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Publié il y a 10 mois - Mise à jour le 21.06.2024 - Sabrina Ranvier - 6 min  - vu 889 fois

FAIT DU JOUR Cédric Martin, artisan du foot amateur

Il y a 130 élèves inscrits à l'école de foot de l'US Monoblet. 

- Sabrina Ranvier

Monoblet est bien loin de l’Allemagne où se joue l’Euro de football du 14 juin au 14 juillet. Pourtant, ce village cévenol de 867 habitants compte 240 licenciés dans son club de foot. C’est même un des rares clubs gardois qui possède trois équipes féminines. Son vice-président, Cédric Martin, consacre une cinquantaine d’heures par semaine à son métier d’électricien. Entraînements, tournois… Il coache aussi trois catégories de joueurs et joue lui-même en vétéran. « Pour lui l'US Monoblet, ce n'est pas un club de foot, c'est une famille », souligne Teddy Gras, joueur de l'équipe senior.

Le grand-père et le grand-oncle de Cédric Martin ont fondé le club il y a environ 55 ans.  • Sabrina Ranvier

À l’attaque ! 16h30, le portail de l’école de Monoblet s’ouvre. Un petit blond vêtu du maillot rayé d’Antoine Griezmann à l’Atletico de Madrid, court et se jette sur un mûrier. Trois autres garçons de 8-9 ans, le rejoignent aussitôt. Leurs bouches sont vite barbouillées de pourpre. Un grand brun élancé observe la scène, amusé : « C’est un goûter improvisé. » Cédric Martin est électricien. Il installe, répare, met à jour les systèmes électriques, les climatisations dans un rayon de 50 km à la ronde. Il travaille une cinquantaine d’heures par semaine. Mais, tous les mardis, il décale son réveil pour attaquer sa journée à 6h. C’est impératif. Il doit terminer ses chantiers pour être à l’école à 16h30. Il vient y récupérer son équipe. Responsable de l’école de football de l’US Monoblet, il entraîne les U8, les moins de 8 ans. Il enchaîne ensuite jusqu’à 19h30 avec les U9, les moins de 9 ans où pratique son fils cadet. Le vendredi soir, avant de jouer en vétéran contre les équipes du coin, il s’occupe des U14-U15 où évolue son fils aîné. Mais, eux, pas besoin d’aller les chercher, ces adolescents rentrent en bus du collège de Saint-Hippolyte-du-Fort.

Minibus de la mairie

Mûres avalées, bouches essuyées, la troupe rejoint à pied le stade situé à quelques centaines de mètres de l’école. À la fin des années 1980, la municipalité a utilisé le terrain de l’ancien stade pour y construire la nouvelle école. Un autre stade a été édifié en contrebas. Les deux équipements, le stade et l’école sont installés en pleine campagne. Un ronron de moteur strie pourtant le silence. C’est celui d’un minibus beige. Portant les couleurs de la commune, il ramène les écoliers dans les hameaux. Le week-end, l’engin transporte l’équipe de football féminine du club dans les tournois. « Le chauffeur du bus est l’éducateur de ce groupe. Alors la mairie lui laisse le bus et paie l’essence, précise Cédric Martin. Il y a trois ans, des filles, des femmes, des copines de joueurs se sont dit pourquoi ne pas monter une équipe. Une équipe senior féminine a été créée ». Le club possède aujourd’hui deux équipes seniors femme et une section U15 filles. C’est plutôt rare. Le district de football Gard Lozère compte au total une vingtaine d’équipes féminines senior, dont les deux de Monoblet. Sur le district, seuls treize clubs gardois proposent une équipe de U15 filles. Celle de Monoblet a fini la saison comme championne départementale de deuxième division.

Dynastie du foot amateur

Dans l’équipe des U8, pas de filles ce jour-là. Sur le grillage, une plaque indique : stade Jean Martin. « C’était mon grand-oncle », sourit Cédric Martin. Cet instituteur était l’ancien maire du village. Jean, son grand-oncle et André son grand-père, qui travaillait à la mine de plomb de Saint-Félix-de-Pallières, font partie des fondateurs du club. « Le club à été fondé en 1957, par des copains du village qui travaillaient à la mine de st Félix, raconte Cédric Martin. Il n'y avait pas de catégorie jeune a cette époque, il y avait un championnat senior interminier et puis le district Gard Lozère ». La mine a fermé en 1971 pour des raisons économiques. Le club de foot de l'US Monoblet est resté.

Dans le couloir, on reconnaît Cédric sur différentes photos, avec le maillot bleu et rouge de l’équipe. Né en 1982, il chausse ses premiers crampons à l’US Monoblet à 5 ans. Entre 1991 et 2000, ses parents déménagent à Lasalle. Celui qui joue milieu défensif ou défenseur, fait des infidélités au club et joue dans ce village. Mais, en 2003, quand son aîné veut chausser les crampons, il le suit et reprend du service comme joueur et éducateur à l’US Monoblet. « Il y avait des U13 et des U9. On a agrandi petit à petit », explique-t-il. Le club grossit, grossit. Il compte aujourd’hui 130 élèves dans son école de football et 240 licenciés. L’effectif du club de foot équivaut à 31 % de la population de la commune. Bigre, mais d’où viennent ces joueurs ? Monoblet est un village cévenol excentré, accessible par d’étroites routes en lacet. « Mes premières années d’éducateur, l’US Monoblet était associé avec Saint-Hippolyte-du-Fort, récapitule Cédric. Puis les équipes de Lasalle et Durfort se sont arrêtées par manque de bénévolat ». L’US Monoblet a tenu et s’est séparé de Saint-Hippolyte. Il récupère aujourd’hui beaucoup d’enfants de Lasalle, Durfort ou même d’Anduze à un quart d’heure de route de là.

