CULTURE Figure emblématique de la ville, Roberta Pouget met fin à une histoire d’amour de 14 ans avec Alès
Directrice de la librairie Sauramps Cévennes depuis 2006, la Franco-italienne en a rapidement fait le centre névralgique de la cité alésienne qui se souviendra longtemps de son passage. Membre du comité d’organisation du Cabri d’or, la sexagénaire vient de vivre sa dernière cérémonie de remise des prix et rejoindra dès la fin de l’année son petit paradis : l’Île d’Oléron.
Avec des termes très élogieux, Christophe Rivenq introduisait la cérémonie du Cabri d’Or du vendredi 27 novembre par un hommage appuyé à « une figure emblématique de la vie culturelle alésienne », dont il avait appris quelques jours plus tôt avec émoi, le départ prochain.
Nommée directrice de la librairie Sauramps d’Alès en 2006, Roberta Pouget est arrivée avec des rêves plein la tête et l’envie furieuse d’en réaliser quelques-uns. Quatorze ans après, celle qui restera à jamais Alésienne, a réussi haut la main l’une de ses missions. Avec elle, la librairie Sauramps et la place Saint-Jean où elle est implantée, ont grandi, jusqu’à devenir, comme l’indiquait le président d’Alès Agglomération, une place forte du paysage culturel cévenol.
Car ce qui aurait pu n’être qu’une idylle passagère s’est transformée en une longue et belle histoire entre une libraire éperdument amoureuse de la vie et une ville qui ne demande qu’à ouvrir ses bras à ce genre de personnalités attachantes. Une histoire qui, en réalité, s’était forgée soixante ans plus tôt, lorsque ses parents, en provenance d’Italie, avaient fait une halte de trois ans à Alès.
« J’étais un chef d’orchestre mais j’avais d’excellents musiciens »
Avec son départ, prévu le 19 décembre prochain, Roberta Pouget laissera derrière elle des milliers de souvenirs dont certains, immortalisés, resteront accrochés au mur d’un bureau situé à l’étage de la librairie et qu’elle confiera à Éric, son successeur. De souvenirs tous profondément ancrés dans sa mémoire d’éléphant, même si le partenariat avec la scène nationale du Cratère, les expositions de la Galerie 15 qui lui ont fait découvrir Roudneff et la folie du festival Itinérances, occasionnant notamment une rencontre avec le réalisateur Patrice Leconte, figurent aux meilleures places.
Ce jeudi, lors de notre rencontre organisée à l’heure de la pause méridienne alors que la librairie ne désemplissait pas depuis le matin, le sourire communicatif de la directrice, que même le masque chirurgical peinait à dissimuler, laissait parfois place à une émotion soudaine au moment d’évoquer ce qui sera bientôt sa vie d’avant. « Je pense qu’il faut savoir tourner la page. J’ai adoré mon travail, j’ai une équipe absolument formidable et des lecteurs dont on ne saurait rêver mieux. » Et de poursuivre par un énième hommage à ses partenaires de travail, qui ont été les premiers au courant de son départ : « J’étais un chef d’orchestre mais j’avais d’excellents musiciens. Ça aide énormément ! Mes collaborateurs sont vraiment des passionnés, ils ont ça en eux. »
De ses années à Alès, la sexagénaire retiendra aussi son lien indéfectible avec ses fidèles visiteurs dont elle a récemment reçu des centaines de messages de sympathie, aussitôt imprimés et regroupés dans un book. « Je ne m’y attendais pas. Je ne pense avoir fait que mon travail, avec fougue et passion car c’est ma nature. J’ai aimé transmettre le goût de la lecture et mes coups de cœur », réagissait l’intéressée avant de rendre à son tour un hommage à sa cité d’adoption : « Il ne faut pas oublier qu’Alès est une ville très riche culturellement et la mairie y est pour beaucoup. J’ai à cet égard beaucoup d’affection et de respect pour Max Roustan et Christophe Rivenq. »
Roberta Pouget aime les choses simples qui ont fait son quotidien pendant près de quinze ans. L’Ermitage d’où elle apprécie la vue imprenable, la proximité avec les Cévennes, les promenades très matinales sur les berges du Gardon pour photographier les canards. Et son péché mignon : déambuler dans les rues en écoutant les gens parler et regarder les hommes jouer sur des terrains de pétanque qui n’en sont pas toujours. « Je picore des petits moments de vie, je suis très curieuse mais pas malsaine. (rires) »
« De l’humour, il faut en user et en abuser »
La responsable de la librairie Sauramps aimait presque tout à Alès, à une exception près : « La seule chose qui m’a manqué, c’est la proximité avec la mer. J’ai toujours rêvé de finir ma vie au bord de la mer. J’ai grandi à Marseille et mes parents ont aussi grandi au bord de la mer en Italie, donc ça fait vraiment partie de ma vie. » Une attirance pour le littoral qui, renforcée par une réflexion profonde menée au cours du premier confinement, a conduit Roberta Pouget à choisir une nouvelle destination. Ce sera la côte ouest et l’Île d’Oléron, dès la fin de l’année 2020. « Même si ce n’est pas la mer, l’océan c’est quelque chose de très vivant, de très énergétique », reconnaissait la future Charentaise.
Une région qu’elle a connu grâce à divers séjours et à son fils aîné qui a fait ses études à La Rochelle où elle a de nombreux amis. Mais à 60 ans, pas question pour cette dynamique touche-à-tout d’envisager une retraite ennuyeuse : « J’aimerais me former pour enseigner le yoga. J’en fais depuis cinq ans avec Cédric de l’espace Viniyoga d’Alès, qui est à la fois mon professeur et mon maître. Il m’a dit que j’étais prête. »
Celle qui adore le mot "humour", parce qu’il réunit deux termes qui lui sont chers, l’humanité et l’amour, et « parce que de l’humour il faut en user et en abuser, surtout en ce moment », en profitera aussi pour rattraper le temps avec son mari qui « a fait preuve d’une extrême patience pendant toutes ces années où j’étais parfois trop occupée avec la librairie. »
Mais avant de prendre la route pour rejoindre son île adorée, la libraire préférée des Alésiens leur a laissé un dernier cadeau : une sélection de ses derniers coups de cœur, à commencer par l’ouvrage Comme on dit chez nous : le grand livre du français de nos régions, coécrit par Alain Rey, Aurore Vincenti et Mathieu Avanzi, le roman Betty de Tiffany McDaniel, issu d’une littérature américaine qu’elle trouve « plus ouverte que la littérature française », et l’album de jeunesse King Kong de Fred Bernard et François Roca, aux « illustrations exceptionnelles. »
Corentin Migoule
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