JUSTICE L’imam de Beaucaire condamné à huit mois de prison avec sursis
Ce jeudi 2 novembre, l’imam de Beaucaire a été condamné par le tribunal correctionnel de Nîmes pour "incitation à la haine et apologie du terrorisme" après avoir posté une publication sur Facebook.
Le prévenu, marié depuis 2012 et père de quatre enfants, est imam à la mosquée de Beaucaire depuis trois ans. Il a publié le 12 octobre sur Facebook le hadith suivant : “Vous combattrez les juifs et aurez le dessus sur eux de sorte que la pierre dira : ô musulman ! Voici un juif caché derrière moi, vous viendrez le tuer.” En revenant d’un pèlerinage à La Mecque, il a été interpellé à l’aéroport de Marignane dans la nuit de lundi à mardi. Par la suite, le trentenaire au casier judiciaire vierge, a été placé en détention provisoire en attendant d’être jugé en comparution immédiate.
Ce jeudi donc, devant le tribunal, le prévenu explique : “Si on regarde mes publications avant et après, j'ai toujours appelé à la paix, à l’union et à l’amour. Sur le moment, je n’ai vraiment pas vu d’incitation à la haine. Je suis contre toute forme de guerre. Les juifs, les chrétiens et les musulmans sont tous frères pour moi.” Pourtant, sur Facebook, une personne lui a fait remarquer sa publication déplacée. “J’ai pris conscience à ce moment-là qu’il y avait une ambiguïté donc je l’ai supprimé. Mais ça n’a pas marché et je ne m’en suis pas rendu compte”, se défend-il.
Le président l’interpelle : “La publication est explicite monsieur. Il est écrit : venez tuer un juif. On comprend mal comment vous n'avez pas vu le mal dans cette publication ?” Réponse : “Sur le coup je n’ai pas vu le mal, je me disais que c’était un récit de la fin des temps”. Dans le coran, la fin du monde est annoncée avec la guerre entre les juifs et les musulmans.
L’avocate maître Assor-Doukhan, représentante de l'association Organisation Juive Européenne, lui demande : “Quand on publie sur un réseau social, il faut donner le contexte afin de faire comprendre aux gens qui vous suivent et de ne pas inciter à la haine. Vous êtes imam depuis dix ans, vous avez quand même étudié les textes religieux, comment avez-vous mal compris ? Votre travail est justement de comprendre et d’enseigner ces textes”. Le prévenu répond : “Oui j’ai fait une erreur et l’erreur est humaine. Je suis contre toute forme de terrorisme. Je suis en tolérance totale, j’accepte toutes les religions, j’accepte les athées, j’accepte tout le monde. L’Islam est une religion qui impose la tolérance”.
Quatre témoins pour le prévenu
Quatre fidèles de la mosquée de Beaucaire sont venus témoigner au tribunal. L’un d’entre eux explique : “Un musulman comprend le contexte mais c’est vrai qu’un non-musulman peut penser qu’il faut tuer le juif. Nous, musulmans, on sait que ce hadith n’est pas une incitation à la haine”. Un autre avoue : “C’est vrai que c’est très maladroit d’avoir posté cela, surtout ces temps-ci. Mais ça fait trois ans que je le connais et je n’ai jamais entendu un seul propos antisémite de sa part”.
Le troisième témoin prend la parole : “Je suis président d’une association de culte musulman. Étant à Beaucaire depuis 1989, j’ai vu différents imams passer à la mosquée, des bons comme des mauvais. Ce jeune imam est arrivé avec un discours modéré de paix et d’amour”. Maître Assor-Doukhan intervient : “C’est un appel au meurtre après 1 400 juifs qui viennent de se faire tuer”. Un ami du prévenu indique : “On ne peut pas taper sur les doigts de quelqu'un qui a fait une erreur depuis des années”.
"Les mots peuvent être des armes"
Maître Assor-Doukhan reprend : “Il est considéré que cet homme promeut la paix mais pour des esprits faibles, ces messages peuvent faire passer à l’acte. C’est extrêmement grave. Cet homme est un vecteur de haine, ce que je vois aujourd’hui est un appel au meurtre. Quand on décide de publier, on doit prendre des responsabilités. Les mots peuvent être des armes.” Sa consoeur, maître Serfati-Chetrit qui lutte contre l’antémistisme révèle : “C’est bien de ramener quelques petits copains de la mosquée pour témoigner, mais aujourd’hui si on est là c'est parce que le préfet a été choqué. Quand on publie sur un réseau social, c’est pour passer un message. Et quand on fait passer un message de tuer les juifs, l’acte est grave et doit être puni."
Maître Foughar plaide pour le prévenu : “Appréhendez le dossier tel qu’il est et non pas tel qu’il devient médiatique. Un média a même fait de fausses accusations en annonçant que l’imam de Beaucaire cachait des armes, or c’est totalement faux.” Elle reprend fermement : “L’esprit de mon client n’est pas l’incitation à la haine, son état d’esprit n’est pas de heurter ou de créer une quelconque animosité envers les juifs. Mon client n’a pas de casier judiciaire, il est calme et bienveillant avec tous. Vous devez prendre en compte sa personnalité. Je vous demande donc la relaxe.” Le prévenu est finalement condamné à 8 mois de prison avec sursis et une interdiction d’exercer les fonctions d’imam durant un an.
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