NÎMES Oliver Laric révèle l'art contemporain au Musée de la Romanité
Depuis le 2 juin 2018, date de son ouverture, le Musée de la Romanité prend sa place dans le paysage culturel et touristique international et participe à la valorisation du territoire nîmois en ayant déjà accueilli plus de 700 000 visiteurs.
Sept expositions temporaires ont été présentées au public, permettant au musée d'enrichir et d'élargir son discours sur le concept de « romanité » en proposant un regard différent sur cette thématique.
« Gladiateurs, héros du Colisée » à l'été 2018. « Pompéi, un récit oublié » à l'été 2019. « Bâtir un Empire : une exploration virtuelle des mondes romains » durant l'hiver 2019/2020, « L'empereur romain, un mortel parmi les dieux » à l'été 2021, « Portraits et secrets de femmes romaines » de novembre 2021 à mars 2022, « Étrusques, une civilisation de la Méditerranée » à l'été 2022, et « Dévoiler Nemausus. Jean-Claude Golvin, un architecte et des archéologues » durant l'hiver 2022/2023. Aujourd’hui, voici une nouvelle expo, un contrepied.
Une exposition atypique
Si vous êtes Nîmois vous n’êtes pas sans savoir que 2023 marque l’année d’un anniversaire important, celui du Carré d’Art. Le musée d’art contemporain de la ville de Nîmes est un lieu de vie et de création artistique. Au cours de ces 30 ans, un grand nombre de visiteurs ont bénéficié d’un accès privilégié à des œuvres d’art contemporain produites par différents artistes.
Nicolas de Larquier, commissaire de l'exposition et conservateur en chef du Musée de la Romanité est heureux de cette nouveauté atypique. « Le musée fait le pari de l'audace afin de décloisonner les pratiques muséales, s'adresser à un visitorat qui n'est peut-être pas celui qui a l'habitude de pousser ses portes. Dans le même temps, il désire faire découvrir à ses fidèles que la création contemporaine sait dialoguer intelligemment avec l'Antiquité et l'archéologie. »
Et le conservateur de reprendre, « En réinsérant ces sculptures dans un continuum de création, l'artiste les extrait momentanément du champ de l'archéologie pour leur faire réinvestir celui de l'art. En ciblant des thématiques trans-chronoloqiques comme celle du genre ou de l'hybridité, il acte une fois pour toute la persistance des motifs et des sujets travers le temps. »
Pour fêter cet anniversaire, le Musée de la Romanité a décidé de proposer cette année une exposition mêlant art contemporain et archéologie. C’est l’artiste autrichien Oliver Laric qui a été choisi à cette occasion. Il a sélectionné des œuvres qui l’inspiraient et les a utiliser pour en créer des réinterprétations, avec une nouvelle fonction, une nouvelle valeur.
La notion d’hybridité chez Oliver Laric est l’inverse de celle de l’Antiquité où l’homme civilisé se définit en opposition à l’univers barbare et dangereux des créatures hybrides qui peuplent la mythologie.
L’hybridité au cœur du travail
Oliver Laric chérit tout particulièrement le sujet de la relation humain-animal, qui peut prendre différentes formes et utilise différentes techniques pour élaborer ses modèles en 3D.
Lorsqu’on se balade parmi les œuvres de l’exposition, on s’aperçoit que la relation humain-animal et la thématique de l’hybridité reviennent souvent. On peut observer Cupidon jouant avec un chien et Neptune avec son dauphin ou encore Hermanubis ou la statuette de Pan et Bacchus.
Oliver Laric cherche à démontrer que l’existence se décline en possibilités infinies et qu’il n’existe pas seulement deux conditions qui s’opposent : humain ou animal, tout comme on n’est pas homme ou femme avec Hermaphrodite et qu’il y a, au contraire, de nombreuses manières d’être humain, animal, homme, femme, qui s’entrecroisent et se mélangent.
Travailler avec des personnages hybrides permet donc à Oliver Laric d’évoquer sa vision fluide de l’existence et d’abolir les frontières. Le choix de la réinterprétation de la statue d’Hermanubis est un clin d’oeil au Musée de la Romanité puisqu’elle avait déjà été exposée dans le cadre de l’exposition Pompéi en 2019.