Comment le club a-t-il échappé à l’hécatombe fatale à certains clubs voisins ? « J’ai réussi à m’entourer de pas mal de bénévoles. On en a 16 à 17 pour l’école de foot. Souvent ce sont des papas que j’envoie ensuite se former, avance Cédric Martin. Pour être bénévole, il faut être passionné et avoir une femme conciliante ». Dans l’équipe, il y a des kinés, des élagueurs, un informaticien… « Avec les formations du district Gard-Lozère, ils voient une autre approche. Cela les fidélise, j’arrive à les harponner », s’amuse-t-il. Mais surtout, il leur laisse gérer leurs horaires.

Lunettes de soleil, short, Grégory Vacquier est un ancien du ballon ovale. Mais cet ex-montpelliérain s’est laissé séduire par le club de Monoblet. « Mon beau-frère est le président du club. Lors d’un repas de famille, il a vu mon fils jouer au foot et il m’a conseillé de venir », se souvient-il. Il emmène le petit et finit par se former comme éducateur bénévole. Son fils aîné et même sa fille suivent. Ils vivent à Freyssac, hameau de 120 habitants. Mais Grégory Vacquier, technicien informatique et bureautique, dépanne des administrations et grandes entreprises à Montpellier, Toulon, Marseille, Nîmes. Stéphane Estieu, originaire de Strasbourg, travaille pour BRL espaces naturels. Lui s’est retrouvé à remplacer l’éducateur de ses enfants qui était malade. Puis il est resté, s’est formé. Le mardi soir, Cédric, Grégory et Stéphane entraînent ensemble. Ce club, ce n’est pas seulement apprendre à faire un retourné acrobatique, ou maîtriser l’art du dribble, c’est un moteur de la vie du village. À Monoblet, il n’y a pas de comité des fêtes. C’est le club de football qui organise les animations : loto, fête de la musique, fête de la bière, fête du village… « Cela nous fait des entrées d’argent pour proposer des prix de licence attractifs : 130 € avec équipement complet », détaille-t-il.

Dernier entraînement de l'année le 28 mai. Les enfants du club se sont rendus dans l'année à la Paillade pour être ramasseurs de balles lors d'un match de foot du club montpelliérain qui évolue en ligue 1 de football.  • Sabrina Ranvier

École de football

Les petits sortent justement des vestiaires avec un maillot bleu vif. Cédric Martin ouvre le sac à dos de matériel. Des brins de paille s’en échappent. « Oh il y a un œuf », crie un enfant. « Non il y en a plusieurs », le coupe un deuxième en en saisissant un entre ses doigts. Cédric les renvoie vers le terrain pendant qu’il trouve un abri pour ce nid inscrit clandestinement au club. Un enfant vient tourner autour de lui. Il n’a pas de crampons, ni le maillot du club. Il est un poil plus grand que les enfants qu’encadre Cédric. Il a 10 ans et est inscrit dans la catégorie au-dessus. Ce n’est pas son entraînement. Mais en sortant de l’école, il a vu les autres rejoindre le stade. La tentation était trop forte. Il a couru jusqu’aux vestiaires. « Vas-y, tu peux jouer avec nous », l’autorise Cédric, qui est aussi vice-président du club.

L’an dernier, l’équipe senior de l’US Monoblet est passée de la catégorie départementale à régionale. « Cette équipe, c’est un peu les vikings des Cévennes, reconnaît Teddy Gras, joueur de l’équipe senior. Cédric Martin a compris que pour avoir de bons seniors, il faut développer l’école de foot ». Teddy Gras connaît Cédric depuis une dizaine d’années. Il a joué avec lui quand il terminait sa carrière. Puis, il l’a eu six mois comme coach : « Pour lui l’US Monoblet, ce n’est pas un club de foot, c’est une famille. Dans ses discours, il nous parlait de la ‘grinta’, du fait que c’était comme une famille que l’on doit être là les uns pour les autres ».

Un nombre de licenciés en hausse

Est-ce un effet de la Coupe du Monde de football disputée en décembre 2022 au Qatar ? En 2023, le nombre de licenciés a grimpé pour le district Gard Lozère de football pour atteindre 24 519 inscrits contre 21 551 l’année précédente. Il y a environ 130 clubs dans le Gard et une trentaine en Lozère. « Il y a plus de licenciés, mais dans moins de clubs. Il y a une vingtaine d’années, on jouait dans son village. Ce n’est plus le cas, note-t-on du côté du district. Même si on ne peut pas le chiffrer, on est sur une tendance à la baisse du bénévolat ».

Sabrina Ranvier

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