Publié il y a 17 jours - Mise à jour le 21.10.2024 - Anthony Maurin - 6 min  - vu 576 fois

HISTOIRE Nîmes devient une cité mistralienne

Daniel Jean Valade Mistral Nîmes cité Mistralienne (Photo Anthony Maurin)

Daniel Jean Valade et Mistral avec Mireille, le Trésor du Félibrige et quelques belles lignes (Photo Anthony Maurin)

2024 est l’année Mistral et Nîmes n’oublie pas l’écrivain provençal.

Mistral et Daudet, inséparables poètes du Midi et liés à Nîmes et à sa région comme ici à Jonquières-Saint-Vincent (Photo Anthony Maurin)
Mistral et Daudet, inséparables poètes du Midi et liés à Nîmes et à sa région comme ici à Jonquières-Saint-Vincent (Photo Anthony Maurin)

En cette année 2024, les hommages du Félibrige à Frédéric Mistral et son œuvre sont nombreux dans les terroirs de langue d'Oc et certaines dates marquantes seront célébrées dans le Midi. On parle bien entendu des 170 ans de la fondation du Félibrige, des 120 ans du prix Nobel de littérature de Frédéric Mistral, des 110 ans de la disparition de Frédéric Mistral, voire des 130 ans de la présence de Frédéric Mistral dans nos arènes pour une « corrida de protestation », le 14 octobre 1894.

Daniel Jean Valade Mistral Nîmes cité Mistralienne (Photo Anthony Maurin)
Daniel Jean Valade et Mistral avec Mireille, le Trésor du Félibrige et quelques belles lignes (Photo Anthony Maurin)

Quand on demande à Daniel-Jean Valade, conseiller délégué à l’enseignement culturel, président de l’EPCC école d’art et président du conseil d’établissement du conservatoire, mais surtout ancien adjoint à la Culture, ce qui le lie à Frédéric Mistral… « Né le 8 septembre, comme la Vierge, Richard Cœur de Lion et moi-même, mais pas la même année ! »

Et quand on lui demande les liens qu’entretenait le poète provençal avec la cité des Antonin, il répond : « Nîmes a un lien fondamental avec Mistral. Il veut être poète, mais son père lui dit qu’il doit avant tout passer son bac. Il l’obtient à Nîmes en 1847 et quand il a écrit Mireille, c'est en mairie de Nîmes qu’il en fait la première lecture le 12 mars 1859. Il s’est souvenu que Nîmes avait été présente pour lui, une plaque rappelle ce moment », évoque Daniel-Jean Valade.

La Tour Magne et la pierre de commémoration à Mistral sur la gauche (Photo Anthony Maurin)
La Tour Magne et la pierre de commémoration à Mistral sur la gauche (Photo Anthony Maurin)

Sur le fronton de sa maison de Maillane comme sur son ex-libris, on peut lire « Lou soulèu me fai canta », le soleil me fait chanter. Ses armoiries personnelles sont formées d’une cigale d’or sur champ d’azur, chantant sous le soleil. Logique quand on est poète. À Nîmes, il a une rue et un lycée. « Le fonds de Carré d’Art (bibliothèque) est très important. En 1990, nous avons même monté la fameuse Santo Estello à Nîmes avec la Tour Magno et Armand et Régine Brunel. Ils ont beaucoup travaillé pour ça ! C’était en feria et les jeux floraux devaient aussi avoir lieu. La Sainte Estelle qui était élue pour sept ans et qui s’appelait alors Odyle Rio a désigné une autre Odile, Odile-Alix Dupuis, la fille d’André Dupuis qui était aussi majoral du félibrige. »

Daniel Jean Valade et Mistral avec Mireille, le Trésor du Félibrige et quelques belles lignes (Photo Anthony Maurin)
Un peu de lecture pour Daniel Jean Valade  (Photo Anthony Maurin)

