FAIT DU JOUR Max Roustan : "Mes adversaires sont tellement bons qu'ils m'ont rendu service..."
59 ans de service, et toutes ses dents de politique rôdé. On ne parle pas, ici, de l'âge de Max Roustan, mais de la longévité qui lui vaut d'être nommé au rang de chevalier de la Légion d'honneur depuis la dernière fête nationale, le 14 juillet dernier. C'est le deuxième personnage de l'État, le président du Sénat, Gérard Larcher, qui vient lui remettre officiellement cette décoration, ce vendredi soir, dans les salons de réception du Pôle mécanique, l'une de ses créations comme maire d'Alès. Une occasion honorifique pour un entretien plus humain que politique, avec celui qui est maire depuis presque trente ans et conserve, décidément, toutes ses dents.
Objectif Gard : Être élevé au rang de chevalier, c'est une vraie fierté ?
Max Roustan : C'est un honneur immense, puisque c'est l'un des honneurs les plus grands en France. En toute humilité, ça me réconforte un peu, à l'âge que j'ai, par rapport au travail qui a été fait. Et dans le ressenti, évidemment, de la population et des amis qui ont travaillé avec moi depuis ce temps-là. Ce n'est pas spontané, je veux dire, c'est un travail de près de 60 ans.
Le fait que ce soit votre action publique qui est récompensée, c'est effectivement ce qui vous plaît ?
Oui, on n'est pas sur du privé. Les diverses activités que j'ai menées, que ce soit en tant que président de l'apiculture, président du parti... Puis, gagner les élections pour Alès, être élu depuis 1989, ça a compté beaucoup. Être élu pour le territoire alésien et vivre la reconnaissance des Alésiens, c'est particulier. Je leur dois, d'ailleurs, une grosse partie de la décoration puisque leur confiance fait que je suis resté.
"Je pense aux tonnes d'affiches qu'on a collés..."
Spontanément, quel moment heureux vous revient en pensant à votre carrière d'élu ?
Un moment heureux ? Mon mariage (il sourit), mais il y a longtemps. Sinon, en matière d'action publique, ça a été ma première victoire aux élections municipales. J'ai commencé à l'âge de 16 ans, et à 45 ans, on a été élus. Je pense aux tonnes d'affiches qu'on a collées... Ça a été un événement fabuleux... Surtout sur une ville où je n'étais pas attendu.
Spontanément, un moment malheureux de votre carrière ?
Oh, avant tout, la perte de beaucoup de mes parents, de mon frère en Algérie, et de mon dernier frangin, évidemment (*). Quii était un frère, un père, un confident, qui a beaucoup compté pour moi. Mais c'est comme ça, c'est la vie...
Et dans votre action municipale, un moment moins heureux ?
Sur la collectivité... Je n'ai pas eu de gens malheureux, parce que mes collaborateurs sont toujours là. On n'a pas connu d'histoires, comme ailleurs, dans d'autres communes. C'est une action très positive, d'avoir conservé cette poignée. C'était la théorie du frère de l'école chrétienne où j'étais : "Une poignée qui s'entend, ça reste". Et là, je crois qu'avec Christophe (Rivenq), Marian (Mirabello, directeur-adjoint du cabinet du maire en charge de la sécurité, NDLR) etc., depuis trente ans, ça n'a pas bougé d'une virgule. Il n'y a pas un papier de soie qui nous différencie et cette belle amitié a permis de continuer, ce qu'on a fait sur la ville d'Alès.
Si vous deviez citer une personne qui a marqué votre carrière ?
Il y en a plusieurs. Le premier a été Jacques Blanc, quand même. J'ai été élu régional et vice-président de la Région. Et puis après, ç'a été Christophe, évidemment. Avec Marian.
"On a pensé que l'économie industrielle était une économie d'avenir, contrairement à d'autres qui fermaient les usines."
La réalisation dont vous êtes le plus fier sur Alès ?
La meilleure est générale. C'est d'avoir apporté, selon mon point de vue, un changement d'image. Et, j'espère, d'avoir apporté du bien-être dans les lieux. De par la création de la médiathèque, de l'hôpital, etc. Et d'avoir pensé que l'économie industrielle était une économie d'avenir, contrairement à d'autres qui fermaient les usines. Nous, dès qu'on est arrivés, on avait annoncé un triptyque : industrie, bien-être, sport et culture. Je crois que ça a porté ses fruits. Aujourd'hui, Alès reste une ville industrielle qui se développe. C'est une grosse satisfaction. Avec le Hup qui est devenu tout neuf, tout beau, en coeur de ville, en plus... C'est extraordinaire, pour moi.
