Publié il y a 9 mois - Mise à jour le 03.08.2023 - Stéphanie Marin - 3 min  - vu 2783 fois

NOS PLUS BELLES MAIRIES À Jonquières-Saint-Vincent : 120 ans après le bâtiment reste, le souvenir de son bâtisseur aussi

La mairie de Jonquières-Saint-Vincent a été inaugurée le 30 août 1903 en grande pompe et en présence du député du Gard et ministre des Colonies, Gaston Doumergue.

- Stéphanie Marin

Nous nous sommes tous déjà rendus en mairie pour rencontrer un élu, inscrire les enfants à l'école, ou déposer un permis de construire... Au-delà de leurs missions de service public, certains édifices présentent une architecture remarquable ou témoignent de l'histoire locale. Cet été, tous les mercredis, Objectif Gard vous fait découvrir les plus belles mairies du département. Pour ce nouvel épisode, direction Jonquières-Saint-Vincent.

L'histoire de cet hôtel de ville, un ovni architectural sur le territoire il faut bien le dire, est directement liée à un homme, Théophile Michel. Ce Jonquièrois qui a fait sa fortune à la sueur de son front d'abord dans le transport de pierres depuis la carrière de Beaucaire, investissant ensuite dans la vigne, a été élu maire en 1888. "C'était un homme de caractère qui en imposait", rapporte Jean-Marie Fournier, l'actuel et 30e maire de la commune depuis la Révolution. Celui-là se réfère aux confidences de sa mère et de sa grand-mère, car Théophile Michel figure sur l'une des branches de son arbre généalogique.

La mairie de Jonquières-Saint-Vincent a été inaugurée le 30 août 1903 en grande pompe et en présence du député du Gard et ministre des Colonies, Gaston Doumergue. • Stéphanie Marin

Peu de temps après son élection, Théophile Michel engage d'importants chantiers, notamment la construction d'une nouvelle école pour garçons, les effectifs ayant fortement augmenté, il s'agit de celle nommée aujourd'hui Mistral. Mais il décide également de bâtir une nouvelle mairie, l'ancienne était située au numéro 11 rue de la République. Jean-Marie Fournier y a d'ailleurs habité : « mes parents l'avaient achetée dans les années 60, on dormait dans la salle des mariages à l’époque avant d'y faire des aménagements », se souvient-il.

La salle des mariages de l'actuelle mairie, qui fait aussi office de salle du conseil municipal.  • Stéphanie Marin

Ce projet qui s'accompagne de la construction d'une nouvelle fontaine monumentale, ne fait pourtant pas l'unanimité au sein du village qui compte un peu plus de 1 500 habitants à la fin du XIXe siècle. En pleine crise viticole - le vignoble français est alors ravagé par le phylloxéra - certains pensent qu'une rénovation de l'ancienne mairie suffit, afin de limiter les dépenses. Théophile Michel n'en fait qu'à sa tête, la nouvelle mairie jonquièroise prend forme en lieu et place du Café de l'avenir, d'après les plans de l'architecte nîmois Auguste Augière. Dans le même temps, il souhaite abattre l'immeuble Jean-Dayan pour créer une entrée de ville ouverte sur la nouvelle fontaine, mais "on ne lui a pas laissé le temps de le faire", lâche l'actuel maire.

Une Marianne a été aposée sur la façade arrière de l'hôtel de ville. • Stéphanie Marin

Car après plusieurs mandats, Théophile Michel n'est pas reconduit au moment des élections de 1904. L'affaire de ce nouvel hôtel de ville n'y est pas étrangère. Le premier édile en place à ce moment-là s'inspire, lors d'un séjour en cure à Vichy, du style architectural de la cité bourbonnaise. On découvre sur la toiture de la bâtisse comptant deux niveaux, des tourelles, des faîtes pointus et recouverts de feuilles d'ardoise d'Angers.

Sous les pieds de Jean-Marie Fournier situé sur la terrasse de l'hôtel de ville, se trouvait autrefois une prison.  • Stéphanie Marin

Les matériaux utilisés sont de belle qualité. Et rien hormis quelques aménagements fonctionnels et une reprise de la toiture, n'a bougé depuis. Ainsi, l'escalier construit en 1902 avec ses marches en pierres de Beaucaire, de Ruoms (Ardèche) et de Barbentane (Bouches-du-Rhône) prône toujours à l'entrée de la mairie, le carrelage en carreaux de Lançon résiste au temps.

L'escalier construit en 1902 avec ses marches en pierres de Beaucaire, de Ruoms (Ardèche) et de Barbentane (Bouches-du-Rhône) prône toujours à l'entrée de la mairie. • Stéphanie Marin

Mais cela forcément a eu un coût, un peu plus de 45 000 francs auxquels s'ajoutent le coût de la nouvelle fontaine soit 4 130 francs. Elle n'existe plus aujourd'hui. Seule la statue en bronze qui la surplombait a été conservée, elle est exposée dans le hall de la mairie. Mais il faut également additionner les frais d'architectes, 4 250 francs, ainsi que ceux de l'inauguration en grande pompe et en présence du préfet et de Gaston Doumergue alors député du Gard et ministre des Colonies, le 30 août 1903.

Extrait d'un article du journal La Dépêche du 31 août 1903

"L'affluence est énorme, des bousculades se produisent [...] Sur la place, bondée de monde, on acclame le ministre et la République sociale [...] La cérémonie finie, on se rend à un vin d'honneur, servi sur la grande place publique, au milieu d'une foule frémissante de joie. On se dirige enfin vers le préau des écoles de garçons, où doit avoir lieu le banquet, où se pressent 400 convives auprès des notabilités qui sont à la table d'honneur." 

Montant total de l'opération : 60 000 francs, à la charge des contribuables jonquièrois. Ce que certains nomment un "caprice",  a eu pour conséquence d'assécher les comptes de la ville. Raison pour laquelle certainement le bâtisseur de cet hôtel de ville n'en a plus été son locataire à partir de 1904. Reste une belle et surprenante bâtisse plantée au beau milieu de la commune. Nous évoquions des aménagements fonctionnels plus haut, il s'agit de l'accueil qui faisait autrefois office d'appartement dédié au garde champêtre, mais aussi à l'étage, du déménagement du bureau du maire, qui a nécessité l'abattage d'une cloison. Des travaux réalisés en très grande partie par le maire actuel et son équipe des services techniques.

Dans les combles de la mairie de Jonquières-Saint-Vincent. • Stéphanie Marin

Jean-Marie Fournier avait également pour projet d'aménager les combles sous une charpente faite avec des planches de Bourgogne, mais son accès étriqué et le coût des travaux l'en ont découragé. Prudence, prudence, trois ans, c'est si vite passé !

Stéphanie Marin

Beaucaire

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