Il y a eu la messe du félibrige qui s’est passée au pied de la Tour Magne et qui a été donnée par monseigneur Jean Cadilhac. La Tour Magne ? Mais bien sûr ! Mistral affirmera des années plus tard, lors du cinquantenaire du Félibrige qu’« au front de la Tour Magno, lou sant signau es fa. » Logiqaue alors. « Nous y sommes montés à cheval ! L’autre événement fut la présentation de la coupo santo, le graal du félibre. Chacun a bu dans cette coupe de 28cl. Cette coupe avait été offerte par les Catalans aux Provençaux car ils ont accueilli Victor Balaguer qui avait été expulsé d’Espagne par la reine. La coupe a été réalisée puis présentée le 30 juillet 1867 par Fulconis, le sculpteur, et Jarry l’orfèvre. »

Phototypie H. Tarride
Fernando Gomez El Gallo agenouillé devant le premier toro de la corrida Scapulario de la ganaderia de D. Pablo Benjumea auquel il vient de donner l’estocade. C'est cette corrida que Mistral a présidé à Nîmes.

Mais était-il plus que le poète récipiendaire du prix Nobel de littérature ? « Était-il aficionado ? En tout cas il est venu défendre la corrida et les libertés en présidant une course dans les arènes. Après son prix Nobel, c’est sa région qui a été valorisée, mais quand les vignerons font appel à lui en 1905, il ne vient pas. Mistral n’est pas militant de cause politique. » En tout cas Mistral était coquet et avait une image à diffuser. « On n’en parle jamais mais savez-vous pourquoi on voit souvent Mistral avec son chapeau pointu de travers ? Parce que s’il le mettait normalement, on le voyait moins bien à cause de l’ombre ! Il voulait être vu et bien vu. »

Daniel Jean Valade et Mistral avec Mireille, le Trésor du Félibrige et quelques belles lignes (Photo Anthony Maurin)
Daniel Jean Valade et Mistral avec Mireille, le Trésor du Félibrige et quelques belles lignes (Photo Anthony Maurin)

Trois timbres lui ont été consacrés en 1941 et 1980 en France, mais aussi en 1963 en Suède, pays de Nobel. Il a aussi une pièce de dix euros en argent sortie en France en 2012. « Mistral n’est pas un épiphénomène, c’est diffus, en tout cas c’est plus large que le seul Midi de la France ! Le félibrige, c’est la langue d’Oc, un territoire de millions de personnes, une culture née de la civilisation médiévale puis de la Renaissance. »

Daniel Jean Valade Mistral Nîmes cité Mistralienne (Photo Anthony Maurin)
La plaque commémorant Mistral à l'angle de la Rue Colbert et du Boulevard Amiral Courbet (Photo Anthony Maurin)

Comme le Mistral souffle fort, il inspire. Gabriela Mistral, qui a obtenu le prix Nobel de littérature en 1945, s’appelle en réalité Lucila Godoy. Elle a pris son pseudo en hommage au félibre ! Donc, deux Mistral ont remporté cette célèbre récompense. « Rappelons que notre Mistral remporte le prix Nobel dix ans avant sa mort et qu’il consacrera cet argent à la création du museon Arlaten ». Moins d’un avant son décès, il voit le président de la République Raymond Poincaré qui l’invite à manger à Graveson. Avec sa prestance et son don naturel pour la belle phrase, son amour des choses qu’il vit pleinement et son enthousiasme à défendre son Midi (et la langue qui va avec), Mistral connaît du monde.

Jean Reboul
Jean Reboul

« Il est proche de Charles Maurras, mais s’en éloigne car Mistral n’est pas antidreyfusard. Par contre, Jean Reboul fut quelqu’un d’important pour Mistral. Il était en contact avec Alphonse de Lamartine qui publiait une sorte de newsletter de l’époque qui s’appelait « Entretiens littéraires ». Il a consacré le quarantième numéro à Mireille dans lequel il dit que Mistral est un vrai poète homérique, nous sommes en 1859 et Gounod écrit l’opéra en 1863. »