Est-ce que vous gardez un bon souvenir de parlementaire ?
J'ai gardé de très bons souvenirs, car c'est quand même, là aussi, un honneur de représenter son territoire à une des plus hautes fonctions. Après, c'est ministre ou Président de la République... Cette fonction m'a permis d'accélérer le processus d'amélioration de la ville d'Alès. Parce que, en ayant cette double casquette de maire et de député, on tape à la porte des bons ministres pour tirer les moyens financiers qu'il nous faut. Un exemple, la 2x2 voies... Trois mandats pour un tronçon... L'hôpital neuf... On ne l'aurait jamais construit si je n'avais pas été élu député. Le dernier mandat que j'ai eu, j'ai été un peu déçu par le rôle de parlementaire : le fait qu'il n'y ait plus le cumul des mandats a fait perdre le contact avec la population. Je crois que c'est une catastrophe pour les intérêts du territoire.
Quel pourrait être l'adversaire politique que vous avez apprécié, que vous avez bien aimé ?
(Il sourit) Oh, je les aime tous ! Ils sont tellement mauvais que je les aime (Il rit) Eh ben, oui, comment voulez-vous le dire ?
"Moi, je m'entends avec tout le monde. (...) Maintenant... Il y en a que j'aime plus que d'autres."
Mais aucun nom n'émerge d'un adversaire avec qui vous vous êtes mieux entendu qu'un autre ?
Oh, si. J'ai eu des moments de sympathie avec Patrick Malavieille puisqu'il m'a battu et je l'ai battu, pour la députation. Après, je plaisante, mais c'est vrai... Mes adversaires sont tellement bons, qu'ils m'ont rendu service...
Un adversaire avec qu'il n'était pas possible de s'entendre ?
Moi, je m'entends avec tout le monde. Je n'ai pas d'a priori sur les gens, je vais n'importe où, avec n'importe qui, ça ne me gêne pas. Maintenant... Il y en a que j'aime plus que d'autres.
Spontanément encore, une personnalité politique nationale qui vous a marqué ?
Le premier, c'est Jacques Chirac, qui m'a permis d'avoir mon premier rôle de député, de par son élection présidentielle. Avec toute l'histoire qu'on peut greffer à cela : avec Christophe, on s'est battus comme des chiens pour avoir l'investiture du RPR, alors que j'avais déjà celle de l'UDF. Et c'est Christophe, avec ses connaissances au sein du RPR à Toulouse - cette histoire, c'est un roman - qui nous a fait avoir l'investiture. Et finalement, ça m'a servi à être élu au deuxième tour à la députation.
"Quand j'ai perdu la députation, le lendemain, j'étais au café, comme d'habitude."
D'autres, à part Jacques Chirac ?
Non... Enfin, avec Sarkozy, on a eu de bons moments. Il était d'ailleurs venu à Alès. À l'époque, je l'avais même appelé par son petit nom, ça avait fait rire la salle. On avait de la complicité, c'était un bon personnage.
Est-ce que vous avez un regret politique, quelque chose que vous n'avez pas pu mener au bout, par exemple ?
Je n'ai aucun regret, en quoi que ce soit. Ce que j'ai fait, je l'ai toujours fait parce que je l'aimais, ou au moins volontairement. Ce que j'ai perdu, je l'ai perdu et j'ai continué ma vie. Quand j'ai perdu la députation, le lendemain, j'étais au café, comme d'habitude. Mon comportement n'a pas changé, c'est la vie. Et je m'y adapte facilement. Donc, je n'ai pas de regret particulier.
Qu'est ce qui motive encore une homme après une longue carrière, comme la vôtre, à se lever encore "pour les autres" ?
On a le sens d'apporter quelque... ou plutôt d'essayer d'apporter quelque chose, en toute humilité, évidemment. Cette volonté-là, elle ne vous quitte pas. On est des battants, et on reste des battants. L'âge étant... (il rit) On tape moins fort.
(*) Jean Roustan est décédé en octobre 2020.
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