Publié il y a 11 h - Mise à jour le 30.04.2025 - Coralie Mollaret - 5 min  - vu 2206 fois

L'INTERVIEW Alexandre Pissas : « Les pompiers ne pourront plus continuer à vivre comme avant »

Responsable politique aguerri, Alexandre Pissas, 74 ans, préside le SDIS (Service départemental d’incendie et de secours) depuis 17 ans. Début avril, il a fait voter le budget 2025 des pompiers, marqué par une hausse importante des charges. Également élu départemental PS et maire de Tresques, l’édile évoque les élections à venir. Entretien.

Objectif Gard : Le budget 2025 a été adopté. Comment se présente-t-il ?

Alexandre Pissas : Il a été voté à l’unanimité, et ce pour la deuxième année consécutive (les élus de droite ont voté pour, NDLR). En fonctionnement, l’exercice s’élève à 99,3 M€ et à 51,9 M€ en investissement. En raison de l’inflation, la participation du Conseil départemental a été revue à la hausse de 922 000 €, et les collectivités ont contribué à hauteur de 565 000 €, soit 1,7 % supplémentaire. Je vais vous dire la vérité : malgré ces hausses, on s’est quand même bien gratté la tête… Quand on a commencé à bâtir le budget, on s’est rendu compte qu’il nous manquait 1 M€ !

Baisse des vacations, du remboursement des arrêts maladie et report de recrutement

Pour quelles raisons ?

Comme les collectivités, nous avons subi une forte hausse des cotisations retraites pour les agents : 935 000 €. Il y a aussi une augmentation des cotisations pour les pompiers volontaires : s’ils ne paient pas de charges sociales, nous oui : 150 000 €. On ajoute à ça le classique GVT (glissement vieillesse technicité), la cotisation mutuelle — devenue obligatoire — pour les agents… En 2024, nous avons embauché 100 pompiers volontaires, et leur formation coûte 1 M€. Au total, il fallait donc trouver 2,5 M€. Même avec l’aide des collectivités, il nous manquait encore un million.

Comment avez-vous fait ?

Depuis un mois, je voyais régulièrement la présidente du Département Françoise Laurent-Perrigot. Comme le prévoit la convention financière 2023-2028, le Département doit nous verser 5 M€ par an en investissement et 55 M€ en fonctionnement. J’ai proposé de diminuer de 1 M€ la section investissement pour la rajouter au fonctionnement. La présidente y était favorable… Seulement, le directeur de cabinet l’était beaucoup moins. Du coup, j’ai dit à ma direction qu’il fallait trouver 1,1 M€. Nous avons engagé des économies.

Quel genre d’économies ?

D’abord, la réduction des vacations (les indemnités que perçoivent les pompiers volontaires) : 400 000 €.

À un moment donné, vers novembre ou décembre, nous allons nous retrouver en difficulté. En insistant un peu, la direction a aussi trouvé 100 000 € d’économies sur les fluides… Ça va peut-être faire plaisir à Richard Tibérino (conseiller départemental, membre du conseil d’administration du SDIS). Le recrutement d’un capitaine pour 24 000 € ainsi que celui d’un directeur des services informatiques à 55 000 € ont été décalés. Même si, aujourd’hui, ma direction me dit clairement qu’il manque des encadrants au SDIS…

Les arrêts maladie seront également moins remboursés ?

Oui c’est la loi, on passe de 100 % à 90 %. Jusqu’à présent, le SDIS était plutôt généreux. Les pompiers ont compris qu’on fera tout pour ne pas toucher à leurs avantages et acquis sociaux. Mais ils ne pourront plus vivre comme avant…

Dans ces conditions, qu’en est-il du respect du protocole d’accord avec le syndicat Sud sur l’embauche de pompiers professionnels ?

