L’événement était coché dans les agendas de certains comme la corrida goyesque d’Arles peut l’être. En ouverture de cette feria des Vendanges cuvée 2025, les arènes de Nîmes devaient devenir le théâtre d'un moment rare avec l’organisation d’une corrida lyrique célébrant les 150 ans de l'opéra Carmen de Georges Bizet.
« Un hommage vibrant à l'amour, à la passion et au culte du taureau, mêlant art lyrique, musique, danse, équestre et toreo dans un même élan de beauté et d'émotion » avait annoncé la direction des arènes.
Pour l’occasion, les 28 musiciens de l’orchestre Chicuelo II, sous la direction de Rudy Nazy, avaient la charge de jouer les plus grands airs de Bizet dans une interprétation envoûtante, accompagné de voix prestigieuses comme celles de la mezzo-soprano Valentine Lemercier, du baryton Frédéric Cornille et du ténor catalan Ignacio Encinas. Comme dans toute nouveauté, le décorum, imaginé par l'artiste nîmois Jules Milhau qui a lui-même réalisé l’affiche des ferias 2025, devait transformer la piste en une œuvre d'art éphémère et immersive. Même l’extérieur des arènes était décoré.
À l’intérieur ? Des chorégraphies par les ballets Las Estrellas del Sur, des numéros équestres de campo flamenco et les écuries Voltéo sans oublier les attelages camarguais de Christian Dubois ! Une scénographie signée Patrice Blanc, inspirée de la culture ibérique, devait sublimer l'ensemble.
Quel dommage d’avoir cependant sonorisé l’orchestre et les chanteurs, cela a cassé la fragile magie du moment… Tant que nous y sommes, un petit big up à la sécurité qui a réagi rapidement et dans les règles de l’art pendant un incident dont personne ne souhaite parler car mineur et sans importance aucune.
Premier en piste en bon chef de lidia qu’il est, Sébastien Castella prend les devants mais refuse de saluer comme les tendidos espéraient. Le torero français se fera une belle frayeur dès la réception de son Victoriano… Et hop, un recours, un coup de capote pour détourner l’attention et éviter la cornada alors qu’il est sans options à terre. Relevé par l’adrénaline, Castella se remet à genoux et c’est parti pour le feu ! Il poursuit l’effort à la faena mais le duel tombe en intensité. Silence après une faena qui est allée a menos.
Avec son second toro de Victoriano, le Biterrois coupera l’oreille des tendidos nîmois et du maire, Jean-Paul Fournier, qui a tenu à présider cette course spéciale, lui qui vit actuellement sa dernière feria en tant que premier édile de la cité des Antonin. Castella toujours aussi précis et précieux, inspiré par moments, piquant par d’autres. Le toro donne du fil à retordre mais l’opposant est plaisante. Oreille donc.
Alejandro Talavante se présente comme un des toreros du moment même si on le voit parfois moins enflammé qu’il y a quelques saisons. Moins ardent et un peu trop « facile ». Ici, il doit adopter une autre posture. Cette première sortie nîmoise se passera dans le calme et l’indifférence quasi absolus. C’en était même étonnant. Talavante n’a rien donné, les étagères non plus. Silence un peu gênant.
Il y a plus de 20 ans, alors qu’il se présentait dans l’amphithéâtre nîmois de novillero en juin, il y revenait pour une autre présentation en tant que matador de toros en septembre de la même année. Depuis, il est chez lui à Nîmes, les tendidos l’apprécient. Mais rieen à faire, peut-être que ce vendredi, son esprit est ailleurs. On verra quand même un peu Talavante toréer devant ce cornu plus complexe mais à la charge plus enthousiaste que son premier. Sans aucune architecture ni vision sur la série d’après, Talavante enchaîne quelques séries un peu fades. Silence encore.
Tomas Rufo est arrivé à Nîmes avec une toute petite carrière dans sa catégorie mais une histoire déjà bien remplie dans nos arènes. Il confirme son doctorat à Nîmes à Pentecôte 2022 et depuis il y triomphe avec brio, panache et sérieux. Premier toro pour lui et première oreille pardi ! Il touche un toro de belle tenue et aux qualités intéressantes pour le piéton qui sait s’en occuper. L’Espagnol parvient à reprendre le fil de la course et à le faire comprendre aux gradins qui s’en rendent compte. Il fait l’effort, y met les formes et le mouchoir blanc tombe du palco. Oreille.
Le natif de Talaveira de la Reina est le dernier piéton à fouler le sable de cette corrida Carmen La nuit est là depuis près d’une heure, les gradins sont bien garnis, la course n’a pas été exceptionnelle mais chacun en gardera un beau souvenir, une belle image et c’est l’essentiel ! Devant ce dernier de chez Victoriano, un bon qui boitillait en fin de duel, Rufo continue et prouve une fois de plus à Nîmes qu’il sait toréer de manière profonde et vraie, sans tricher, sans fausseté. Nouvelle oreille et sortie a hombros, seul par la porte des cuadrillas pour Tomas Rufo !
Rappel pour la corrida de demain, victime d’un sévère accrochage il y a quelques jours dans les arènes de Murcia, occasionnant de multiples fractures au niveau des côtes, José María Manzanares se retrouve dans l’incapacité de toréer cette corrida.
Il sera remplacé par le matador de toros sévillan Pablo Aguado, qui retrouvera les arènes de Nîmes après plusieurs années d’absence. Le torero andalou, auteur d’une temporada particulièrement aboutie, inédit dans le sud-est de la France en 2025, est revenu au meilleur de sa forme.
Son toreo épuré et profond aura de quoi ravir le public des arènes. Le cartel définitif est donc composé d’Andres Roca Rey, Pablo Aguado et Aaron Palacio qui prendra l’alternative devant des toros de Jandilla.