Publié il y a 27 jours - Mise à jour le 15.11.2024 - Stéphanie Marin - 5 min  - vu 378 fois

ARLES Un cadeau empoisonné pour les 40 ans du CIDFF

Les membres du CIDFF soufflent les bougies du 40 ème anniversaire de l'association.

Les membres du CIDFF soufflent les bougies du 40 ème anniversaire de l'association.

- Louise Gal

Les associations et salariés du secteur sanitaire, social et médico-social privé ont gagné une bataille le 6 août dernier, date à laquelle le gouvernement démissionnaire a acté l'extension de la prime Ségur. Une victoire "en demi teinte" puisque la compensation financière de la part de l’État est la grande absente dans ce projet. 

Le Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF) Pays d'Arles a soufflé ce vendredi 15 novembre ses 40 bougies à l'espace Van-Gogh. Une fête nécessaire pour faire connaître les différentes actions menées par l'équipe de l'association dirigée par Vanessa Garouche. Comme les 97 autres CIDFF répartis dans toute la France coordonnés par des fédérations régionales et une fédération nationale, l'entité arlésienne propose une prise en charge globale des femmes victimes de violences, avec notamment un soutien psychologique, une information juridique et une insertion socio-professionnelle. Elle anime également des formations auprès de professionnels, assure des interventions de sensibilisation et de prévention dans les écoles, collèges et lycées, organise des événements notamment les 8 mars et 25 novembre. "Le travail de terrain effectué par nos équipes est invisible et pourtant il a contribué à faire évoluer les mentalités", indique la directrice.

Les membres du CIDFF soufflent les bougies du 40 ème anniversaire de l'association.
Les membres du CIDFF soufflent les bougies du 40 ème anniversaire de l'association. • Louise Gal

Violences conjugales

Le nombre de victimes déclarées de violences conjugales, en très grande majorité des femmes, s'élève à 271 000 en 2023. Soit une hausse de 10% par rapport à 2022.

Vanessa Garouche, juriste de formation, a rejoint le CIDFF Pays d'Arles il y a 18 ans. "À cette époque, le sujet des violences conjugales n'était pas la priorité, ce n'était pas considéré comme un fait de société mais comme un problème relevant de la sphère privée, un problème de personnes. Les mentalités ont évolué depuis, avec toutefois des points de vigilance car on se rend bien compte qu’il y a encore une différence de traitement en fonction de qui est l’agresseur, notamment les personnes médiatiques, souligne-t-elle. Il faut laisser le temps à la justice de faire son travail mais ne pas jeter le discrédit sur les victimes qui libèrent la parole."

Vanessa Garouche, directrice du CIDFF d'Arles. • S.Ma

Au fil des années, les CIDFF et donc celui du Pays Arles, se sont professionnalisés, "la détection et l'accompagnement de victimes nécessitent de vraies compétences, on ne peut pas faire n'importe quoi." De même que pour informer tous les publics de manière inconditionnelle, mission également attribuée à ces équipes. Plusieurs outils de prévention et dispositifs d'aide ont été développés à l'échelle nationale spontanément ou à l'issue du Grenelle contre les violences conjugales comme le violentomètre ou le Pack nouveau départ et l'aide d'urgence. Au niveau régional, un violentomètre économique, car exercer un contrôle financier permanent sur autrui relève d'un acte violent tout autant et pourtant encore plus méconnue que la manipulation psychologique. À l'échelle locale, des fiches réflexes ont été éditées à destination des victimes et des professionnels, le fruit d'un travail mené par le réseau Vif (Violences intrafamiliales) animé par le CIDFF avec ses partenaires dont la Maison départementale des solidarités, la Caisse d'allocations familiales, la gendarmerie, la police, l’hôpital etc. 

Du chemin reste à faire encore, Vanessa Garouche pense notamment à la création d'audiences spécialisées dans les tribunaux, à améliorer la prise en charge des enfants etc. Les réflexions sont engagées. Mais encore faut-il que les CIDFF, agréés par l'État, en aient les moyens. À Arles, la subvention de l'État n'a pas bougé d'un iota pendant 20 ans, soit 17 000€, avant d'être réévaluée en 2024 pour atteindre 51 000€. "Et notre ministère a été le plus impacté, au prorata de son budget, lors de la dernière loi finance", rappelle la directrice arlésienne. S'ajoute un nouveau coup de massue, qui a failli remettre en cause la petite fête du 40ième anniversaire du CIDFF Pays d'Arles.