Mais Mistral avait aussi la tête sur les épaules et les pieds bien sur Terre. « Après la mairie, il y eut aussi une lecture de Mireille dans l’ancien théâtre et Reboul a fait un discours pour l’occasion. Il lui a rappelé qu’à Paris les escaliers étaient de verre et que ce qui le faisait grand était qu’il n’oubliait pas sa mère, comme pour lui rappeler de ne pas l’oublier aussi. »

À tout poète, l’inspiration ne vient pas toute seule. Et là encore, Nîmes a joué une place dans la vie du félibre. « Rue Briçonnet, on trouve une plaque faite par l’Académie de Nîmes en 1930 évoquant la présence de Mistral. Ça donne ça "Reçu par Dono Andriano rêva, chanta, interpréta et retrempa son génie aux sources éternelles de la poésie". Qui était cette Dono Andriano ? C’était sa muse, son égérie. Michèle Pallier de l’Académie a beaucoup travaillé sur le sujet. » Madame Adrien Dumas, plus connue sous le nom de Dono Andriano fut une des grandes amies du Maître de Maillane. Pendant près de vingt-cinq ans, Mistral fut le roi du salon des Dumas dans le bel hôtel qui porte le n° 2 de la rue Briçonnet. Une hirondelle nîmoise !

Le moulin d'Alphonse Daudet à Fontvielle (Photo Anthony Maurin)
Le moulin d'Alphonse Daudet à Fontvielle (Photo Anthony Maurin)

« Provençal, Mistral va beaucoup à Avignon et il y va souvent à pied avec Daudet ! Ils partent de Maillane et vont rencontrer les Avignonnaises… Il y a d'ailleurs, dans les Lettres de mon moulin d’Alphonse Daudet, une lettre adressée à Mistral (Le poète Mistral). Autre chose, Jeanne de Flandreysy est une dame qui, dit-elle, a épousé un aristocrate écossais. Elle est partie, mais elle est revenue sans lui. Elle n’a même jamais dû se marier avec mais c’était une cocote qui a aussi rencontré Mistral et Baroncelli. On a même une photo sur laquelle Mistral et sa femme posent et elle est en arrière-plan, c’est osé ! »

Les salons lui ouvrent des portes et lui permettent d’autres choses. Les relations qu’il entretient avec Baroncelli et Jeanne de Flandreysy permettent de financer un nouvel outil de communication. « En 1891, Il crée Aïoli, un journal, le magazine du Félibrige. Baroncelli en est devenu le rédacteur en chef et dirigeait la revue depuis le Palais du Roure qui appartenait à sa famille. Jeanne, avec qui il devait avoir des relations plus intimes et qui lui a permis de racheter cette « maison », a ensuite créé les éditions du Roure. Jeanne était aussi la cousine de Léo Larguier qui s’est réfugié à Avignon pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle a épousé Émile Espérandieu, dont le buste est visible dans le jardin du Muséum d’histoire naturelle de Nîmes. »

Buste d'Émile Espérandieu au Muséum histoire naturelle Nîmes (Photo Anthony Maurin)
Buste d'Émile Espérandieu au Muséum histoire naturelle Nîmes (Photo Anthony Maurin)

Mort en 1914, Mistral a laissé plus qu’une trace mais le temps passe. Mistral avait son caractère, ses visions, ses enjeux. Il était ce qu’il voulait qu’il soit et son image était parfaitement maîtrisée. Il pensait à la postérité, au temps qui dévore mais qui peut aussi consigner.

Daniel Jean Valade Mistral Nîmes cité Mistralienne (Photo Anthony Maurin)
Nîmes est une cité Mistralienne (Photo Anthony Maurin)

Preuve en est avec la publication du Trésor du Félibrige en deux tomes qui recense, pour la faire simple, tous les mots usités dans le Midi de la France, avec leur signification française, les acceptions au propre et au figuré, les augmentations et diminutifs, et un grand nombre d'exemples et de citations d'auteurs…

Le label « Cieuta Mistralenco » est donc la suite logique des choses si la Mairie veut inscrire la cité parmi les villes distinguées qui protègent, promeuvent et intègrent dans leurs politiques, la langue et la culture des pays d'Oc.

Anthony Maurin

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