Au sommet de la colline de l’Hauture, sous l’enclos Saint-Césaire, un trésor archéologique sommeille. À priori, rien d’étonnant, on est à Arles. Sauf que ces vestiges-ci ont une valeur historique et religieuse unique. Ce sont ceux d’une cathédrale paléo-chrétienne, comparable par ses dimensions à la basilique Saint-Jean-de-Latran à Rome (100 mètres de long sur 65 mètres de large !). Un édifice hors norme, redécouvert à l’occasion du projet de médiapôle au début des années 2000. Les fouilles menées entre 2003 et 2014 avaient connu un retentissement médiatique considérable, notamment en raison de l’importance et de l’état de conservation exceptionnel des vestiges mis au jour. L’histoire aurait pu s’éteindre doucement sans l’obstination d’une Arlésienne : Magali Tavan.
Passionnée d’histoire et d’archéologie, amoureuse de sa ville, Magali Tavan a été bénévole sur les fouilles de l’enclos Saint-Césaire, entre 2010 et 2014. Et elle est tombée sous le charme de ce lieu chargé de 17 siècles d’histoire. "C’est comme un appel, une mission, confie-t-elle. Je me sens investie de la responsabilité de protéger et de faire connaître ce patrimoine." La cathédrale, l’une des plus grandes églises de Gaule, a été édifiée au IVᵉ siècle, puis reconstruite au VIᵉ siècle sous l’impulsion de Saint Césaire. Les fouilles, menées sous la direction de Marc Heijmans, avaient alors révélé un état de conservation remarquable : mosaïques colorées, sols en marbre, oratoires encore en élévation, et même du mobilier liturgique. "En Europe, seuls Trèves en Allemagne et Genève en Suisse abritent des édifices comparables", souligne Magali Tavan.
"Un concentré de l’histoire de l’architecture, de la France et du monde paléo-chrétien"
Pourtant, après la fin des fouilles en 2014, le site aurait pu retomber dans l’oubli. Magali Tavan, elle, n’a jamais lâché prise et n’a eu de cesse de se battre pour que l’histoire et la valeur patrimoniale du lieu soient connues de tous. Pendant dix ans, elle a méthodiquement écumé les archives communales et départementales. Elle a patiemment reconstitué l’histoire parfois mouvementée du site, des mosaïques colorées de la cathédrale du IVᵉ siècle aux actes notariés des bénédictines du Moyen Âge -- "chaque nom redécouvert dans les registres est une victoire contre l’oubli", glisse-t-elle --, en passant par les transformations du monastère en asile au XIXe siècle. "Ce lieu est un concentré de l’histoire de l’architecture, de la France, et du monde paléo-chrétien, insiste l'Arlésienne. Saint Césaire y a fondé son deuxième monastère (le premier était aux Alyscamps, Ndlr) et a écrit la première règle monastique destinée aux femmes en Gaule". Son engagement ne s’est pas limité aux archives. Magali a aussi investi son temps et ses ressources pour acquérir des œuvres, des gravures et des documents liés à l’enclos Saint-Césaire, rêvant de les exposer un jour dans un musée dédié. "Je me sens comme la gardienne de ce lieu", explique-t-elle.
Après des années de travail en solitaire, sa rencontre en 2024 avec David Sève, un autre bénévole des fouilles, a marqué un tournant. Ensemble, ils ont réussi à mobiliser Marc Heijmans et le Comité d’intérêt de quartier de l’Hauture. Déjà, des visites organisées dans le cadre du CIQ et en compagnie de l'archéologue qui avait dirigé les fouilles, ont pu avoir lieu à certaines occasions. Cette dynamique collective a permis d'obtenir le soutien de la mairie d'Arles.
Aujourd'hui le résultat se fait plus concret encore : un point d’information, mis à disposition par la Ville, ouvre ses portes ce samedi 18 octobre. Ce lieu, tenu chaque deuxième et troisième week-end du mois par Magali et David, offrira au public une première immersion dans l’histoire de ce trésor archéologique trop longtemps méconnu. Des panneaux illustrés y retraceront l’épopée des fouilles et l’importance historique de la cathédrale. Pour Magali, cette ouverture est "un pas de géant", mais aussi le début d’une nouvelle aventure : transformer ce site en un lieu de mémoire vivant, à la hauteur de son histoire exceptionnelle. "Il mérite d’être connu, insiste-t-elle. Il est unique en Provence, en France, et presque en Europe."
Magali Tavan ne cache pas ses ambitions pour l’avenir : "Si un musée voyait le jour, ce serait l’apothéose." Elle imagine déjà des salles d’exposition au rez-de-chaussée, la reprise des fouilles, et une transmission de cette histoire hors du commun. Pour l’heure, le point d’information ouvre ses portes, offrant une nouvelle visibilité à ce trésor patrimonial. "C’est un début, conclut-elle. Mais chaque pas compte."
Infos pratiques : le point d’information sur la cathédrale paléo-chrétienne de l’enclos Saint-Césaire sera ouvert chaque deuxième et troisième week-end du mois, de 10h à 12h et de 14h à 17h. Entrée par le médiapôle Saint-Césaire.