"Pour savoir quel est le temps de réaction quand on roule à 50km/h, il faut prendre le premier chiffre de la vitesse et le multiplier par trois. Cela fait donc 15m où la voiture avance sans que je ne fasse rien." Brigitte Martin sort à l'autre bout de la rue pour mieux représenter la distance, devant le regard amusé des élèves. Monitrice d'auto-école de métier, elle est devenue la responsable pédagogique de l'auto-école solidaire et sociale "Coup de pouce Avenir". Face à elle, des personnes de tous âges, de tous horizons. Certaines maîtrisent mal le français comme Aziza originaire du Maroc, Alex de Roumanie ou Fabienne qui est malgache. D'autres sont handicapées, dyslexiques, isolées, rongées par le stress, terrées par plusieurs échecs consécutifs. Le panel est large.

Brigitte Martin adopte des pédagogies différenciées pour leur apprendre le code. Elle s'appuie sur des exemples concrets de la vie quotidienne pour faire passer les messages. Mais surtout, elle fonctionne avec une même recette : "Toutes les personnes qui sont là ont besoin de relation et de confiance. C'est parfois ce qui manque pour se sentir boosté", assure-t-elle. Elle qui a travaillé pendant des années en auto-école traditionnelle avait envie d'offrir un autre cadre pour un public différent : "Je me suis aperçue qu'il y a beaucoup de gens avec des handicaps différents. En auto-école, on les met dans les mêmes conditions qu'une personne lambda alors qu'elles peuvent connaître des difficultés de compréhension, d'apprentissage ou au plan financier." Ces personnes-là se retrouvent bien souvent en situation d'échec. 

"On conseille à toutes les dames du quartier de venir"

De là est née en 2019 l'auto-école solidaire et sociale "Coup de pouce Avenir", qui fonctionne sous forme associative. Grâce au bouche-à-oreille, les inscriptions augmentent. L'atmosphère "conviviale et familiale" motive les adhérents. Les métamorphoses parfois, comme "cette jeune fille qui avait peur des gens, sortait des leçons excédée et aujourd'hui salue tout le monde avec un check", relate Brigitte Martin. D'autres membres sont convaincus du bien-fondé de cette auto-école un peu différente.

"On conseille à toutes les dames du quartier de venir (...) On a retrouvé confiance en nous", tonne Hanane, une maman bagnolaise qui vient d'obtenir son code du premier coup. "Le premier jour où je suis arrivée ici, je trouvais que c'était difficile. Mais jour après jour, on y arrive. Brigitte fait tout pour faciliter les choses", renchérit Fabienne d'origine malgache. Elles espèrent maintenant décrocher leur permis pour pouvoir travailler, aller chercher les enfants à l'école et aider un peu leur mari. En clair, devenir autonomes.

Une revanche sur les on-dit

"Un maman nous a même dit l'autre fois "Enfin la liberté". Dans sa tête, elle se sent libre", se réjouit Brigitte Martin. Dans le public de l'auto-école "Coup de pouce Avenir", elle compte aussi des personnes en situation de handicap, comme Morgane, 21 ans, habitant Villeneuve-lez-Avignon, atteinte d'autisme. La jeune femme voit dans cette auto-école une revanche sur les "on dit" : "Cela fait 9 mois que j'apprends le code. Certaines personnes me disaient que je n'étais pas capable. Je vais leur prouver le contraire, je les laisse parler. La dernière fois, j'ai obtenu 35 bonnes réponses et sur les thèmes 3/4." C'est de bon augure pour l'examen qu'elle passera ce mois-ci. Pour maximiser ses chances, un important travail est mené sur le vocabulaire : "La dernière fois, je n'avais pas compris parce qu'il était écrit "désactiver l'airbag" alors que je disais toujours "déconnecter"", témoigne-t-elle. 

Tous handicaps confondus, le taux de réussite au permis est de 78 % au sein de l'auto-école "Coup de pouce Avenir". "En 2023, 98 personnes ont passé leur permis. La plupart en deux fois, beaucoup du premier coup et très peu en trois fois", annonce fièrement Brigitte Martin. Elle travaille avec différents partenaires qui adressent des candidats, comme la Mission locale jeunes (MLJ), France Travail (ex Pôle Emploi). En plus des leçons de code et de conduite à Bagnols-sur-Cèze, l'association bagnolaise se délocalise. Elle se rend régulièrement auprès des travailleurs handicapés de l'ESAT de Kerchene à Lapalud pour apprendre le code : "On mise beaucoup sur le relationnel. Sur vingt, déjà dix d'entre eux ont eu le code et trois le permis", a compté la monitrice. 

Des cours de code en milieu pénitentiaire

"Coup de pouce Avenir" est aussi sollicitée à l'ESAT de Saint-Laurent-des-Arbres et se déplace à l'intérieur de la prison du Pontet pour travailler le code avec les jeunes détenus. Tout cela est possible grâce aux subventions mais surtout grâce à la Fondation Macif, le principal mécène de "Coup de pouce Avenir". Son soutien financier a permis à l'association d'acquérir un simulateur de conduite, reproduisant les mêmes conditions que derrière un volant. "On le met à disposition pour les élèves stressés. Cela permet d'analyser leurs trajectoires, leur façon de tenir le volant, leur temps de réaction... et ainsi recenser les points à améliorer", explique Lucien Makhloufi, autoentrepreneur qui offre ses services à "Coup de pouce Avenir".

Par la suite, l'auto-école solidaire et sociale aimerait mener des projets autour de la musique en voiture et son impact sur la conduite. "On voudrait aussi aborder le thème de la vision, avec le yoga des yeux. Expliquer que tout le monde ne voit pas la même chose et que cela peut causer des accidents", conclut Brigitte Martin. 

L'auto-école solidaire et sociale "Coup de pouce Avenir" se situe au 48, rue André-Thome à Bagnols-sur-Cèze. Elle est ouverte le lundi de 17h à 19h, le mardi matin, le jeudi de 16h à 19h et le samedi de 10h à midi. Informations au 04 34 77 01 79 ou par mail à secretariat@coupdepouceavenir.org.