Publié il y a 4 mois - Mise à jour le 22.12.2023 - Propos recueillis par Thierry Allard - 7 min  - vu 1477 fois

FAIT DU SOIR Claire Lapeyronie, maire de Pont-Saint-Esprit : « La crise au conseil municipal était un mal nécessaire »

La maire de Pont-Saint-Esprit Claire Lapeyronie

- Photo : Thierry Allard

Près de deux mois après l’éclatement d’une crise politique majeure au sein du conseil municipal de Pont-Saint-Esprit, qui a vu quatre adjoints et une conseillère municipale être débarqués, la maire Claire Lapeyronie s’exprime.

L’élue donne sa vérité sur les événements qui secouent son équipe depuis début novembre, et parle aussi sécurité ou encore propreté, notamment de la mise en place chaotique de la redevance incitative. Interview.

Objectif Gard : Démarrons par la crise politique ouverte il y a quelques semaines à Pont-Saint-Esprit, avec le renvoi de quatre adjoints et une conseillère municipale. Comment expliquez-vous ce qu’il s’est passé ? Vu de l’extérieur, ça a été assez soudain.

Claire Lapeyronie : Vu de l’intérieur, ce n’était pas si soudain que ça. Depuis de nombreux mois, j’avais une partie de ces dissidents qui n’étaient plus dans la ligne de la majorité, sur plusieurs sujets. J’ai fait plusieurs appels, des recadrages pour leur dire qu’en politique soit on est dans la majorité, soit on est dans l’opposition. Je n’ai pas été entendue, j’ai pris mes responsabilités. On était arrivés dans une situation de non-retour, malgré mes rappels à l’ordre.

Ce n’étaient pas que des désaccords sur la ligne…

Alors il y avait des désaccords sur la ligne, qui aboutissaient finalement en interne à de l’immobilisme. Concrètement, quand on avait une réunion de majorité, qu’on partait sur une option en disant ce sera blanc, et que deux jours après il y avait un de ces adjoints qui allaient voir les services pour leur dire que ce serait noir, il y avait une désorganisation interne qui faisait que la collectivité en pâtissait. Quand on est aux manettes, le but c’est que ça avance. Là on faisait un pas en avant, deux pas en arrière, ce n’était plus possible. Et depuis un an et demi venait sur la table la tête du DGS (le directeur général des services, NDLR). Or, dans une collectivité territoriale, le binôme DGS-maire est un couple essentiel. J’ai toujours accordé ma confiance au DGS, et je pense qu’à un moment il faut se poser les bonnes questions. À Pont-Saint-Esprit, on a eu un turnover de DGS faramineux, quatre en dix ans. Si ça ne va pas, certains élus doivent se remettre en question. C’étaient des dysfonctionnements administratifs et politiques, je ne voulais pas continuer à porter ça.

Entre temps, la « bande des cinq » est devenue celle des huit au dernier conseil municipal, craignez-vous qu’ils soient plus nombreux au prochain ?

Les cinq étaient la base de départ, les trois autres conseillers municipaux, je les ai reçus après le conseil du 3 novembre, je leur ai laissé un temps de réflexion. Un des ces élus me disait vouloir continuer le vendredi, puis trois jours après a suivi les dissidents. Ils ont fait leur choix, ils ont choisi leur camp, et maintenant j’ai huit dissidents. Mais tous ces événements ont permis de resserrer mon équipe, elle est plus soudée que jamais, les personnes qui restent sont là, comme moi, pour avancer pour le territoire, pour les spiripontains. Maintenant on est en sérénité, j’ai des élus qui me disent que « maintenant, on peut parler ». En parallèle, une réorganisation est en cours, on a tous les moyens pour bien avancer pour Pont-Saint-Esprit. C’est un mal nécessaire, que j’assume complètement. Certains ont trahi la loyauté, cette confiance.

Ça n’a pas dû être facile, certains que vous connaissiez depuis longtemps devaient être des amis.