Il est maintenu et appliqué. Chaque année, jusqu’en 2027, nous recrutons 10 pompiers professionnels. Forcément, ça augmente la masse salariale. Alors il faut le dire : on n’arrivera pas à nommer tous les jeunes qui risquent de perdre leur concours en avril 2026. Le Département nous donne 1,5 M€ pour ces recrutements. On va continuer à chercher des économies là où c’est possible.

Le Gard sous-doté en nombre de caserne

Le budget d’investissement, avec notamment la construction de nouvelles casernes, n’est-il pas disproportionné en période de disette budgétaire ?

C’est compliqué. Le ministère nous oblige à moderniser les moyens de télétransmission… Ça va nous coûter une fortune ! Les camions pèsent aussi lourd dans les investissements. Mais heureusement que nous les avons ! Regardez ce qu’il s’est passé à Gabian : un système de protection défectueux a causé la mort d’un pompier et en a blessé trois autres.

Et concernant la construction des casernes ? N’y a-t-il pas trop de projets lancés ?

Mais le SDIS est incapable de mener plusieurs projets de casernes de front ! C’est pour ça que le résultat de clôture de la section d’investissement est aussi important : 20 M€ en 2024, contre 200 000 € pour le fonctionnement. Et vous savez, quand on demande aux élus de repousser certains projets, ils sont d’accord… à condition que ce ne soit pas le leur ! La caserne de Bagard sera terminée fin 2026. Il y a aussi la réfection de Fournès, de Vauvert, de Terre de Camargue… Et puis, nous sommes, malheureusement, le département de France avec le moins de casernes : 30, contre 60 en Ardèche ou 53 dans le Vaucluse !

Pensez-vous qu’en cours d’année, le Conseil départemental pourra vous venir en aide ?

La convention stipule que le Département peut intervenir en cas de difficultés majeures, notamment lors d’inondations exceptionnelles ou de feux de forêt. Et puis, le Conseil départemental fait lui aussi des efforts sur sa propre structure.

Revenons sur ce vote à l’unanimité… Finalement, la droite est plus conciliante avec les pompiers à l’approche des élections, non ?

Je ne pense pas. Vous savez, les pompiers n’en ont rien à cirer des votes comme ça !

Vous semblez plus tranquille au niveau syndical depuis que Nicolas Nadal a quitté le secrétariat pour devenir votre directeur de cabinet…

Ce qui les a calmés, ce sont les sanctions. C’est moi qui les signe. Ce n’est pas toujours ce que propose le colonel Carret. Parfois c’est plus dur, parfois moins. Quand il y a eu les sanctions, je me suis mis en retrait pendant quinze jours. J’ai reçu les pompiers à la mairie de Tresques, à tel point que les secrétaires pensaient que je recrutais… J’ai vraiment étudié ce qu’il fallait faire.

Vous avez sûrement vu le sondage d’Objectif Gard sur les municipales. À un an des élections à Nîmes, la dynamique semble être à gauche. Qu’en pensez-vous ?

Je suis très content pour l’équipe de Vincent Bouget, qui est aussi mon vice-président au SDIS et président du CST (Comité social territorial). Il fait l’unanimité parmi les syndicats. Pour les socialistes, j’ai été ravi de l’élection de Pierre Jaumain comme chef de file. C’est un homme calme, humble, avec une grande expérience, et clairement ancré à gauche. Des qualités indispensables pour cette fonction.

Enfin, parlons de vous. Vous avez longtemps espéré devenir sénateur. Ce rêve s’éloigne avec la volonté de Denis Bouad de faire un second mandat ?

On verra… Je ne sais même pas encore si je vais me représenter à Tresques (1 850 habitants). J’y suis maire depuis 2001. Vous savez… La directrice de cabinet du préfet m’a demandé si je ne voulais pas être candidat à la présidence de la République ! (rires) C’était au dernier conseil d’administration du SDIS. J’ai répondu que ce sont les assurances qui gouvernent ce pays.

Coralie Mollaret

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