réseaux de drainage des eaux pluviales, aggrave considérablement la situation.

Saint-Laurent-le-Minier après les inondations. (photo Baptiste Manzinali / Objectif Gard)

« Au total, c’est 22,6 % du territoire gardois qui est situé en zone inondable, soit 112 500 km2 de surface. Environ 80 % des communes du Gard, soit 257 communes, sont couvertes par un plan de prévention des risques d’inondation : 226 par un PPRi récent, c’est-à-dire approuvé après 2008, et 31 communes par un PPRi plus ancien, approuvé avant 2008. » Ce PPRi récent se justifie, notamment, par l’inondation historique de 2002.

Les 8 et 9 septembre 2002, le Gard a connu des précipitations équivalentes à celles de huit à dix mois. Une telle inondation, la plus sévère observée depuis celle de 1958, a été caractérisée par une saturation des sols et des débordements violents des cours d’eau.

En tout, 299 des 353 communes du département ont été touchées, entraînant 23 décès et plus de 830 millions d’euros de dégâts. Cet événement a profondément marqué les Gardois, les amenant à adopter une appréciation du risque plus prévoyante.

Inondations au Cailar (photo Delta Victor)

« Les inondations récurrentes qui continuent de frapper la région ravivent constamment la mémoire de ces catastrophes. » Comme le souligne Christophe Perrin, Chef du service interministériel de défense et de protection civile du Gard : « Se souvenir du passé, c’est prendre en compte la réalité du présent et, plus encore, celle du futur. » (Préfecture du Gard, 2022).

« Le Gard est le département français où le coût cumulé par habitant dû aux inondations est le plus important : 38,8 % des communes ayant un coût moyen par habitant supérieur à 1 000 euros, la moyenne nationale étant à 4 %. Par ailleurs, 64,3 % des communes du Gard ont une fréquence moyenne des sinistres indemnisés par les assureurs pour le péril inondation supérieure à 5 ‰ et 34,2 % supérieure à 10 ‰, contre une moyenne nationale de respectivement 6,9 % et 2,7 %. »

Ainsi, le département du Gard est sujet à des inondations fréquentes et coûteuses. Cette situation met en évidence le contrecoup sévère et récurrent des inondations dans cette région, affectant fortement les biens assurés et entraînant des coûts élevés pour les habitants et les assureurs. Le Gard se distingue donc par une exposition et une vulnérabilité accrues face aux inondations, à la fois en termes de fréquence et de coût des sinistres.

« Dans le Gard, où la sensibilisation au risque d’inondation est particulièrement élevée en raison d’un historique marqué par de nombreux épisodes d’inondation, il est crucial d’évaluer comment ce risque influence l’achat de biens immobiliers. Il est donc vraisemblable que les maisons situées dans des zones à risque, surtout lorsqu’il est élevé, seront moins valorisées comparativement à celles situées en zones non inondables. »

Inondations à Vergèze. Droits réservés.

Les effets du risque d’inondation sur la valeur foncière des biens immobiliers dans le département, pour les années 2019 à 2023, sont élevés. Les niveaux de risque d’inondation sont classés en trois catégories : faible, moyen et fort.

L’analyse des résultats confirme l’hypothèse selon laquelle les agents adoptent une appréciation du prix proportionnelle au niveau de risque d’inondation. L’effet négatif mesuré de la présence en zone inondable est ainsi systématiquement plus important pour les biens en zones à risque fort.

Ainsi, la quantification croissante du risque d’inondation se traduit par une réduction proportionnellement plus marquée du prix des biens immobiliers, reflétant une sensibilisation accrue aux enjeux de sécurité ainsi qu’une anticipation des coûts futurs potentiels liés à ces risques. En revanche, les acheteurs ne considèrent pas le risque faible d’inondation, ce qui peut s’apparenter à une stratégie de prise de risque.

Les inondations ont causé beaucoup de dégâts dans le secteur d'Anduze et Valleraugue comme ce pont coupé à Saint-André-de-Majencoules (Photo archives SDIS du Gard)

Ce choix est justifié par un arbitrage subjectif de l’acquéreur qui estime que les avantages liés à la proximité d’un cours d’eau surpassent les coûts potentiels des sinistres. « Cette décision peut également s’expliquer par une propension au risque, bien que cela semble peu probable dans le contexte d’un achat immobilier. Alternativement, elle peut découler d’une perception biaisée des risques où les acheteurs, se basant uniquement sur le fait que cette zone a peu été touchée par les inondations dans un passé récent, concluent à tort que les risques d’inondation futurs seront également faibles. »

Pour le Gard, les résultats attestent d’un effet négatif et significatif du risque fort et moyen d’inondation pour chaque année. Le département est, en effet, particulièrement sujet aux épisodes de pluies méditerranéennes et ça se sait.

Tristan Ancel, Thierry Kamionka. Les effets du risque d’inondation sur la valeur foncière des maisons en France, 2024. « hal-04674515 » https://hal.science/hal-04674515v1.

Anthony Maurin

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