FAIT DU JOUR L’éthique bio et sociale, boussole de navigation d’Arcadie

Le voilier porte-conteneurs de la coopérative Windcoop initiée par Arcadie devrait être mis à l'eau dans deux ans.
- ©DRPionnière dans le domaine du bio depuis 35 ans, l’entreprise méjannaise Arcadie l’est aussi dans sa structuration interne et s’apprête à le devenir sur les océans.
Passer de cultiver des plantes aromatiques bio à construire un voilier n’a rien d’anodin ou même logique de prime abord, mais c’est pourtant bien la prouesse réalisée par Arcadie, symbole de son engagement historique et sa croissance continue. La société basée à Méjannes-lès-Alès depuis deux décennies vient en effet de signer la construction du premier voilier porte-conteneurs au monde afin d’acheminer ses tonnes de poivre, vanille, curcuma, gingembre, et autres cannelle depuis Madagascar. L’objectif est de travailler sur l’impact environnemental, mais pas seulement : « Si on prend le bilan carbone au conteneur, on ne va pas exploser les performances, puisque celui du transport maritime 'classique' est en réalité faible du fait du grand nombre de conteneurs par bateau, explique Martin Lacroix, chargé de communication de l’entreprise aux cent salariés. Mais c’est une révolution en termes d’éthique, de gouvernance citoyenne, de respect des normes environnementales et des employés du navire. Le bio et le commerce équitable, pour nous, devraient obligatoirement être liés. On veut prouver qu’éthique et rentabilité sont compatibles. » Le cargo de 90 mètres accueillera environ 200 conteneurs, soit 2 500 tonnes de marchandises. Son « système novateur de voiles » permettra de réaliser 60 % d’économies de CO2 dès sa mise à l'eau dans deux ans.
“Le bio est une demande sociétale, autant être en avance”
Fondée en 1990 par un couple d’agriculteurs pyrénéens, des « néo-ruraux producteurs passionnés de plantes aromatiques et médicinales bio », Arcadie s’est d’abord installée à Saint-Quentin-la-Poterie pour prendre part à un pôle d’entreprises bio, avant de se déployer à Alès et finalement élire domicile à Méjannes-lès-Alès en 2005 : « Ces origines agricoles nous permettent de comprendre les problématiques du milieu paysan. On a grandi avec le marché bio, jamais les fondateurs n’auraient pensé atteindre ce niveau d’activité. Mais le bio, c’est l’avenir, il n’y a pas le choix d’y arriver. C’est une vraie demande sociétale, alors autant être en avance », projette le communicant. L’entreprise, qui sélectionne et conditionne les épices Cook et les tisanes L'Herbier, source ses produits à Madagascar, « le premier pays partenaire avec plus de 25 % des approvisionnements annuels », mais aussi en Amérique du Sud et en Iran, pour le safran et la Rose de Damas : « Il n’y avait pas d’épices bio en France à l’époque et un concours de circonstances a amené les fondateurs à se tourner vers Madagascar. Ce sont des pays en grande difficulté, mais grâce à nos partenariats, on arrive à mieux faire vivre certaines personnes, même si on reste une goutte d’eau dans l’océan », analyse Martin Lacroix.
Faire rimer géothermie avec agronomie et holacratie
Depuis vingt ans, la société et ses locaux ne cessent de croître, accueillant depuis 2013 une crèche d’entreprise. 4 000 m² supplémentaires de murs en caissons de paille, toitures végétalisées et dotées de panneaux photovoltaïques avec un système de récupération de pluie, le tout chauffé par géothermie, doubleront bientôt la surface actuelle. Arcadie détient aussi des terres à Saint-Étienne-de-l'Olm « pour mener des cultures expérimentales et participer à des programmes de recherche en agronomie, afin de trouver des solutions face au dérèglement climatique ».
La transmission de la direction des fondateurs à leurs enfants en 2017 a marqué un tournant dans la gouvernance interne d’Arcadie. Ces derniers, après avoir introduit l’holacratie, une méthode innovante de gouvernance partagée, « proposent de passer l’entreprise en coopérative dès décembre pour donner plus de pouvoir aux parties prenantes, dont les salariés, qui, pour la moitié, sont déjà actionnaires. Ce processus volontaire sera probablement une première en France », selon Martin Lacroix.
Cette structure juridique est la même que la coopérative maritime Windcoop initiée par Arcadie : « Personne n’a jamais fait une telle coopérative citoyenne, de transport de conteneurs à la voile, à laquelle tout le monde peut participer à partir de 100 euros, avec déjà 1 600 sociétaires », assure le chargé de communication.
Voir plus grand pour mieux réussir à petite échelle
La coopérative maritime Windcoop, créée avec deux autres sociétés, étudie déjà « un second navire afin d’assurer une fréquence mensuelle sur la ligne Madagascar-France et une ligne régionale dans l’Océan Indien, une liaison transatlantique ainsi qu’une connexion directe avec l’Afrique de l’Ouest ». Et là où Arcadie optimise ses longs trajets, elle cherche aussi à mettre l’accent sur le commerce local : « Beaucoup de gens du coin ne nous connaissent pas car ils ne voient pas nos produits en rayon, c’est la base. Nos produits sont dans tous les magasins bio de France, mais on ne s’adresse qu’à 5 % de la population. On aimerait donc élargir notre distribution régionalement, explique Martin Lacroix. L’énorme défi serait d’aller en grandes surfaces et grignoter 1 % de part de marché ». En attendant, le magasin d’usine aux 300 produits a ouvert il y a un an à Méjannes-les-Alès.