L'INTERVIEW Patrick Saulnier, directeur de la Banque de France du Gard : "Un chef d'entreprise a besoin de stabilité"

Patrick Saulnier souhaite donner de la perspective aux entreprises gardoises.
- Erwan RobertDes questions en lien avec le financement d’entreprises ont été posées, lors d'un temps d'échanges et d’informations, mardi 3 juin. Une initiative mutuelle proposée par la CCI du Gard, la CMA du Gard et l'Office des entreprises. Patrick Saulnier, directeur départemental de la Banque de France à Nîmes, est aussi intervenu lors d'une table ronde pour présenter les principaux indicateurs économiques.
Objectif Gard : Pouvez-vous rappeller le contexte économique du moment ?
Patrick Saulnier : Il y a un ralentissement économique qui était annoncé et qui se réalise. Ce contexte économique est perturbé par le contexte international déjà, avec les droits de douane, par les incertitudes dans les relations commerciales. Sur la conjoncture nationale, il y a aussi des incertitudes liées au changement de gouvernement, à la dissolution, et les incertitudes fiscales : est-ce qu'on va augmenter les impôts ? la TVA ? Est-ce qu'on supprime les aides aux entreprises ? Un chef d'entreprise a besoin de visibilité, de stabilité, de pouvoir se projeter pour prendre des décisions. Dans ce contexte-là, il est un peu dans l'attentisme. On le retrouve aussi au niveau du consommateur, avec une remise en cause de son avenir professionnel. Donc, quand nous sommes dans cette situation difficile, on met de l'argent de côté, on reporte ses investissements, qui se répercute sur l'économie. En fait, c'est un serpent qui se mord la queue. C'est une spirale vicieuse et pas vertueuse. Le taux d'épargne des ménages progresse.
Vous constatez une grosse progression ?
Oui c'est quand même important. C'est monté très haut pendant le Covid, car les gens ne pouvaient pas dépenser, donc ils épargnaient leur argent. Ils étaient bloqués, nous sommes montés à 20 %. Nous sommes redescendus à 15 %. Aujourd'hui, nous sommes aux alentours de 16-17 % de taux d'épargne des ménages. Cela veut dire que les Gardois doivent mettre de l'argent de côté.
Quels sont les services que vous proposez aux entreprises au quotidien ?
D'un côté, nous avons des services destinés aux entreprises. On donne des conseils sur la gestion des entreprises. On construit le tissu économique et nous avons une mission qui est de coter les entreprises. On sort une cotation. Nous rencontrons les chefs d'entreprises et nous discutons des résultats financiers. Nous avons l'occasion de leur distiller quelques conseils, comme la gestion de leur trésorerie, la réduction des charges. Je pense qu'elles sont aussi bien accompagnées, grâce aux experts-comptables, avec des structures comme la CCI, la CMA. Il y a tout un écosystème dont nous faisons partie. Nous sommes là pour donner un éclairage sur les taux d'intérêts. Notre mission à la Banque de France, c'est la lutte contre l'inflation. Aujourd'hui, elle est à 1,5 %.
Vous avez donc un rôle d'accompagnateur pour les entreprises ?
Notre rôle, c'est de donner de la perspective sur l'inflation et les taux d'intérêts. Nous avons un correspondant TPE. C'est une personne-ressource qui accompagne les entreprises, si elles ont des questions à nous poser. Nous réorientons vers les bons interlocuteurs. Nous n'avons pas le monopole des réponses. Sur des questions de l'ordre financier, on peut y répondre. Après, les questions de fiscalité et de transmission, on renvoie vers les experts-comptables, la CCI, la CMA.
Quelle est la situation des entreprises gardoises ? Lesquelles sont performantes, lesquelles sont à la peine ?
Oui, il y a deux types d'entreprises aujourd'hui. Il y a des secteurs qui souffrent, comme le commerce, l'immobilier, l'automobile, la restauration. Dans l'immobilier, par exemple, c'est lié aux taux d'intérêts. Il y a deux ans, on les a remontés. Il y a eu aussi des normes environnementales et d'isolation qui ont été mises en place et qui ont renchéri les coûts. La hausse des matières premières comme le béton a augmenté le coût. Pour la restauration, c'est lié au pouvoir d'achat des ménages, à des modes de fonctionnement qui ont changé. Les salariés en télétravail mangent plus souvent sur place le midi que de rentrer chez eux. Les modes de consommation évoluent. En ce qui concerne le commerce, c'est lié aux achats en ligne. Les enseignes qui ferment, c'est parce que les personnes commandent par Internet et ne passent plus par le magasin comme avant. Le modèle économique évolue. Celles qui fonctionnent mieux, ce sont les entreprises résilientes, qui arrivent à faire le nécessaire pour économiser des charges. Au final, elles ont des bilans corrects.
Avez-vous un exemple d'une entreprise qui fonctionne bien dans le secteur ?
Les entreprises autour du nucléaire, grâce à la politique nationale de relance du nucléaire, plutôt que de faire de l'éolien. Cela y contribue. On donne des conseils et repères, comme ne pas distribuer les dividendes à tour de bras, de mettre de l'argent de côté, d'anticiper. Une expression dit : "C'est quand que le soleil brille qu'il faut réparer son toit." S'ils ont de bons résultats, il faut qu'ils investissent, qu'ils changent leurs matériaux, qu'ils maintiennent leurs performances.
Pourquoi avez-vous répondu présent à cet évènement-forum sur le financement des entreprises à Bagnols-sur-Cèze ?
Nous sommes là ce soir pour nous faire connaître. On s'intéresse au tissu économique, donc je trouve cela logique que lorsqu'on nous sollicite pour un évènement, on soit là pour donner notre vision. Car nous sommes à la croisée de pas mal de données, à la fois économiques et financières. Nous avons la centralisation de tous les crédits qui sont accordés, avec des statistiques de crédits octroyés ou impayés. On donne un éclairage aux autres acteurs.