Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 10.05.2020 - stephanie-marin - 5 min  - vu 3088 fois

FAIT DU JOUR Marché immobilier : une perte d'activité économique estimée à 30% en 2020

Ludovic Tourdiat, président régional de l'Union des Syndicats de l'Immobilier. (Photo : Stéphanie Marin / ObjectifGard)

Ludovic Tourdiat, président régional de l'Union des syndicats de l'immobilier (UNIS), estime que 15% des agences immobilières n'auront pas la trésorerie suffisante pour affronter les prochains mois et devront fermer boutique. Dans une interview accordée à Objectif Gard, le gérant des structures Tourdiat Gestion et Tourdiat Immobilier, revient sur l'impact du coronavirus sur l'immobilier, pendant et après le confinement.

Objectif Gard : Depuis le confinement, en date du 17 mars, comment se porte le marché de l’immobilier ?

Ludovic Tourdiat : Le marché de l’immobilier est en berne. Même si on a travaillé, on peut quasiment parler d’un arrêt de l’activité commerciale. Et c'est bien le manque d’activité qui met les structures en difficulté, le chômage partiel a permis de réduire les coûts de masse salariale. Je m’inquiète particulièrement pour ceux qui ne font que de la transaction immobilière.

De mon côté, j’ai la chance de pouvoir effectuer les trois métiers c’est-à-dire le syndic de copropriété, la gestion locative et la transaction immobilière. Ça me permet de pouvoir maintenir un équilibre économique convenable. Nous avons maintenu l'activité gestion locative. En ce qui concerne la copropriété, nous avons beaucoup travaillé. Dans ce domaine-là, je vais avoir un obstacle à franchir pour l'organisation de l’assemblée générale car aujourd’hui les regroupements de plus de 10 personnes sont interdits. Pour les transactions locatives et immobilières, l’obstacle majeur, pendant le confinement, était le fait de ne pas avoir de client. Nonobstant les risques que peut prendre un potentiel candidat, il n’avait pas le droit de se déplacer pour visiter un bien à louer ou à vendre. Ce n’était pas prévu dans la liste des dérogations.

Vous dites que le marché de l’immobilier est en berne, mais avez-vous une estimation en pourcentage de la perte d’activité économique ?

En France, on fait à peu près 1 million de transactions par an, en temps normal. On estime cette année qu’on en fera environ 700 000. Donc, il y aura une baisse d’activité économique de l’ordre de 30%. En 2007, on a fait 900 000 transactions et en 2008-2009, après la crise des "subprimes", nous sommes tombés à 600 000. Et c’est le même schéma qui se dessine avec cette pandémie.

Cette baisse d’activité économique pour une agence telle que la vôtre par exemple, qu’est-ce que ça représente ?

C’est une perte qui nous met en difficulté. Il faut savoir que dans le domaine de la transaction immobilière, du moment où on a le mandat et la vente d'un bien, il se passe au moins trois à quatre mois. Je vais reprendre mon activité à partir de lundi, donc j’aurais peut-être la chance de pouvoir faire des ventes au mois de septembre.

Lors de ce deuxième trimestre, toutes les agences immobilières ne vont pas rentrer d’argent. En gros, on va avoir environ quatre mois de manque à gagner. Alors pour répondre à votre question, si j’ai suffisamment de trésorerie parce que je suis une entreprise qui a pu se constituer un bas de laine, je vais tenir. Si par contre, je viens de lancer mon entreprise et que je n’ai pas encore pu me constituer une trésorerie, je ne vais pas tenir. La réparation financière des chefs d’entreprise est très minime. En plus du manque d'activité, il y a le loyer à payer, les charges etc. Donc les structures récentes qui n’ont pas une trésorerie suffisante risquent de déposer le bilan.

Là encore au niveau national, avez-vous une estimation du nombre de structures qui ne pourront pas résister à cette crise ?

