"Les activités liées aux jeux taurins ne pourront plus être assurées par Groupama Méditerranée à compter de 2026." Le courrier recommandé a été envoyé cette semaine aux manadiers, officialisant ainsi le désengagement de Groupama Méditerannée. Une décision - elle concerne seulement les spectacles dans les rues - qui fait suite à une hausse des accidents (quatre mortels cet été dans le Gard et les Bouches-du-Rhône) et à des comportements irresponsables de certains spectateurs lors d'abrivados, d'encierros et de bandidos. "Nous constatons, année après année, que l'assurance des jeux taurins est structurellement déficitaire", indique Jean-Jacques Poujol, secrétaire général Groupama Méditerranée. Le montant des sinistres s'élève à "5,7 M€ ces trois dernières années", principalement dans le Gard, le nord des Bouches-du-Rhône et l'est de l'Hérault.
"Le sujet est depuis très longtemps sur la table, poursuit Jean-Jacques Poujol. Des efforts ont été faits en partenariat avec la Fédération des manadiers, on a mis en place des actions de prévention, une charte de bonnes pratiques, le préfet du Gard a pris des arrêtés... Mais ça reste insuffisant vis-à-vis de la loi." À savoir qu'en cas d'accident, la responsabilité des manadiers est engagée sur le fondement de l'article 1243 du code civil : "le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé."
Le député UDR de l'Hérault, Charles Alloncle et les députés RN du Gard et des Bouches-du-Rhône, Nicolas Meizonnet et Emmanuel Taché (*), ont déposé une proposition de loi visant à modifier le régime de responsabilité applicable en matière de fêtes traditionnelles camarguaises le 10 juin dernier. Au mois de mars, le sénateur Laurent Burgoa avait adressé un courrier à la ministre de l’Agriculture, réclamant une loi sur les manadiers. "Si une réforme législative venait à réduire significativement la responsabilité des manadiers, à ce moment-là, Groupama Méditerranée pourrait réévaluer sa position", indique le représentant de l'assurance.
Au-delà du cadre législatif, c'est un travail de fond qui doit être mené pour garantir la pérennité et la sécurité des abrivados, bandidos, encierros. "On a trop laissé faire, il faut mettre fin aux dérives, fustige Renaud Vinuesa, manadier au Cailar. Les fumigènes, par exemple, n'ont pas leur place sur les parcours. C'est dangereux." L'homme, à la tête d'un cheptel de 200 taureaux et 70 chevaux, a lui aussi reçu le courrier de Groupama. Ses bêtes ne courent que trois abrivados par an, "mais le problème reste le même". "Je ne vois pas une assurance me faire un contrat juste pour les jeux taurins, j'ai deux mois pour trouver une assurance, refaire tous les contrats...", s'agace-t-il, inquiet de se voir retirer la licence de la Fédération française de la course camarguaise. Pour une manade comme Lescot, arrêter les jeux taurins, lesquels constituent une très grande partie de son activité, engendrerait une perte de revenus estimée entre 90 000 et 100 000 €. Déjà, sur les réseaux sociaux, les messages de soutien aux manadiers se multiplient, certains appelant même à résilier leur contrat d'assurance auprès de Groupama.
Une réunion en préfecture du Gard
Une réunion se tiendra à la préfecture du Gard à Nîmes ce vendredi 7 novembre, après-midi, en présence des représentants de l'État, de la Fédération des manadiers, de l'Association interprofessionnelle de l’assurance en Méditerranée, de Groupama Méditerranée. Certains laissent entendre qu'une solution pourrait y être proposée.
*Les trois parlementaires prévoient d'organiser les Assises des manadiers au tout début du mois de décembre.