Sculpter selon ses lois
Oliver Laric utilise la technique de la photogrammétrie. Il s’agit de prendre des photos d’un objet sous plusieurs points de vue différents. Ensuite, il entre les images dans un logiciel et c’est un algorithme qui va reconnaitre tous les pixels homologues dans les images. Il associe toutes les images entre elles et il élabore le modèle en 3D.
Ensute, il effectue un travail de post-production sur les fichiers imprimés. Il va pouvoir modifier les proportions, régler la lumière, créer de nouvelles formes, ajouter des parties à la sculpture et ainsi de suite. Enfin, il pourra imprimer la statue avec une imprimante 3D.
Pour ce faire, il peut utiliser des matières différentes comme du polyuréthane, de la résine, de l’aluminium, de la poudre de verre ou encore du nylon.
En revanche, son travail est bien différent par rapport à celui d’un sculpteur dans l’antiquité. Le sculpteur grec enlève de la matière en sculptant son bloc alors qu’avec une imprimante 3D Oliver rajoute couche par couche de la matière.
Copie ou original ? Origénial !
Oliver Laric remet en question l’idée qu’une œuvre d’art doit être rare et authentique. Pour lui, copier une œuvre n’amoindrit pas son prestige, au contraire, cela permet de la rendre davantage célèbre.
Il considère que l’émotion que l’on peut ressentir en observant une œuvre peut tout à fait naître face à une copie ou une représentation. Ce qui fait l’intérêt d’une œuvre réside dans ce qu’elle incarne, ce qu’elle nous raconte, ce qu’elle nous fait ressentir.
De plus, une œuvre n’est jamais créée à partir de rien. Oliver Laric n’adhère pas à l’idée du génie donnant naissance à une œuvre singulière, distincte de tout ce qui a été fait avant. Au contraire, la création artistique s’inscrit dans une continuité : une œuvre est le fruit de ce qui la précède et de ce qui l’entoure puisque les êtres humains et leurs idées sont interconnectés.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Oliver Laric aime créer des œuvres en série. Les copies et la création en série mettent en lumière ces liens, et permettent de comparer et de faire dialoguer les différentes versions. De la même manière, il aime que d’autres s’emparent de son travail pour le faire évoluer au travers de nouvelles créations.
Nîmois dans l’âme
Oliver Laric a travaillé en résidence au Musée de la Romanité. Selon les dires du conservateur il compte parmi les personnes qui en connaissent le mieux les collections. Pour cette exposition, il a travaillé, en particulier, à partir de quatre découvertes nîmoises. La statue-fontaine de Neptune (retrouvée en 2006 sur le Jean-Jaurès), œuvre fragmentaire et très emblématique du Musée de la Romanité, dont il propose ici la restitution des parties manquantes.
La statue de « L'enfant au chien » qu'il compare directement à d’autres trois copies antiques du même modèle mais exposées dans différents musées, réunies pour la première fois dans une exposition. Il y aura aussi la statuette d'un « Cupidon au chien », cet animal apparaissant comme une figure récurrente dans son travail et qui fut retrouvée en 1743 du côté du sanctuaire de la Fontaine. Enfin, la statuette de Pan et Dionysos, découverte au 32 de la route de Sauve, a permis à l’artiste de traiter une nouvelle fois un thème qui lui est cher, l'hybridité.
L’exposition étant donc scindée en deux parties, ce sont près de 30 œuvres qui sont à découvrir. En tout dans la première partie, six grandes œuvres, neuf plus petites et cinq écrans pour comprendre le processus de travail et le rendu de l’artiste à travers divers médias. Dans la seconde partie, une quinzaine de statues plus ou moins grandes
Au Musée de la Romanité de Nîmes jusqu'au 31 décembre prochain. Tarif parcours permanent + exposition temporaire, entrée à 9 euros, réduit à 6 euros, 7/17 ans à 3 euros. Gratuit pour les moins de 7 ans. Forfait famille à 21 euros (2 adultes et 2 enfants 7/17 ans).
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