Le CIDFF Pays d'Arles prêt à déménager

Installé dans des locaux prêtés par la ville d'Arles, le long du boulevard Émile-Zola, le CIDFF travaille sur un projet de déménagement depuis trois ans. Le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône envisage de mettre des locaux inoccupés de 300m2  à la disposition de l'association et ainsi de lui permettre de créer la Maison Gisèle Halimi.

"C'était pourtant une bonne nouvelle à la base." Car le 6 août dernier, le gouvernement démissionnaire a acté l'extension de la prime Ségur aux salariés du secteur sanitaire, social et médicosocial privé. "Ces revalorisations de salaires étaient nécessaires et attendues dans un secteur où les salariés, en très grande majorité des femmes, exercent des métiers difficiles et mal rémunérés"déclare Danielle Bousquet, présidente de la Fédération nationale des CIDFF, dans un communiqué. Mais, parce qu'il y a un mais.

"L’État a pris cette décision sans anticiper sa mise en œuvre, qui ne figure pas dans le projet de loi de finances pour 2025." Les associations doivent donc financer elles-mêmes ces revalorisations de salaires, soit 238€ brut par mois et par salariés. "Pour nous ça représente 50 000€ à l’année, soit + de 15% du budget annuel", s'inquiète Vanessa Garouche. Pour 2024, l'effet rétroactif n'ayant pas été retenu, cette charge non prévue est estimée à 20 000€. "Mais avec 50 000€ à trouver en 2025, alors qu'on annonce des restrictions budgétaires, on ne sait pas si on tiendra à moyen ou à long terme. À l’heure où je vous parle, il y a des CIDFF qui potentiellement vont fermer avant la fin de l’année.

"Nous sommes aujourd’hui obligés d’en appeler à la solidarité"

Ce qui bien sûr aurait des conséquences graves pour les femmes victimes de violences accompagnées par le réseau des CIDFF. À Arles, par an, entre 4 000 et 5 000 personnes sollicitent les services de l'association, environ 300 victimes sont accompagnées, 2 000 personnes sont informées sur leurs droits et plus de 10 000 participent à des actions de prévention et de sensibilisation ou à des formations. Nous sommes aujourd’hui obligés d’en appeler à la solidarité de chacune et chacun pour soutenir nos associations et éviter à tout prix des fermetures, qui provoqueraient l’apparition de zones blanches de l’accès aux droits, particulièrement préjudiciables pour les femmes et pour les publics les plus vulnérables”, ajoute Clémence Pajot, directrice générale de la Fédération nationale des CIDFF. Vanessa Garouche réfléchit à lancer de son côté une cagnotte. Un courrier sera également adressé à chaque financeur du CIDFF Pays d'Arles "pour les alerter de la situation et pour qu’ils nous aident".

À l'agenda

Samedi 23 novembre à 15h30 : À l'occasion de la journée de la lutte contre les violences faites aux femmes du 25 novembre, une manifestation est organisée par le Collectif féministe d'Arles, au kiosque, bouelvard des Lices.

Mardi 26 novembre à 20h30 : Le café des langues arlésien présente "L'Affaire Nevenka", un film de Iciar Bollain au cinéma Le Méjan. Une soirée-débat co-animée par le CIDFF Pays d'Arles.

Lundi 2 décembre à 18h : Le CIDFF Pays d'Arles présente "Quitter la nuit" de Delphine Girard au cinéma Le Méjan.

40 ans du CIDFF d'Arles.
Création de pancartes par les enfants et les adultes pour les 40 ans du CIDFF d'Arles. • Louise Gal
Un mur d'expression. • Louise Gal
40 ans CIDFF Arles
"Je suis quand même assez triste car cet anniversaire veut dire que nous avons encore du boulot", rappelle la présidente Cédrine Raybaud. • Louise Gal

Stéphanie Marin

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