Oui, bien sûr qu’il y a de l’affectif, mais ce qui prime c’est l’intérêt général, des spiripontains. Et quand je vois le niveau d’invectives qui peut se produire maintenant au sein du conseil municipal, ce niveau de haine même de certains de ces dissidents, je me dis que j’ai bien fait de faire ça. Et il ne faudra pas compter sur moi pour faire de la politique de caniveau.

On a le sentiment que l’opposition s’est déplacée, et on entend plutôt ces dissidents. Est-ce que vous partagez ce sentiment que l’opposition a changé de camp ?

J'ai lancé un appel lors des deux derniers conseils municipaux : on est tous élus, il nous faut travailler de manière constructive. Ce que je vois, j’espère fortement que ça va changer, c’est que les dissidents sont dans une posture pas du tout constructive, ils tapent sur les élus de la majorité dont ils faisaient partie il y a encore deux mois, on partage le même bilan. Je constate que la posture constructive ne vient pas du groupe des dissidents.

Ça tient comme ça jusqu’à 2026 ?

On verra.

Il y en a un qui attend au coin de la rue, c’est le député Pierre Meurin, et le RN derrière lui.

Oui, mais là il faudrait qu’il y ait des élections anticipées, ce n’est pas le cas, il y a des règles. Le mandat confié à la majorité est de six ans et je suis déterminée à respecter ce contrat de confiance. Ce qui est sûr, c’est que ce jeu-là fait le lit du RN. Tout ce charivari que certains ont provoqué, car ce sont les dissidents qui ont provoqué cette situation, ne met pas en valeur la chose politique. Que le RN soit aux aguets, il suffit de voir les scores à Pont et dans le Gard. À nous de prouver, et c’est pour ça que maintenant il faut de la sérénité et de la stabilité, que l’équipe en place est au service des spiripontains et déroule sa feuille de route.

Un sujet qui intéresse beaucoup vos administrés, la sécurité. Quelques jours avant le déclenchement de cette crise politique, il y a eu un double meurtre à l’arme automatique en centre-ville, sur les allées. Y a-t-il un problème de sécurité à Pont-Saint-Esprit ?

Ces événements ont été catastrophiques. Il y a des faits de délinquance, il ne faut pas le nier, mais les statistiques ne sont pas en augmentation. Il y a un sentiment d’insécurité, mais encore une fois, dans les indicateurs il n’y a pas plus d’insécurité qu’ailleurs. Il y a du ressenti, ici on est dans le couloir Lyon-Marseille où il y a de la délinquance itinérante. Ce qui est certain c’est que ce règlement de compte venait du Vaucluse, d’Orange, et s’est fait là. Je fais confiance au travail commun entre la gendarmerie et la police municipale. Quand vous écoutez les gendarmes, à Pont-Saint-Esprit, on est sur une posture de réassurance. Dans la sémantique de la gendarmerie, il n’y a pas de point de deal ancré, donc c’est maintenant qu’il faut agir. C’est pour ça que dès novembre j’ai passé un arrêté de fermeture des commerces à 22 heures, pour si besoin faire fermer ces commerces.

On parle des épiceries de nuit.

Oui. Et je rappelle que la commune a porté la nouvelle caserne de gendarmerie pour que les forces de sécurité soient implantées de manière pérenne. On va continuer à fonctionner ensemble. J’ai aussi alerté les services de l’État, c’est un pouvoir régalien, une commune de 10 500 habitants ne pourra pas tout faire vis-à-vis du grand banditisme.

Un autre sujet revenu dans l’actualité dernièrement, la propreté. La mairie a loué une balayeuse pour nettoyer les allées, est-ce le début d’un coup de collier là-dessus ?

La propreté, c’est la mise en place de la redevance incitative. On est en année test, ce qui veut dire qu’il y a des ajustements à faire, il y a du mieux, mais dans les centres-villes, ça ne marche pas bien. Il faut ajuster, travailler main dans la main avec l’Agglomération. Je suis en train d’évaluer le coût pour la commune, ce n’est pas neutre.