Personnellement, je pense que ça va être de l’ordre de 15%. Sur quoi je m'appuie pour dire cela ? Sur le passé. En 2009 à Nîmes, après les "subprimes", 30 agences immobilières sur 150 ont fermé. Par la suite, d’autres se sont reconstruites, reconstituées. Mais la perte brute a été de 20%.

Comment envisagez-vous la reprise de l’activité en termes de transactions ?

Vous avez des ventes qui sont obligatoires, on appelle ça les 3D : les décès, les déménagements, les divorces. C’est malheureux, mais c’est comme ça. Donc celles-là, il va falloir qu’elles se fassent. Si elles ne se font pas maintenant, elles se feront après. Ce que je veux dire par là, c’est que ces ventes, ne sont pas des pertes sèches, elles vont se faire dans tous les cas.

Ensuite, pour vous donner des repères, la transaction en France s’appuie entre 65 et 70% sur l’habitat principal, 20 à 25% sur le locatif et 10% sur les résidences secondaires. Je pense qu’en ce qui concerne l’habitat principal, les transactions vont continuer, je ne suis pas vraiment inquiet. Le secondaire aussi. Et le locatif, là il y a deux discours. On pourrait penser que ça baisse, mais ça baisse pourquoi ? Parce qu’on pense qu’il va y avoir à peu près 30% d’accidents en plus, de personnes qui ne paieront pas leur loyer pour des raisons directement liées à la crise sanitaire (licenciements ou perte de revenus). Donc ça va dissuader les Français d'investir dans le locatif. Sauf que si on regarde l’Histoire, à part l’or et le diamant, qu’est-ce qu’il y a comme autre valeur refuge fiable dans le temps ? La pierre. Donc je pense que les gens, ne sachant pas si les banques pourront résister aux conséquences économiques du coronavirus à moyen terme, vont se dire que le moins mauvais calcul va être d’investir dans la pierre. Du coup, je crois qu’au niveau de l’immobilier, il n’y aura pas de problème, mais il faut quand même attendre et tenir jusqu’en septembre en termes de trésorerie au niveau des ventes.

Et en ce qui concerne les locations ?

Je pense que ça ira plus vite. Et puis, les personnes ont vécu plusieurs semaines confinées dans leur logement, donc il peut y avoir une remise en question : "il est trop grand, trop petit, je préfère la campagne, la ville etc". Je pense donc qu’il y aura du mouvement en termes de logements, à la fois en vente et en location. Ça aussi, ça va générer de l’activité.

Cette crise sanitaire aura-t-elle un impact sur le coût des biens, avec une marge de négociation plus importante en faveur de l’acquéreur ?

Oui, à moyen terme. Et je ne peux pas m’empêcher de faire le parallèle avec 2007-2008. À cette époque, les prix avaient baissé pendant quelques semestres puis rapidement la courbe s'était inversée. Mais mécaniquement, parce qu’on nous annonce une récession de 7 à 8%, un durcissement par les banques des conditions d’emprunt et une hausse des taux d’intérêt, le coût des biens devrait être plus négociable.

À partir de demain, comment allez-vous organiser votre activité ?

Les deux principaux syndicats professionnels de l’immobilier en France, la FNAIM et l’UNIS, ont travaillé sur la mise en place d'un cahier des charges en s’appuyant sur les préconisations du Gouvernement. Nous allons ouvrir nos agences commerciales, mais pas comme avant. Le port du masque sera obligatoire, il y aura du gel hydroalcoolique, nous allons mettre en place un cheminement dans les agences et privilégier les rendez-vous pris par téléphone pour pouvoir recevoir les personnes dans des conditions sanitaires satisfaisantes etc.

En ce qui concerne les visites, une seule personne à la fois pourra visiter un bien. Comme nos collaborateurs, elle sera équipée d’un masque, de sur-chaussures. Toutes les portes et les fenêtres auront été ouvertes par le propriétaire au préalable pour que le candidat n’ai rien à toucher pendant la visite.

Propos recueillis par Stéphanie Marin

Stéphanie Marin

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