Vous allez présenter la facture à l’Agglomération ?

Je prendrai mes responsabilités, voilà. Ce que je vous dis là, c’est le sentiment de pas mal d’élus du territoire. J’avais poussé un coup de gueule cet été, car ce sont les agents de la commune qui sont à l’oeuvre tous les jours. Il faut encore se donner un petit peu de temps, réajuster les choses et se poser les bonnes questions au bon moment. S’il y a des choses qui n’arrivent pas à passer dans le centre-ville, on réajustera avec l’Agglomération. Ce qui est rageant, c’est que les habitants font beaucoup d’efforts. Il y a besoin de pédagogie et d’accompagnement, ça ne se fait pas en un jour.

La propreté, ce n’est pas que la redevance incitative.

Non, mais force est de constater que le phénomène a été amplifié. La brigade environnement existe depuis bien longtemps, on a toujours eu un problème de dépôts sauvages. Ma crainte, c’est qu’au 1er janvier 2024, les gens vont payer, et qu’on retrouve de plus en plus de dépôts sauvages. Qui va les ramasser ?

On vous sent sceptique sur la redevance incitative, quand même.

Je ne suis pas sceptique, je suis pragmatique. On met quelque chose en place, il faut faire au mieux. Il y a eu un pic cet été, je pense qu’on va y arriver, mais il ne faut pas qu’on soit seuls. Il faut un engagement de la part de l’Agglomération, un binôme fort Ville-Agglomération. On ne peut pas jeter la pierre aux administrés si un point de collecte est plein. Il y a des gros ajustements à faire encore et j’espère que ça va s’améliorer, j’entends complètement le ras-le-bol des administrés.

Autre sujet, la vente de l’Hôtel-Dieu qui a été signée vendredi. C’est quand même un sacré caillou de moins dans votre chaussure.

Oui, parce que l’acquisition date de 2014, il y a eu un preneur qui n’a pas pu poursuivre, le covid est passé par là, le projet initial a été changé. Là on est très contents d’avoir fait la cession avec ce groupe, je leur ai donné les clés hier. Dans la création d’un nouveau quartier, ce groupe va rénover le monument avec 69 logements loi Malraux, ils vont consulter les entreprises au printemps pour un début de travaux en septembre, avec 22 mois de travaux annoncés. Et en parallèle, on travaille sur l’aménagement du terrain sud, il y a un foncier énorme, un gros enjeu pour la ville, pour le territoire, et on va faire participer les spiripontains sur l’aménagement du terrain sud en 2024.

Et au passage, la mairie récupère un peu d’argent.

Oui, 2,6 millions d’euros, mais on fait une opération blanche car on doit construire les parkings, et une fois qu’on les aura construit, on aura un reliquat de 870 000 euros. Mais ça permet de sauver le bâtiment, vide depuis 2010. C’est un bon signe pour le territoire, ces investisseurs viennent aussi dans des villes de notre strate.

Autre dossier au long cours, le nouveau collège, le terrain a été trouvé et acheté, quand les collégiens du canton y feront leur rentrée ?

Le Département va faire le collège et le gymnase, il est sur les études. Je veux remercier Nathalie Nury, qui a la compétence sur les collèges. Ce dossier avance bien, je suis très confiante. Il faut le temps des études et de la réalisation, la balle est dans le camp du Département, ça va avancer. On a mis à disposition le terrain, ça a été un peu long…

Et un peu cher aussi.

3,3 millions d’euros, on a une charge de centralité, ça pèse sur le budget de la ville, mais c’est pour la bonne cause, pour la jeunesse, pour le territoire.

Enfin, que souhaiter à Pont-Saint-Esprit pour cette nouvelle année ?

De la sérénité et de la stabilité, dans la continuité de ce qu’il s’est passé à l’automne.

Propos recueillis par Thierry Allard

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